En partenariat avec KANA (notre Manifeste)
Quand la fin de la vingtaine approche, les couples qui durent deviennent souvent la norme. On observe alors autour de soi un étrange ballet : fini le papillonnage, adieu les amourettes, les amies se posent et très vite les faire-parts s’entassent dans la boite aux lettre. Pacs, mariage, naissance…
Depuis des siècles, les relations amoureuses s’entretiennent selon un schéma bien établi, parfois inconscient. C’est un des thèmes que traite avec finesse le manga Just Not Married édité par KANA et dont les deux premiers tomes sont sortis tout récemment.
Just Not Married, un manga seinen en miroir
Just Not Married est de cette catégorie de manga qui se lit d’une traite. Cette série terminée au Japon et composée de 5 tomes est un des piliers de la nouvelle collection LIFE de la maison d’édition KANA, qui entend traiter « la vie sous toutes ces facettes ». Plus mature qu’un shojo, qui s’adresse principalement aux jeunes filles, le seinen vise les jeunes adultes et en particulier les jeunes hommes.
Alors que Just Not Married aborde la question des relations amoureuses, la place du romantisme et de la sexualité dans un couple installé, le classer dans cette catégorie masculine relève d’un parti pris assez audacieux et démontre la volonté de ce titre de casser les codes genrés habituels. Les messages qui passent à travers le récit ne visent pas qu’un public féminin ; ils s’adressent aussi aux hommes qui veulent prendre en main leurs relations.
Ritsuko et Non-Chan se fréquentent depuis dix ans et vivent ensemble depuis huit ans. Le couple, proche de la trentaine, a une relation qui dépasse celle de simples « petits amis » sans pour autant avoir franchi le pas du mariage. Kinoko Higurashi nous décrit le quotidien du couple et ses petits aléas, en alternant entre le point de vue de Ritsuko et celui de Non-Chan.
Tomes 1 & 2 disponibles en librairie ou sur le site KANA Lire gratuitement les deux premiers chapitres
Si le genre « tranche de vie » est assez commun dans l’univers du manga, Just Not Married sort des carcans habituels en prenant le parti de présenter chacune des situations vécues par les protagonistes en alternant leurs points de vue. Ce jeu de mise en miroir, assez commun dans les œuvres culturelles, l’est moins dans l’univers du manga car il demande un travail considérable à la mangaka qui, au fil des deux récits, doit tout de même faire avancer son histoire.
Ce format de récit polyphonique a peut-être inspiré le manga Destins parallèles, sorti en 2015 au Japon, et qui use de la même mécanique narrative.
Dans le tome 1, la mangaka raconte son rendez-vous avec son éditeur :
« J’ai proposé à mon responsable d’édition un manga sur le thème de la cohabitation.
– Qui va être le personnage principal ? L’homme ? La femme ?
Sans vraiment y réfléchir, j’ai répondu…
– Hhm… Ça serait intéressant d’alterner selon les circonstances…
Emportée par mon élan, j’ai ajouté…
– On peut même envisager quelques chapitres qui présentent les deux points de vue. Ça peut être sympa… – La parole de trop !
Au final, l’argument de vente du manga s’est établi sur le fait de pouvoir le lire d’un point de vue masculin et d’un point de vue féminin… »
Just Not Married explore le quotidien des couples qui durent
Quand un couple dure sur la longueur, comment éviter qu’il ronronne ? Comment faire part à l’autre de sa vie intérieure et de ses questionnements sans brusquer ? Comment résister à la pression familiale et à l’injonction à contractualiser une relation qui roule ?
Au Japon, les schémas familiaux ont la vie dure. Dans cette société très normée et régulée, il vaut mieux éviter de bousculer l’ordre établi, sous peine de se retrouver seule et isolée. Après les études, les hommes sont enjoints à trouver un travail qui soutiendra financièrement leur future vie de famille et les femmes sont encore une majorité à arrêter de travailler à l’arrivée du premier enfant. Lorsqu’un couple dure, le mariage et le premier enfant deviennent rapidement un passage obligé pour rentrer dans le moule.
C’est ce modèle que Just Not Married vient questionner… sans toutefois parvenir à complètement le dépasser. Le manga traite avec justesse des maladresses et de la gêne qui peuvent s’installer progressivement et scléroser un couple manquant de communication. L’autrice restranscrit avec sensibilité la pression que Non-Chan ressent pour contenter Ritsuko au quotidien, la frustration de Ritsuko qui attend plus de ce couple qu’elle perçoit comme stagnant et la subtile toxicité qui peut en découler.
À travers les interrogations des personnages, Kinoko Higurashi nous invite à nous questionner plus profondément sur notre identité dans et en dehors du carcan du couple : comment se développer en tant qu’individu ? Qui sommes-nous en dehors de nos relations et comment cela se conjugue-t-il avec une vie à deux ?
Si Just Not Married offre une vision un peu plus adulte et mature des relations, il ne casse pas non plus radicalement les codes hétéronormés à l’instar d’une série comme Nana dans le passé, ce qui peut laisser un petit goût de trop peu. Mais peu importe, ce n’est pas forcément ce qu’une lectrice attend d’un manga léger et facile à dévorer.
En France, moins de couples mariés et plus d’unions libres
Si le thème de ce manga résonne autant avec notre vécu, c’est parce qu’en France, la majorité des couples choisit de contractualiser l’union. Les générations plus anciennes continuent de percevoir le mariage comme un passage obligé, qui vaut encore souvent la question : « Alors, le mariage, le bébé, c’est pour quand ? » en réunion de famille.
Pourtant, selon l’INSEE, le nombre de mariages en France n’a jamais été aussi bas, souvent supplanté par le Pacs qui offre plus de simplicité en cas de séparation. En 2019, 227 000 mariages ont été célébrés, à 36,1 ans en moyenne pour les femmes et 38,6 ans pour les hommes.
L’union libre – en dehors du mariage et du Pacs – est aujourd’hui la norme puisque plus de 550 000 couples se forment chaque année sans contractualiser la relation. Selon Les Décodeurs du Monde, la proportion des couples en union libre a été multipliée par dix depuis depuis les années soixante.
En France, la pression sociale liée au mariage régresse donc légèrement et permet d’offrir plus de liberté aux individus dont les parcours évoluent aussi rapidement que la société.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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