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Société

Mediapart réunit 20 victimes présumées de PPDA : « Je me suis sentie un bout de viande »

Dans le cadre de l’émission de Mediapart consacrée aux vingt femmes accusant PPDA de violences sexuelles, plusieurs ont parlé pour la toute première fois de ce qu’elles ont subi en rencontrant l’ex présentateur star du JT de TF1. Des récits glaçants.

« C’est une histoire moche. Il n’y a rien de glorieux dans cette affaire, tout est laid. Il y a une seule chose qui est belle, c’est nous, c’est notre solidarité. Et c’est quelque chose que Patrick Poivre d’Arvor voudrait nous enlever encore. »

Les mots de la journaliste Hélène Devynck résonnent parmi les vingt femmes rassemblées ce 10 mai 2022 sur le plateau de Mediapart. Vingt femmes présentes pour témoigner, dont certaines pour la toute première fois.

Une dizaine de jours après la plainte pour dénonciation calomnieuse contre 16 d’entre elles portée par le journaliste et ancien animateur du 20H de TF1 Patrick Poivre d’Arvor qu’elles accusent de harcèlement et de violences sexuelles, leur prise de parole résonne indéniablement comme une volonté collective forte de poursuivre le combat.

Justine Ducharne témoignait à visage découvert pour la toute première fois :

« Jusqu’à aujourd’hui, je préférais rester cachée, parce que je préférais réserver ma parole à la justice, j’espère être réentendue, réauditionnée […] Je pensais être seule en 1995, je n’aurais jamais pensé que ça avait pu arriver à quelqu’un d’autre. Pour moi c’était important de dire à la police que Florence Porcel disait vrai. »

Car c’est grâce à cette dernière que l’affaire a éclaté, en février 2021, lorsqu’elle porte plainte contre PPDA pour viols.

« Je pensais aller boire un pot avec lui sur la terrasse de l’hôtel »

Marie-Laure Eude-Delattre avait 23 ans au moment des faits, qui se seraient déroulés le 18 mai 1985, à Cannes. Elle a parlé à l’époque, mais n’a jamais été ni entendue, ni réellement prise au sérieux.

« Je me suis retrouvée devant un homme célèbre, qui en imposait, qui était moche, je le dis carrément, c’était pas du tout mon type de bonhomme, et ce monsieur là, il s’est permis de venir récupérer sa carte d’accréditation et je sentais que c’était un peu un fauve quand même. »

Elle raconte ses ambitions d’une carrière dans les médias, son envie de travailler pour une grande chaîne, son enthousiasme teinté de naïveté. À l’issue d’une projection tard le soir dans le cadre du festival, PPDA l’aurait invitée à son hôtel. « Je n’ai pas vu le grand méchant loup. Je pensais aller boire un pot avec lui sur la terrasse de l’hôtel. »

Une fois dans sa chambre, elle raconte être face à un homme aux antipodes des livres romantiques qu’il écrit ou de l’image de séducteur qu’il aime à véhiculer, puis le moment de sidération et le viol qu’elle subit.

« Ce n’est pas ça la séduction, c’est “bout de viande, j’en ai besoin, je le prends et je m’en vais”. Juste après, j’ai pris mes petites affaires, il m’a ouvert, je suis partie. »

37 ans pour réaliser qu’il s’agissait d’un viol

Margot Cauquil-Gleizes avait 16 ans quand elle écrit à PPDA pour avoir des retours sur ses écrits. En mai 1985, il lui propose une rencontre à Sète, auquel elle se rend, espérant lui montrer ses productions littéraires.

La rencontre se tient à nouveau dans un hôtel. Elle relate un mode opératoire en tout points similaires à celui raconté par Marie-Laure Eude-Delattre.

« Sur l’instant, même si je n’ai pas réagi, que j’ai plutôt un black out concernant l’acte, je suis dans un état de sidération, il m’a fallu énormément de temps pour comprendre que c’est un viol par surprise. »

Elle raconte elle aussi la culpabilité, celle d’être venue de son plein gré jusqu’à son agresseur, de l’avoir rejoint dans sa chambre, comme si elle était partiellement responsable de ce qu’elle dit avoir subi. Il faudra 37 ans à Margot Cauquil-Gleizes pour comprendre qu’il s’agit d’un viol.

À la suite d’une autre interaction avec PPDA, cette fois à TF1, des années plus tard, où il aurait demandé une fellation à la jeune femme, alors âgée de 24 ans, elle parvient à s’échapper de cette emprise. « C’est un monsieur qui se sert, qui dépersonnalise la personne, la jeune femme qu’il a en face de lui » déclare-t-elle aujourd’hui.

PPDA a déclaré à la police ne pas se souvenir d’elle et ne pas la connaitre, ce que Margot Cauquil-Gleizes conteste vivement. Selon elle, un extrait d’une de ses lettres figurent dans un livre du journaliste et auteur, qui s’appelle Les femmes de ma vie, lettre pour laquelle il lui avait demandé une autorisation pour la publier.

« Pas une once de séduction »

Un autre témoignage, d’une femme non présente sur le plateau, a aussi été diffusé, celui d’Armelle Hervieu. Alors qu’elle le rencontre pour la première fois, il l’embrasse de force.

Un mode opératoire, là encore, confirmé par Charlotte Crenn, qui raconte avoir vécu une scène très similaire au domicile du journaliste. Elle affirme aujourd’hui avoir de la chance que cela n’ait pas eu d’impact plus grave sur sa vie personnelle et professionnelle.

« C’est sûr, j’étais un objet, c’est sûr, il ne se rappelle pas de moi », déclare quant à elle la journaliste Nora Arbelbide, qui assure elle aussi qu’il n’y avait « pas une once de séduction » lors de sa rencontre strictement professionnelle avec PPDA en 2003. « Je me suis sentie un bout de viande ! ».

TF1 a-t-elle fermé les yeux ?

Treize femmes affirment avoir vécu des agressions dans l’enceinte des bureaux de TF1. L‘entreprise a-t-elle failli à son devoir d’assurer la sécurité de ses employées ?

La journaliste de Mediapart Marine Turchi a interviewé Nonce Paolini, ancien dirigeant de la chaîne, qui affirme qu’il aurait agi s’il avait été mis au courant des comportements de PPDA à l’époque.

emission mediapart victimes ppda

« Le fait qu’il n’y ait pas d’enquête interne diligentée aujourd’hui me surprend », s’étonne Muriel Reus.

Elle estime aujourd’hui que la chaîne « ne s’est pas interrogée » : « Jamais. Sur ce ballet incessant, sur ces invitations permanentes, tous les soirs, quotidiennes, systématiques, de très jeunes femmes, dans les milieux qui sont les nôtres, après le 20H. »

Certaines victimes présumées sont encore plus intransigeantes :

« C’est une chose de dire maintenant “on vous croit” », estime Clémence de Blasi :

« Pendant longtemps, ça a été “on ne vous croit pas, circulez, y’a rien à voir ni à TF1, ni nulle part”. Ça me met vraiment en colère […] On parle de quelque chose d’extrêmement grave, c’est pas possible de le balayer du revers de la manche en disant “on n’a rien vu, on n’était pas là”, en fait on est en train de faire de la logistique. Je trouve que c’est inacceptable et ridicule. »

Une émotion et une colère palpables

Patrick Poivre d’Arvor a refusé de s’exprimer auprès de Mediapart.

Certaines histoires sont terriblement dures à verbaliser pour les victimes présumées, et leurs voix tremblent encore à l’évocation du nom du présentateur qui a marqué plusieurs générations. L’émotion est souvent palpable durant ces deux heures et demi d’émission, il n’est d’ailleurs pas rare de voir les unes et les autres se soutenir par un regard ou par un geste de solidarité.

En réunissant toutes ces femmes et en leur donnant l’opportunité de s’exprimer à leur rythme, cette émission est un signal fort pour toutes les victimes de violences sexistes et sexuelles.

À lire aussi : Comment mieux retranscrire la parole des victimes de violences sexuelles au cinéma


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Les Commentaires

10
Avatar de Absol-626
13 mai 2022 à 09h05
Absol-626
Waaaaah, l'extrait de son livre il est vraiment super dérangeant!
C'est quoi cette façon de décrire les seins de sa fille, en précisant qu'elle les cache quand il vient la mater dans la salle de bain.
Ben évidemment qu'elle se cache, enfin, t'as pas à venir regarder les seins de ta fille de 11 ans!!
C'est à vomir, ces écrits.
Il parle de docilité, de lui souhaiter des enfants par douzaine, non mais sérieux, c'est gerbant.
Je sais pas où les gens voient du romantisme, moi je trouve ça juste cringe et très malsain.
Courage à ses victimes, j'espère qu'elle arriveront à faire entendre leur voix et que c'est lui qui sera condamné, au moins un minimum.
C'est un comble d'aller porter plainte pour diffamation, en plus.
Comme si on avait que ça à faire d'aller porter plainte et raconter les horreurs qu'on a subi, juste comme ça, pour le fun, alors que c'est pas vrai.
Comme si ça nous venait à l'esprit d'inventer ce genre d'histoire.
Comme si c'était marrant, comme parcours, quand on se lance dans ce genre de combat judiciaire.
C'est nous, les victimes, qui en prenons le plus dans la gueule quand on décide de porter plainte pour ça.
C'est à nous qu'on demande les justifications, c'est sur nos blessures que la justice vient appuyer fortement en répétant "t'es sûre, c'est là que t'as mal?? T'en as pas l'air pourtant, puis bon, tu l'as un peu voulu, au fond, cette blessure, non?? Si si, tu l'as cherché!"
C'est un couteau qu'on vient remuer dans nos blessures profondes.
Ce n'est pas drôle et encore moins lucratif.
L'argument du "oui mais elle l'accuse pour avoir de l'argent parce qu'il est connu" n'est pas possible à utiliser de nos jours.
Où sont les femmes qui ont menti et qui ont obtenu de l'argent quand même?
Qu'on nous les montre.
Il y a peut-être quelques cas.
Mais j'en doute bien fort, étant donné le nombre de véritables victimes qu'on envoie chier et qui n'obtienne jamais aucune justice. Et je ne parle même pas d'argent, mais juste de justice.
La plupart du temps l'agresseur n'est même pas condamné à du sursis.
J'en ai marre qu'on parte du principe que les victimes mentent juste pour la fame.
Genre c'est glorifiant de raconter un viol qu'on a subit?
Genre c'est marrant de faire parler de nous de cette façon?
Y'a vraiment que les gens pas concernés du tout qui peuvent penser de cette façon.
Ceux qui n'ont jamais subi aucune agression de ce genre. Ceux qui n'ont jamais vécu ça.
Bref, y'a que des hommes cis hétéro qui peuvent s'imaginer qu'on décide un jour d'aller accuser à tort un des journalistes les plus connus de France, comme ça, pour le délire, entre copine, tient.
Allez, ça va être fun, tient.
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