La grossophobie a encore de beaux jours devant elles, malheureusement. Et la grossophobie quand on est enceinte, c’est encore une double peine.
Je suis grosse. Ce n’est pas quelque chose de sale, ce n’est pas une insulte, ce n’est pas un gros mot, c’est un fait : je suis grosse, et ça me dérange de moins en moins en vieillissant. J’ai réussi, je crois, à me foutre de l’opinion que les gens pouvaient avoir sur mon corps, j’ai réussi à vivre avec lui et même si je ne suis toujours pas bien dans mes pompes comme peuvent peut-être l’être des personnes qui ont un poids plus acceptable par la société, je suis de moins en moins dure avec moi-même, et je vis plutôt bien avec mon corps.
Néanmoins, même si on peut voir de plus en plus de célébrités grosses vivre leur vie pleinement, sur les réseaux, à la télé ou dans les magazines, s’il y a bien un moment où je n’ai absolument pas pu m’identifier aux autres, c’était lorsque j’étais enceinte.
Enceinte et grosse : de nouvelles angoisses
Je me souviens très bien qu’au début de ma première grossesse, j’avais peur qu’on ne sache pas que j’étais enceinte. Je me demandais si on verrait mon ventre s’arrondir, comme pour toutes les autres personnes enceintes, où si le bébé que je portais serait masqué par la graisse que j’avais, et que j’ai toujours, autour du ventre. À partir de combien de mois verrait-on que mon ventre proéminent cachait quelque chose ? Quand est-ce que les usagers du métro me proposeraient leur place en voyant que je suis enceinte ? Est-ce qu’on allait me demander de prouver ma grossesse à la caisse d’un supermarché parce qu’on allait croire que je mentais sur mon état et que je n’étais pas enceinte et seulement grosse ?
Je savais très bien à quoi ressemblait un ventre de femme enceinte à la corpulence « normale ». Toute ma vie, je n’avais d’ailleurs vu que ça, et je n’avais jamais vu une femme qui me ressemblait, d’un point de vue corporel, être enceinte. J’étais curieuse de savoir à quoi mon corps allait ressembler, mais je n’avais pas de modèle sur lesquels me baser.
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Pourquoi ? Parce qu’on ne montre pas les personnes enceintes grosses. De base, on ne montre pas vraiment les gros tout court non plus, sauf les acceptables, les beaux, les célèbres. On montre Ashley Graham enceinte en parlant de body positivisme, on la félicite d’oser montrer son corps avec ou sans grossesse. Mais Ashley Graham n’est pas grosse comme moi je le suis, et même si son compte Instagram fait souffler un petit vent de fraicheur, il est encore trop lisse et trop « bien sous tous rapports ». Ce qui est assez logique puisqu’elle est mannequin, me direz-vous. Mais moi je ne voulais pas voir de l’acceptable, je voulais voir du réel et de l’identifiable.
Corpscools, ce compte Instagram d’utilité publique
Même si maintenant, après deux enfants et trois grossesses, je sais à quoi ressemble un corps gros qui porte un enfant, j’aurais aimé savoir à quoi m’attendre. Peut-être que de voir des photos de personnes grosses et enceintes m’auraient aidé à me projeter, peut-être que de parler avec des personnes grosses et enceintes ou de les lire sur les réseaux m’aurait aidé à affronter la grossophobie médicale que j’ai subie pendant mes grossesses (il faudra que je vous raconte un jour, c’était pas jojo).
C’est pour ça que je vous partage ce post Instagram qui m’a, tout personnellement, fait un bien fou. Il vient du compte Corpscools, compte qui milite contre la grossophobie sous toutes ses — trop nombreuses —formes.
La fondatrice du compte, après avoir publié un papier très intéressant chez Vice sur la grossophobie que peuvent rencontrer les personnes qui souhaitent avoir un enfant, agrémenté de témoignages qui font froid dans le dos, a décidé de partager un carrousel de photos de personnes grosses et enceintes et bordel, qu’est-ce que ça fait du bien.
C’est grâce à des comptes comme celui-là, grâce à ces personnes grosses et enceintes qui osent afficher leur corps sur les réseaux, en première ligne face aux commentaires parfois immondes qu’elles peuvent se prendre dans la tronche, qu’on osera de plus en plus montrer tous les corps. Les gros, les minces, les différents.
Comme le dit très justement la fondatrice de Corpscools, au sujet de la représentation des personnes grosses et enceintes dans les médias et les réseaux sociaux :
(…) Je partage des corps de personnes grosses et enceintes. Ces corps là, ces grossesses là n’existent presque jamais (dans les médias). Et que cette absence de représentation participe à faire croire aux gros.ses qu’iels ne peuvent pas (et ne méritent pas) de mettre au monde.
Merci à des comptes comme celui-ci d’exister, et merci aux personnes qui osent se prendre en photos et les afficher. C’est grâce à vous que les personnes grosses se sentent moins mises au ban de la société. Le chemin est encore long, mais bordel, qu’est-ce que ça fait du bien de voir les lignes commencer à bouger.
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Crédit photo image de une : Mart Production
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