Cette série est disponible depuis ce jeudi 1er février sur Prime Video, et elle est d’utilité publique. Nudes se compose de dix épisodes, tous réalisés par une réalisatrice : Sylvie Verheyde, Lucie Borleteau et Andréa Bescond.
Récit choral, la série est partagée entre trois personnages : Sofia, Ada et Victor, des adolescents issus de milieu complètement différents. De la lycéenne tiraillée par le déterminisme social, à la collégienne de zone rurale désertée et victime de pédo-criminalité sur Internet, en passant par l’étudiant en médecine inconscient des risques qu’il fait encourir à sa camarade de fac, la série dresse les portraits subtils de trois jeunes, victimes ou coupables de cyberharcèlement. La réalisatrice et chorégraphe Andréa Bescond signe les quatre épisodes consacrés à l’histoire de Victor.
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Madmoizelle a rencontré Andréa Bescond, qui nous a ouvert les coulisses d’une série dont les problématiques apportent une lumière précieuse sur les violences sexistes et sexuelles dont sont victimes les jeunes, femmes et hommes.
La bande-annonce de Nudes
Entretien avec Andréa Bescond
Madmoizelle. Vous êtes la seule réalisatrice de la série qui ne raconte pas l’histoire d’une femme victime mais celle d’un homme. Pourquoi avez-vous choisi de vous situer du point de vue d’un homme accusé de violences sexistes et sexuelles ?
Andréa Bescond. Quand je suis arrivée sur le projet, on m’a proposé le personnage d’Ada, qui est confronté à la pédocriminalité. J’ai alors répondu que j’avais déjà traité ce sujet avec Les Chatouilles, qui était déjà situé du point de vue de la victime. J’avais envie d’adopter le point de vue du gars accusé de pédopornographie.
Aujourd’hui, c’est ce point de vue qui m’intéresse pour m’opposer à cette idée reçue selon laquelle les mecs qui commettent des violences sont des monstres. Non, ce ne sont pas des monstres, ce sont même souvent des gars qu’on aime beaucoup ! L’agresseur, c’est aussi parfois un gars apprécié, bien intégré dans la société, parfois même en situation de réussite. Ça m’amusait de jouer avec le public en le faisant s’attacher à Victor, pour qu’il puisse ensuite percevoir ce paradoxe. Bien aimer ce personnage, ça fait vaciller le mythe du monstre.
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Quel message vouliez-vous délivrer à propos de ces hommes accusés ou coupables de violence ?
Je n’ai pas envie de condamner la jeunesse masculine. Je veux porter un regard constructif sur ce qui les pousse à agir ainsi. Je veux comprendre pourquoi la majorité des vidéos à caractères sexuelles sur Internet sont postées par des mecs. Je veux comprendre pourquoi il y a 30% de suicides en plus par rapport aux hommes chez les femmes entre 18 et 24 ans. Je veux savoir comment se façonne ce regard sexiste, misogyne des hommes, et notamment des jeunes hommes.
Justement : selon vous, quelle est l’origine de cette violence sexiste et sexuelle chez les jeunes hommes ?
Depuis longtemps, on a des chiffes sur l’impact de la pornographie chez les jeunes : on parle de 9% des mineur.e.s sur un site pornographique quotidiennement, à raison de 7 minutes par jour et environ 1h par mois. À ce moment-là, le jeune apprend la sexualité à travers la soumission, l’humiliation des femmes.
On doit empêcher l’accès à ces sites aux mineurs. Il faut travailler le regard des jeunes hommes sur les femmes. Seulement, les adultes sont passifs face à cette question, parce que l’anonymat vis-à-vis de la pornographie est plus arrangeante. Aucun adulte ne veut rentrer sa carte d’identité pour sécuriser l’accès. Dès lors, on est passifs et responsables en tant qu’adultes.
Dans la série, je montre que les adultes et la justice sont dépassés. Tout ça découle de nous. Avec la pornographie en libre accès, notre société capitaliste, patriarcale et hétérocentrée a généré une arme de destructions massives de la jeunesse.
Aujourd’hui, on accuse les jeunes en disant que les filles sont des putes et les garçons des violeurs, mais la réalité, c’est qu’on leur apprend à violer et à être violées.
Pour résumer, Victor est selon vous à la fois coupable et victime ?
Dans le premier épisode, Victor est attachant, plein de vie. Mais plus le récit avance, plus sa faculté à toujours se tirer d’affaire le dessert. Au fur et à mesure, il s’éteint, il perd des amis. Les femmes sont les premières victimes, ce sont elles qui sont exposées à la dépression, au suicide. Seulement, quand les hommes sont rongés par ces élans d’égo, de possession, de jalousie ou de vengeance, ils détruisent la vie de femmes mais sont eux aussi perdants. C’est ce que je veux montrer par le biais de Victor.
Parallèlement à ces hommes rongés par la violence, vous montrez des femmes qui se soutiennent, agissent, luttent et se soutiennent, par des collages, des manifestations ou des discussions. Que vouliez-vous raconter de ces personnages féminins ?
C’était important pour les trois réalisatrices que nous sommes de montrer la force des filles. Elles sont confrontées au cyberharcèlement, au revenge porn au slutshaming. Pourtant, elles sont bien dans leur peau, puissantes, libres et libérées sexuellement. Je voulais casser l’image de la victime vulnérable. Ce n’est pas du tout le cas. Ce qui est vrai et important dans cette série, c’est la sororité. Les colleuses travaillent pour qu’on n’oublie pas les victimes et qu’elles sachent qu’on les croit. Les amies se soutiennent.
Là où nous les adultes sommes dépassées, les jeunes femmes trouvent des solutions. C’était important de mettre en avant leur force, leur beauté, leur combativité, leur énergie.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Les 3 histoires sont très bien faites, et même si on connaît le sujet de la série, on tremble avec les 2 héroïnes quand cette merde leur tombe dessus. C'est pour moi vraiment une série à montrer aux ados, éducative. Si les collèges et lycées pouvaient le faire... Évidemment ce n'est pas possible, et je regrette que cette série ne soit que sur Prime et non sur le service public.
J'ai par ailleurs beaucoup apprécié la sororité que les scénaristes n'ont pas mis en retrait. Je trouve insupportables les relations entre filles ou femmes montrées généralement à l'écran, et là, ça fait du bien de voir des relations plus réalistes, car oui, en vrai, nous sommes humaines, avec un soupçon d'empathie .