Le 20 septembre 2021
Vous visualisez la vulve de Barbie ? Non ? C’est normal ! Barbie possède ce qu’on pourrait appeler un non-sexe, une sorte de petite chose lisse, plate et sans poil.
Ce « modèle » féminin, de nombreuses petites filles ont grandi avec. Elles sont devenues des adolescentes qui se sont construites avec Internet et un porno accessible en trois clics — vite transformés en scrolls sur les téléphones portables.
Les réseaux sociaux s’en sont mêlés, présentant le corps féminin comme une statue de cire et dévoilant des vulves « parfaites », à peine masquées par des bikinis échancrés ne laissant que peu de place aux « imperfections ».
Dans ce contexte, difficile de ne pas se préoccuper de l’état de sa propre vulve. Jusqu’à, parfois, en faire modifier l’apparence. Via ce qu’on appelle la labioplastie.
Qu’est-ce que la labioplastie ?
La labioplastie est une chirurgie de l’intime visant à réduire ou à corriger la taille des lèvres vaginales. Elle est pratiquée en cas d’asymétrie ou d’hypertrophie.
En France, cette chirurgie se développe depuis une vingtaine d’années. Elle s’adresse à toutes les personnes qui ressentent une gêne fonctionnelle, sexuelle, ou tout simplement esthétique liée à leurs lèvres.
La labioplastie, ça coûte combien ? C’est remboursé ?
Cette opération coûte entre 2000 et 3500 euros — des tarifs variant en fonction des frais liés à la clinique, au type d’anesthésie, aux spécificités de chaque patiente et au prix proposé par le chirurgien.
Côté remboursement, si cette chirurgie vise à corriger une gêne dite fonctionnelle, des douleurs (pendant les rapports sexuels ou lors d’activités quotidiennes comme le sport), en bref : si elle n’a pas un but purement esthétique, elle est remboursée et prise en charge.
La labioplastie et ses risques
Comme toute opération, la labioplastie comporte des risques, que nous explique le docteur Benichou, gynécologue, obstétricien et chirurgien.
« Toute chirurgie peut créer des cicatrices et potentiellement des petites fibroses. En fonction de la cicatrisation, on peut se retrouver avec des zones plus ou moins fragilisées ou qui peuvent craquer à l’accouchement. En revanche, au niveau sexuel il n’y a pas de problème particulier.
Mais d’un point de vue gynécologique, c’est plus complexe. Il est important de garder en tête que les petites lèvres jouent un rôle protecteur. Elles ne sont pas là pour rien : elles protègent l’entrée de la vulve des frottements.
Ainsi, les patientes qui vont se faire opérer vers 40 ans risquent d’avoir les tissus qui s’atrophient au moment de la ménopause, d’être sujettes aux infections, à des problèmes de sécheresse… »
Entre doutes et suites opératoires compliquées, la labioplastie n’est pas anodine
Irène, infirmière de 41 ans, explique à Madmoizelle :
« Avant l’opération, j’avais peur de perdre ma sensibilité sexuelle et de me retrouver avec la vulve d’une gamine. J’angoissais. Je craignais de ne plus être moi-même. »
« Quant à moi, j’appréhendais l’ablation des fils mais aujourd’hui, je me sens revivre ! », raconte Mélanie*, étudiante de 18 ans.
Le docteur Bruno Burin des Roziers est un habitué de la chirurgie de l’intime. Au quotidien, il modifie des parties du corps abîmées ou qui génèrent un complexe si fort qu’il en devient insupportable. Depuis 15 ans, il effectue des labioplasties.
« Les personnes qui viennent en consultation sont souvent des adolescentes qui s’imaginent avoir un problème ou réalisent qu’elles ont une anomalie après s’être comparées à des images issues du porno.
D’un autre côté, je rencontre aussi des femmes qui pratiquent l’équitation et le cyclisme et qui, au quotidien, témoignent de complications et douleurs à cause de la taille de leurs lèvres. »
Si l’impatience avant une labioplastie est souvent de mise, les suites opératoires, elles, pourraient en refroidir plus d’une. Irène décrit :
« C’est vraiment une douleur particulière. Il ne faut pas oublier que c’est une ablation. Personnellement, je trouve ça assez violent. Psychologiquement, ce n’est pas évident non plus. La douleur est là, présente, comme si on vous coupait un doigt.
Et le docteur Benichou de renchérir :
« De mon côté, j’insiste toujours sur les suites opératoires. Je trouve que c’est une opération très aléatoire. Il y a parfois des désunions des points. Certaines femmes mettent 15 jours à pouvoir s’assoir. Ce n’est pas dépendant de la technique mais plutôt des frottements, du tabac… de facteurs extérieurs. »
Quand la vulve gâche la vie
« J’ai décidé de faire une labioplastie car j’avais les lèvres trop grandes ainsi qu’une asymétrie. Je ne me sentais pas normale. Cela ne m’empêchait pas de vivre mais c’était gênant dans mon quotidien où je pratiquais beaucoup d’équitation et de vélo. »
Celle qui nous confie cela, c’est Mélanie* — qui se souvient avoir ressenti ce besoin très tôt, dès ses 13 ans. Et n’en avoir jamais démordu : « J’ai toujours été catégorique sur mon choix, c’était mon rêve ! »
Pour Irène, le complexe remonte aussi à l’adolescence.
« Mon complexe a commencé au moment où je découvrais mon corps. Tout au long de ma sexualité, je me suis interdit de porter certains sous-vêtements. J’appréhendais parfois d’être nue devant un homme. »
Car dans un complexe, le plus dur est souvent le regard des autres : « Un jour, un partenaire m’a fait comprendre que quelque chose n’allait pas chez moi, et j’ai été blessée” » confie Irène. Cet événement n’a pas impacté la vie sexuelle ou amoureuse de l’infirmière… mais ce n’est pas le cas de toutes les femmes, comme l’illustre Mélanie* :
« Le complexe de ma vulve m’a beaucoup dérangé dans ma vie amoureuse. J’ai eu du mal à me dévoiler. J’avais cette peur du regard de mon copain sur mon corps. »
Les échanges entre les adolescentes et professionnels de santé mènent souvent à la même conclusion, comme le déplore le docteur Benichou :
« J’ai découvert que la plupart des complexes des jeunes filles venaient des réseaux sociaux ou des rapports qu’elles ont avec les garçons. Beaucoup me parlent de sexe bashing ; elles se sentent jugées et comparées à des repères issus du porno. C’est vraiment dommageable pour l’avenir. »
La vulve « à la mode » grâce à la labioplastie
Dans une société où le culte du corps est omniprésent et le porno ultra accessible, la labioplastie ne pourrait-elle pas devenir tendance ? Le chirurgien Bruno Burin Des Roziers s’alarme :
« Depuis 4-5 ans, je vois arriver dans mon cabinet des femmes de plus en plus jeunes — 13 ans pour la dernière.
Si les adolescentes viennent si tôt, c’est parce qu’elles ne voient pas leur corps comme il est vraiment. Beaucoup d’entre elles souffrent de dysmorphophobie. Ce ne serait pas leur rendre service que de les opérer trop tôt. »
Aujourd’hui, psychologues, sexologues et gynécologues sont préoccupés par le fait que cette opération est souvent motivée par de mauvaises raisons, comme l’explique le docteur Benichou.
« Je vois au moins 100 patientes par semaine. Beaucoup d’entre elles ont un réel problème de rapport à leur corps et à leur sexualité. »
Irène confie :
« La chirurgie ne doit pas être un caprice. 13 ans, c’est beaucoup trop jeune pour une labioplastie. Il faut être un minimum construit. Aujourd’hui, cela va faire deux mois que j’ai été opérée. Est-ce que ma vie a changé pour autant ? Je ne crois pas…
J’ai supprimé un complexe mais au fond, est-ce que j’en avais réellement besoin ? »
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*Certains prénoms ont été modifiés
Crédit photo : cottonbro / Pexels
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