En partenariat avec Nana (notre Manifeste)
Même si les comportements sont en phase de déconstruction, il y a encore du chemin à faire chez la plupart des gens, femmes et hommes confondus. Pour vérifier cette théorie, j’ai donc décidé d’interviewer trois femmes de trois générations différentes pour savoir quel est leur rapport aux règles, aux protections hygiéniques et lesquelles elles utilisent.
Car il est bon de constater que de ce côté-là, l’offre se diversifie, y compris chez des marques présentes depuis longtemps sur le marché. C’est le cas de Nana, qui vient de sortir cette année ses premières culottes menstruelles. Elles sont déjà disponibles sur son site de e-commerce et dans certaines enseignes de la grande distribution à un prix très raisonnable.
Les copines et les grandes sœurs restent la première source d’informations à toutes les époques
Dans le cas de mes trois interviewées, les discussions qu’elles avaient pu avoir sur le sujet avec leurs copines ou grandes sœurs les ont aidées à appréhender le phénomène des premières règles et à savoir que faire lorsque ça arrive. C’est le cas d’Eva, 22 ans, et alternante en communication :
J’ai une copine qui les a eues en CM1, quand j’étais avec elle. Elle ne savait pas vraiment ce que c’était et moi non plus, du coup elle paniquait, elle pensait qu’elle était malade. En rentrant le soir j’en ai parlé avec ma mère qui m’a expliqué que c’était normal et comment ça fonctionnait. C’est comme ça que j’ai su qu’il fallait mettre des serviettes hygiéniques, quand ça m’est arrivé en sixième.
Mais sur le coup, ma copine n’était pas avec moi pendant la récréation, et je n’ai pas osé demander aux filles qui se trouvaient dans les toilettes. Ça m’aurait mise mal à l’aise. Je ne voulais pas qu’on sache que j’ai mes règles, ce n’était pas la honte mais quand même…
Pour Stéphanie, 36 ans, et assistante de direction, les choses se sont passées différemment. Elle n’était pas proche de sa mère à l’époque, mais celle-ci a essayé de lui donner des protections hygiéniques. C’est sa sœur cadette qui a pris ce rôle pédagogique :
Je savais ce que c’était parce que j’avais vu mes sœurs les avoir, du coup je n’étais pas pressée. C’est ma sœur cadette qui m’a expliqué plus en détail ce que c’était, et le lendemain matin ma mère a essayé de me donner des protections juste avant mon départ à l’école et j’ai dit « Oui c’est bon » pour éviter de lui faire face et je me suis dépêchée de partir. J’étais trop mal à l’aise.
Je n’avais aucun problème à échanger sur le sujet avec mes copines. Une de mes meilleures amies avait été réglée hyper tôt donc je n’avais pas de gêne par rapport à ça. Si j’en avais besoin, j’arrivais à leur demander des protections, je n’attendais pas d’être tachée.
Autre époque, autre cas de figure, pour Héléna, 55 ans. Sa mère refusait catégoriquement d’en parler :
La seule chose que ma mère m’a dit c’est : « À partir de maintenant ne t’approche plus des garçons ! Les règles sont synonymes de sexualité ». Elle m’a donné tout de suite des protections.
La chance que j’avais c’est que j’avais des grandes sœurs. Ce sont elles qui m’ont expliqué le déroulement, que c’était tous les mois. Une semaine après je rentrais à l’école avec mes règles.
Une première évolution flagrante s’observe à travers ces premières réponses, dans les années 1980, Helenaa n’a pas eu le choix que de se tourner vers ses sœurs et ses amies pour en savoir plus sur les règles et comprendre les bon réflexes pour se protéger.
En revanche dans les années 1990, Stéphanie a eu l’opportunité d’en parler avec sa mère mais n’a pas souhaité le faire par pudeur. Quant à Eva, qui était au collège dans les années 2010, on peut parler du « choix du roi ». Elle a pu avoir les retours d’une amie qui a vu ses règles débarquer deux ans auparavant, ainsi que le recul plus précis de sa mère sur la question.
Le premier face-à-face avec les protections hygiéniques
Au-delà des premières règles, il y a les premières protections hygiéniques. Ce que j’ai pu remarquer au travers de mes entretiens, c’est que les premières protections proposées sont les serviettes et qu’elles sont rarement adoptées sur la durée. C’est pour Héléna que la transition s’est faite le plus rapidement :
C’était pas évident, je n’étais pas très à l’aise. Dans les années 1980 les serviettes étaient très épaisses, et j’en ai porté pendant un an. Puis vers mes 14 ans, j’ai gagné en assurance et j’étais contente de dire que j’avais mes règles, parce que j’avais des copines qui ne les avaient pas. À l’époque on montrait nos protections et on avait qu’une seule hâte c’était de mettre des tampons. Plus question de porter plusieurs centimètres de serviettes et là c’était la liberté.
En revanche on ne nous a pas expliqué comment les mettre… On était complètement démunies face aux mini-tampons sans applicateurs (rires). Heureusement qu’il y avait les copines ! En revanche, mes sœurs n’en mettaient pas, et mes amies utilisaient des tampons avec applicateurs. Je ne m’en sortais pas avec applicateur. Mais vers 14 ans tu explores ton anatomie et tu essaies de regarder. Tu te dis « Ah c’est là ! Puis il y a une ficelle, faut la tirer ». J’ai lu la notice et voilà.
Stéphanie quant à elle a pris le temps de se connaître avant de vraiment faire le choix de changer de protection, mais a tout de même fini par revenir aux serviettes hygiéniques :
À la maison on avait des serviettes, puis quand j’ai pu faire mes propre choix je me suis tournée vers les tampons, que je trouvais plus pratique. Au final j’ai fait des petits malaises à cause de ça, donc à moins d’être à la plage et de pas avoir le choix, je suis revenue aux serviettes. Et puis c’est vrai que les histoires de Syndrome du Choc Toxique, la peur de l’oublier…Quant aux culottes menstruelles, je n’ai pas encore testé.
Je pense malgré tout que je n’aurais pas pu me tourner vers les tampons dès le début, c’est quand même super invasif. Pour ma part je pense qu’il faut se connaître un petit peu avant de se lancer.
J’ai commencé à me tourner vers les tampons après en avoir parlé avec des copines, surtout parce que c’était plus pratique. Mes sœurs n’aimaient pas trop, elles avaient tenté l’expérience sans succès.
Pour Eva la transition a été plus longue :
Mes trois premières années de cycles menstruels étaient totalement irrégulières. Je pouvais passer deux mois sans avoir mes règles. Je ne me cassais pas la tête, je mettais des serviettes. Ayant grandi à Paris, j’étais peu confronté à la situation de la piscine ou de la plage. C’est durant des vacances de cinq jours où il y avait une piscine que je me suis dit qu’il fallait que je passe le cap du tampon pour pouvoir profiter de mon été.
J’étais avec une copine qui elle en mettait, et nous sommes allés acheter des tampons avec applicateur. En rentrant, dans la chambre, elle en a sorti un et m’a expliqué comment le mettre. J’aurais pu en parler avec ma mère, mais elle n’était pas présente.
Depuis je n’ai jamais changé de moyens de protection. Je sais que ce n’est pas bien de dormir avec un tampon, mais j’ai vraiment dû mal à dormir avec une serviette… Ça me dégoûte un peu… Le fait de voir et de sentir le sang ne me dérange pas quand je vais aux toilettes, mais c’est le fait de sentir le flux couler. Ça me donne l’impression que cela va déborder.
De quelle manière se procurent-elles les protections hygiéniques ?
Les règles sont un phénomène naturel, et c’est une information que vous avez déjà toutes. Cependant dans beaucoup de cas cela reste le secret le mieux gardé de l’univers. Cela concerne également tout ce qui peut y être lié, à savoir les douleurs, les sauts d’humeurs, les errances médicales ainsi que les protections hygiéniques…
L’acte d’achat de ses propres protections menstruelles reste une étape supplémentaire à franchir. C’est pour Stéphanie que cette phase a été la plus longue, un processus de déconstruction a été nécessaire :
La chance que j’avais c’est qu’on était trois filles à la maison et du coup ma mère achetait en gros et je n’avais pas à m’en soucier. Ça m’aurait gênée d’y aller moi-même dans mes premières années. D’ailleurs il n’y a pas si longtemps encore ça me mettait mal à l’aise et j’ai 36 ans (rires).
Je ne pouvais pas aller dans un magasin pour seulement acheter cela. Je me sentais obligée d’acheter deux ou trois choses à côté jusqu’à il y a encore deux ans. Pourtant on ne m’a jamais fait de réflexion. Sauf peut-être les garçons au collège, qui n’étaient pas très fins… Mais c’était plutôt à propos de l’humeur « mais qu’est-ce qu’elle a, elle a ses règles ? » ou alors « c’est dégueulasse !
Petit à petit j’ai commencé à dédramatiser le sujet. C’est comme les complexes, au début on est très focalisée dessus, « ohlala mes cuisses, mon ventre » et puis petit à petit t’apprends à faire avec.
Pour Eva ce processus s’est fait plus facilement et progressivement :
Au départ, c’est ma mère qui m’achetait mes serviettes quand elle allait faire les courses alimentaires. Ça m’aurait gênée de le faire moi-même, j’avais un problème avec ça… Quand j’ai commencé à acheter mes protections seule, jusqu’au lycée je me débrouillais pour acheter d’autres choses en même temps pour pouvoir les cacher, je ne voulais pas qu’on sache.
Ce qui a changé les choses, c’est que j’ai commencé à mettre des tampons à la fin du collège, et que de plus en plus de mes copines ont commencé à les avoir : ça m’a décomplexé ! Finalement, j’en suis venue à la conclusion que c’était quand même naturel et que toutes les femmes passent par là. J’ai compris qu’on n’allait pas me juger ou penser du mal de moi parce que j’avais mes règles, que c’est normal.
Pour Héléna le tampon était un objectif, un synonyme de liberté. Pas question de passer à côté, quitte à subir les regards :
Ma mère ne savait absolument pas que je mettais des tampons ! C’était complètement tabou, on achetait nos tampons en cachette. J’avais un petit peu d’argent, ou sinon mes sœurs m’en donnaient un peu.
Il y avait des serviettes à la maison mais pas de tampons. Nous sommes sept filles et je suis l’avant-dernière, et nous avons toutes un an ou deux d’écart. Donc je n’en ai jamais manqué de tampons (rires).
Lorsque j’allais acheter des tampons c’était avec les copines, on allait s’offrir du maquillage… On s’achetait quand même des serviettes pour la nuit, mais on passait à la caisse avec tout ça en même temps.
Mais très vite Héléna a dû se débrouiller seule pour gérer ce genre de chose :
Je me suis mariée à l’âge de 19 ans, pour pouvoir quitter la maison. Parce que dans ma famille, tu ne partais pas si tu n’étais pas mariée. Peu de temps après j’ai eu un enfant. Je parlais des règles avec mon mari du coup, on a commencé à sortir ensemble quand on avait 14 ans.
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Les protections hygiéniques face aux hommes
Parler des règles n’était pas un problème pour le mari d’Héléna, en revanche il voulait pas être impliqué davantage :
Pour lui c’était pas un tabou, même si à l’époque quand tu avais tes règles tu n’avais pas de relations sexuelles. D’ailleurs il ne m’a jamais acheté mes protections en allant faire les courses, il avait honte. La seule fois où il l’a fait c’est quand je sortais de la maternité et qu’il devait acheter des couches de bébé et des couches de maman. Dans ce cadre-là ça ne le gênait pas pas, parce que c’était lié à la maternité.
Les protections hygiéniques sont souvent à la charge des femmes encore aujourd’hui. Alors qu’il s’agit d’un phénomène qui sert à la procréation ni plus ni moins, et donc qui concerne aussi bien les hommes que les femmes…
Encore aujourd’hui Stéphanie m’affirme qu’il n’arrive jamais à son petit ami de lui en prendre lorsqu’il fait les courses lorsqu’elle n’est pas là. Pourtant, ils sont ensemble depuis un certain temps et vivent ensemble depuis plusieurs années…
Heureusement Eva vient nuancer ces affirmations, en me redonnant foi aux nouvelles générations d’hommes :
Je n’ai aucun problème à en parler avec mon copain, surtout que là j’ai arrêté de prendre la pilule donc j’ai de nouveau mes règles et j’aimerais passer au stérilet. C’est un vrai sujet de discussion. J’ai des règles douloureuses, mon copain le sait et ce n’est pas tabou pour lui. Même le fait de tomber sur un tampon avec du sang n’est pas un souci pour lui.
« Si je pouvais recommencer, je pense que j’en aurais parlé à ma mère sans tabou »
Aujourd’hui, Eva a ses règles depuis 12 ans, Stéphanie est menstruée depuis 24 ans, quant à Héléna, elle est ménopausée. Lorsque je demande à chacune d’elle ce qu’elle changerait dans leur parcours menstruel avec du recul, pour Eva et Stéphanie les arguments se rapprochent, elles auraient aimées être moins complexées sur le sujet. Pour Eva cela concernait surtout les hommes de sa famille :
Je pense que le seul truc que j’aurais pu changer par rapport à ça c’est d’être plus décomplexée sur ce sujet il y a quelques années vis à vis de mon papa, mes frères… J’en parlé surtout avec ma mère alors qu’il n’y a pas de raisons de se cacher. Quand je partais en vacances avec mes frères, je n’osais pas dire que j’avais besoin de tampons par exemple. Aujourd’hui je n’ai pas de problème avec ça !
Stéphanie culpabilise en repensant à sa mère :
Si je pouvais recommencer, je pense que j’en aurais parlé à ma mère sans tabou. Cela ne nous a pas éloignées, mais elle était déjà passée par là donc ça lui aurait certainement fait plaisir de m’expliquer ce genre de chose pour créer du lien supplémentaire. En plus elle a essayé… Nous en avons parlé des années après, mais nous ne nous sommes pas assises toutes les deux en face à face. Elle savait que c’était ma sœur qui avait pris ce rôle-là.
Pour Héléna c’est le manque d’information sur les risques liés aux protections hygiéniques qui lui a manqué :
À l’époque on a mis des tampons sans savoir, alors que c’est potentiellement dangereux. Surtout qu’on les gardait toute la journée à l’école, avec les compositions qu’on connaît aujourd’hui. Même si je faisais beaucoup de sport, je n’avais pas d’autres options.
Nous n’avions aucune information. Aujourd’hui ma fille a plus de 30 ans et n’a pas eu les problèmes que j’ai eu. Parce qu’elle fait attention aux tampons qu’elle choisit. J’ai découvert qu’il y avait des culottes récemment que je ne connaissais pas. Je pense que ça m’aurait intéressée, surtout que mes règles duraient dix jours. Je n’en ai plus besoin aujourd’hui, mais la culotte ça aurait été génial pour moi.
Quelle conclusion en tirer ?
Ce qui est commun à ses trois générations de femmes, c’est la facilité avec laquelle le sujet était abordé avec leurs amis. Comme un rapprochement inévitable entre des êtres qui vivent la même expérience en même temps. D’ailleurs chacune d’elle n’avait aucun mal à réclamer des protections hygiéniques si besoin en cours, ou plus tard dans le milieu du travail.
Ce qui s’observe également c’est l’accessibilité et la transmission des informations plus simples vers les jeunes générations. Héléna n’a eu aucune aide de sa mère, et n’a pas voulu faire subir le même sort à sa fille. Quant à Eva, dès son entrée en seconde, elle s’achetait seule ses protections.
En revanche, le milieu scolaire dans lequel nous passons la majorité du temps à l’âge où surviennent les premières règles n’est absolument d’aucune aide… Il y est expliqué comment on fait les bébés, comment mettre un préservatif sur une banane, mais pas que les règles sont douloureuses et comment mettre un tampon… Pire, il arrive qu’il crée des traumatismes comme à Eva :
Je suis allée à l’infirmerie, sans préciser que c’était la première fois que j’avais mes règles. L’infirmière m’a fait la morale en m’expliquant qu’il n’y avait pas beaucoup de stock à disposition et qu’il faudrait que je prévoie la prochaine fois. Ça m’a traumatisé ! Du coup j’ai gardé la même serviette toute la journée, c’était un enfer…
Bref on est encore loin d’un idéal d’acceptation, mais petit à petit l’idée fait son chemin. Comme certaines marques qui se cantonnaient aux protections jetables, qui comprennent les nécessités de créer des protections réutilisables pour toutes, à l’image de Nana qui a sorti deux modèles de culottes menstruelles il y a quelques mois.
Tous les tissus et matériaux qui la composent ont été choisis pour leur technicité afin d’en faire un objet ultra confort. Cette culotte est disponible partout sur la boutique en ligne de la marque mais également en supermarché. Vous n’avez plus qu’à vous la procurer pour vous faire votre propre avis.
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