Je suis une française de 30 ans qui a déménagé au Danemark il y a 6 ans (déjà) pour faire ma thèse dans la recherche de vaccin à l’université.
Il y a quelques semaines, mon boulot, qui d’habitude n’intéresse pas grand monde, a été placé au centre de toutes les attention puisqu’on a commencé à travailler sur un vaccin contre le coronavirus.
Le coronavirus : une maladie qui a débarqué sans prévenir
Au départ, comme tout le monde, je n’ai pas compris l’ampleur que ce virus allait prendre dans ma vie, dans nos vies, jusqu’à ce qu’un matin mon boss me dise : « on commence le confinement, tout le monde est renvoyé à la maison. Tu dois monter une équipe, et maintenant 100% de notre temps est dédié à ce vaccin. »
Habituellement, on travaille sur plusieurs vaccins en même temps. Mais tout d’un coup, tout notre temps de travail devait être dédié à cette maladie, dont je ne connaissais finalement pas grand-chose.
Dans notre équipe, nous faisons des vaccins que l’on appelle issus du « génie génétique », qui est un bien grand mot pour dire que nous prenons une partie du virus (en général impliquée dans la transmission et la virulence du virus) que l’on combine à une plateforme qui permet de présenter cette partie du virus à notre système immunitaire (les gentils qui protègent notre corps) de manière efficace et sans danger.
Si jamais vous êtes un peu perdus je recommande toujours les épisodes d’Il était une fois… la vie, ce merveilleux dessin animé de notre enfance.
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Trouver un vaccin contre le coronavirus, et gérer ma vie professionnelle
Du jour au lendemain, nous n’étions plus que 10 à pouvoir être au boulot et à tous travailler sur un vaccin contre le coronavirus.
Moi qui d’habitude ne me souciait que de moi-même au labo, j’ai dû assumer les responsabilités de team manager, gérer dans quelle direction le vaccin devait aller, organiser tous les résultats de manière concise et les taches et horaires de chacun.
Du haut de mes 30 ans, je me suis sentie grandir d’un coup et j’ai pris beaucoup d’importance. Ça a été à la fois très instructif mais aussi hyper stimulant, et un peu effrayant pour être honnête.
Je pense que ce défi a du bon, puisque maintenant toute l’équipe travaille de concert sur le même projet. Entre collègues, nous nous sommes beaucoup rapprochés, et je peux voir que chacun se soutient moralement et professionnellement du mieux qu’on le peut.
Tout le monde se complimente sur le boulot achevé pour pallier les longues heures passées au travail, et nos patrons nous offrent des chocolats et des gâteaux pour nous remonter le moral (bye bikini !).
J’ai senti un vrai esprit d’équipe se former et nous sommes devenus la « covid task force family ». Ça fait du bien, parce que le travail est dur et semé d’embuches (oui, faire un vaccin ne se fait malheureusement pas en quelques jours).
Espérons que le confinement nous aidera dans la reconnaissance au travail et l’esprit d’équipe, parce que finalement ça devrait toujours être comme ça, non ?
Pour faire un vaccin, il faut passer par plusieurs étapes obligatoires qui sont les suivantes :
L’étude préclinique, qui peut être la plus longue et fastidieuse puisque c’est elle qui consiste à trouver le vaccin en lui-même : quelle partie du pathogène utiliser, le véhicule pour transporter le vaccin, l’adjuvant si nécessaire…
Il faut ensuite rassembler toutes les données en terme d’efficacité, de sureté sur des sujets non humains (modèles animaux).
L’étude clinique phase 1, qui consiste à tester le vaccin sur des sujets sains pour étudier les effets secondaire et l’efficacité.
L’étude clinique phase 2, qui correspond au test du vaccin chez un nombre limité de patients pour étudier les effets secondaires, l’efficacité et le calendrier des vaccinations et des doses.
L’étude clinique phase 3, où on teste le vaccin sur un grand nombre de patients pour étudier les effets secondaires, l’efficacité et le calendrier des vaccinations et des doses.
C’est seulement après toutes ces étapes qu’un vaccin peut être commercialisé. Le processus est assez long, mais en cette période inédite, toute le monde fait son possible pour l’accélérer, et pour qu’un vaccin soit disponible rapidement.
Bill Gates, par exemple, a promis d’aider (financièrement) l’homologation de plusieurs vaccins
Trouver un vaccin contre le coronavirus, et être le centre de l’attention
Du jour au lendemain, tous les journaux danois se sont intéressés à notre travail, ce qui a amené pleins de moments étranges devant les caméras, sans savoir quoi dire ou se rappeler que « merde, je n’ai pas mis de mascara aujourd’hui ».
Être une star des caméras n’est définitivement pas une qualité qui m’est innée !
Non seulement, les médias ont les yeux braqués sur nous, mais c’est aussi le cas de mes amis et de ma famille. A chaque apéro Skype ou juste en retrouvant mon mec (lui en confinos tout seul à la maison) on me demande sans cesse « alors ce vaccin ? ».
C’est plaisant de savoir que tout le monde nous soutient et est (soudainement) intéressé par notre travail, mais c’est d’autant plus stressant que l’on sent que ce qu’on fait est maintenant d’autorité publique.
Tout le monde dépend de nous (ceci est un grand « NOUS » qui inclut tous les chercheurs qui travaillent sur un vaccin, pas seulement ma petite personne).
Mais ça devient aussi une double charge mentale de boulot : on travaille toute la journée, et dès qu’on rentre chez soi, plutôt que de buller avec nos amis, tout le monde nous rappelle à notre travail.
Michel qui demande quand le vaccin est prêt, Jeanine qui demande si finalement, tout ça n’est pas une ruse des Chinois pour exterminer le monde entier… Ça devient tout d’un coup beaucoup plus stressant…(hello retour de l’eczéma!)
Trouver un vaccin contre le coronavirus, et avoir une vie perso
Contrairement à beaucoup de gens (et surtout en France), ma vie personnelle n’a pas beaucoup changé. Evidemment, on ne va plus au cinéma, au restaurant (merci les économies), mais je vais au boulot tous les jours, donc ma routine vélo-boulot-dodo n’a finalement pas beaucoup changé.
D’un côté je me sens chanceuse de pouvoir sortir, de sociabiliser avec mes collègues et, je l’avoue, un peu contente de ne pas devoir être confinée avec mon mec 24h/24h dans notre 40m2.
D’un autre, j’ai l’impression de rater toutes les « joies du confinement » si on peut les appeler comme ça. Regarder tout Netflix grâce aux recommandations de Sors le Popcorn chez madmoiZelle.com, profiter de tous les lives Instagram, faire mon sport à la maison en FaceTime avec mes copines, apprendre à faire de la guitare ou devenir Top Chef à la maison…
De manière générale, je me sens très chanceuse de ne pas risquer de perdre mon boulot, de me sentir utile dans cette pandémie sans devoir prendre autant de risque que le personnel soignant (big up à eux !) et de ne pas m’ennuyer confinée à la maison.
J’espère que quelqu’un trouvera un vaccin, notre équipe comme n’importe qui d’autre, pour que tout le monde soit rassuré et protégé et que l’on ait plus à se soucier de ce virus qui a changé nos vies du jour au lendemain.
Il faut savoir qu’à ce jour, il y a presque 150 laboratoires dans le monde qui travaillent sur un vaccin contre le coronavirus et grâce à l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, ces laboratoires ont été mis en contact afin de pouvoir échanger sur leur résultats.
C’est une grande première que les laboratoires partagent des données instantanément pour pouvoir apprendre les uns des autres, plutôt que d’être en compétition.
Je suis plutôt optimiste sur le fait qu’un de ces labos pourra trouver un vaccin capable de protéger tout le monde.
J’ai aussi un petit espoir qu’avec l’attention des médias, les gens réalisent que les chercheurs ne sont pas juste des scientifiques fous (merci Hollywood) qui espèrent se faire de l’argent sur le dos des malades, mais des gens comme tout le monde qui toussent quand ils mangent du tiramisu avec de la poudre de cacao, et qui veulent aider à leur niveau.
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