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"©Leon Biss/Unsplash"
Psycho

J’ai fait le deuil de la famille qui m’a rejetée

Coline a été abandonnée par son père à deux reprises, ainsi que par sa famille paternelle. Aujourd’hui enceinte, elle raconte son vécu.

Le 12 juin 2020

J’ai lu aujourd’hui sur madmoiZelle le témoignage d’une jeune femme nommé Pourquoi j’ai coupé les ponts avec mes grands-parents.

Je me suis retrouvée dans nombre de faits qu’elle énonçait, mais j’ai pour le coup vécu la situation inversée, celle où le choix de couper les ponts n’est pas le mien mais où ce sont mes grands parents qui, en décembre dernier, m’ont annoncé qu’on allait « s’arrêter là » au téléphone.

Mon père biologique, ma mère et moi

Mon père biologique et ma mère étaient ensemble depuis leurs 19 ans, ils ont décidé quatre ans plus tard de faire un bébé, et me voilà en route.

Mais vers le 5ème mois de grossesse, il a changé d’avis et ma mère s’est retrouvée seule pour m’accueillir et m’élever. Elle a rencontré mon papa adoptif alors que j’avais à peine un an, ils sont tombés très amoureux et ont rapidement décidé de me faire un petit frère.

Ont suivi un mariage et deux autres enfants, nous sommes donc quatre au total.

Mon père biologique est revenu au moment où ma mère s’est mariée. Poussé par mes grands-parents qui voulaient me voir et par la peur que mon père adoptif ne me reconnaisse comme étant sa fille, il a entamé une procédure judiciaire au terme de laquelle il a obtenu que j’aille chez lui un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Au début tout s’est bien passé, jusqu’à mes neuf ans j’ai même été très heureuse d’aller chez lui.

J’étais une petite fille gâtée par ses grands-parents (mon père biologique est fils unique, j’étais donc leur seule petite fille), et lui m’emmenait jouer au parc chaque samedi que je passais chez lui.

Nous allions au ski en hiver, à la mer en été, j’avais ma chambre et mes jouets chez lui, et c’était une petite parenthèse où j’étais la seule enfant, par rapport au quotidien avec mes adorables frères et sœurs où je jouais la grande avec plaisir.

Une belle-mère est arrivée aux environs de mes six ans, elle ne s’occupait pas de moi mais ne me dérangeait pas non plus. Et puis quand j’ai eu neuf ans, ma demi-sœur est née, suivie deux ans plus tard de mon demi-frère.

Ma nouvelle relation avec mon père biologique

Ma vie chez eux a changé. Plus de ski puisque les petits étaient trop jeunes, plus de bruit durant la sieste, plus de chambre à moi, plus d’exclusivité sur mes jouets.

Nous allions toujours au parc tous les samedis mais j’étais désormais une pré-adolescente qui s’y ennuyait fermement. Je me refermais sur moi-même et passais mes week-ends chez eux à lire des BD puisque rien de mon âge ne m’était proposé.

Heureusement mes grands-parents me gâtaient toujours et me prenaient en vacances chez eux régulièrement.

Mon adolescence s’est passée ainsi, je faisais de plus en plus de crises pour ne pas aller chez mon père biologique. Mon papa de son côté s’occupait de moi comme de ses trois autres enfants, ne faisant aucune différence, m’aimant de tout son cœur.

Quand j’ai eu quinze ans, il a proposé de m’adopter à ma majorité. Ce jour, ainsi que le jour où nous avons signé les documents, font partie des plus beaux jours de ma vie.

J’ai commencé mes études supérieures et me suis éloignée toujours davantage de cette maison où l’on m’avait remplacée. Je suis allée voir un psy régulièrement de mes 19 à mes 21 ans, j’avais vraiment du mal à encaisser que cet homme m’ait abandonnée deux fois.

Mon psy me conseillait régulièrement de lui parler mais je me sentais déjà si loin de lui, si étrangère, que je ne parvenais pas à franchir le pas. J’ai fini par lui écrire une lettre qui résumait tout ce que j’avais à lui dire et qui lui apprenait mon adoption.

Il faut savoir qu’une « adoption simple » comme la mienne n’enlève aucun lien de parenté au père biologique. Il conserve ses droits et devoirs envers son enfant.

Dans ce cas le seul changement était pour mon père adoptif qui me reconnaissait comme sa fille au même titre que ses enfants biologiques.

Mon père biologique m’a envoyé un texto pour que nous parlions de la lettre, nous nous sommes vus mais rien n’est ressorti de cette discussion. Il tournait en rond sur le fait que j’avais eu une enfance très heureuse chez lui.

Quand nous nous sommes séparés je lui ai dit que j’avais fait suffisamment d’efforts pour qu’il s’intéresse à moi et que s’il voulait être mon père, il devrait faire l’effort de son côté.

Depuis 6 ans, je n’ai plus jamais eu de nouvelles.

Quand mes grands-parents et ma famille m’ont tourné le dos

De leur côté mes grands-parents n’ont jamais accepté la situation. Ils ont très mal pris mon adoption et m’ont toujours reproché, à chacun de mes appels et à chacune de mes visites, de « ne plus parler à mon père ».

J’ai eu beau leur dire mille fois qu’il pouvait m’appeler, que ce silence n’était pas de mon fait, ils n’ont jamais voulu reconnaître sa responsabilité, me mettant toujours tout sur le dos.

J’ai pourtant continué à aller les voir, même après avoir déménagé à l’autre bout du pays. Je les ai appelés régulièrement, même si je savais que je me prendrai des réflexions dans la gueule. Je serrais les dents.

En octobre 2019, je suis tombée enceinte. Un projet attendu qui nous a rendu, mon compagnon et moi, immensément heureux !

Nous avons planifié nos vacances de Noël encore plus soigneusement que d’habitude, pour aller voir chaque membre de nos deux grandes familles et leur annoncer en personne la nouvelle !

J’ai tenté de joindre mes grands-parents mi-novembre, sans réponse. J’ai rappelé quatre fois, à plusieurs jours d’intervalle, sans plus de succès.

Mi-décembre, ma grand-mère m’a rappelée. Après un échange très court de banalités où elle ne me posait aucune question mais où j’essayais de faire la conversation, je lui ai dit que je préparais les vacances et que je voulais savoir quel jour je pourrais aller les voir.

Elle m’a demandé si j’accepterais de voir mon père et je lui ai dit que non. Ce soir-là j’ai été fatiguée de ses reproches sempiternels.

Alors, plus brutalement que d’habitude, je lui ai dit que cela faisait six ans que j’attendais un signe de sa part, qu’il n’avait manifestement aucun désir de me voir, que la situation me convenait et que c’était la dernière fois que j’écouterais ses reproches, que le sujet était clos.

La dispute qui a suivi est la seule que j’ai jamais connu avec ma grand-mère.

Elle m’a dit des choses terribles, entre autres qu’elle souhaitait que mes enfants ne se comportent jamais comme je me comportais, ce à quoi je lui ai répondu que ce ne serait certainement pas le cas puisque moi je ne les abandonnerai pas.

Après plusieurs échanges de ce genre, elle m’a dit que mon refus de voir mon père les rendait trop malheureux et que cette situation ne pouvait pas durer, après tout c’était « son fils ». Je lui ai dit que j’étais sa petite fille mais elle a rétorqué que ce n’était pas pareil.

Elle a terminé cet échange en disant que nous allions « nous arrêter-là » et quand je lui ai demandé de formuler clairement sa pensée, si cela voulait dire qu’elle ne voulait plus me voir, elle a répondu que oui.

J’étais suffoquée de chagrin et de colère. J’ai demandé à parler à mon grand-père, toujours si gentil et si compréhensif. Pour moi il ne pouvait pas être de son avis.

Il a pris le téléphone pour me dire qu’il m’aimait et qu’il me souhaitait d’être heureuse, puis il a raccroché.

Faire le deuil de ma relation avec ma famille et accueillir mon enfant

Les jours qui ont suivis ont été très durs, surtout que dans le sillage de mes grands-parents, mes cousins ont suivi, seule famille qui me restait de ce côté.

Ils ont dit que mon adoption avait été vécue comme un rejet de ma part envers toute la famille de mon père, que quelque chose avait changé depuis entre eux et moi.

J’ai été extrêmement choquée que personne ne m’ait jamais parlé de cela en face, j’aurais pu leur expliquer ce qu’était réellement cette adoption pour moi, combien elle m’avait rendue heureuse et que cela ne changeait rien à nos relations.

J’ai trouvé du soutien auprès de ma mère, de mon père adoptif et de mes frères et sœurs. Ma mère était furieuse. Elle qui s’est retrouvée abandonnée quand elle était enceinte de moi, elle voyait dans la situation un cruel recommencement.

Elle m’a exhortée à me montrer forte, à ne pas pleurer trop longtemps ces gens qui ne me méritaient pas et à ne pas laisser mon bébé ressentir toutes ses émotions négatives.

Je crois que ses mots ont eu un impact fort sur moi. Je ne voulais pas que mon enfant ressente ma tristesse, ma colère. Finalement j’ai laissé tout cela de côté très vite.

Nous sommes partis en vacances, avons annoncé notre bonheur à tout le monde et, comme nous l’attendions, nous avons déclenché une vague d’amour sur notre passage.

Au retour des vacances, je suis retournée voir ma psy. Je n’éprouvais plus de tristesse, seulement de la colère, de la rancœur. Je ne voulais pas être en colère et transmettre tout cela à la petite Crevette qui grandissait en moi, alors j’ai voulu évacuer en consultation.

Nous avons longuement parlé et cela m’a beaucoup apaisée.

Aujourd’hui cela fait quatre mois que ces événements se sont déroulés. Il m’arrive encore d’y penser régulièrement mais sans être noyée sous l’émotion.

Je ne ressens plus pour cette famille qu’un peu de rancœur et une satisfaction à me dire qu’ils ne connaîtront pas mon bébé, qu’ils ne lui feront pas de mal et que cette boucle d’abandons s’arrêtera-là.

J’ai appris à laisser derrière moi ces gens qui ne méritent pas que je leur donne trop d’importance. Je ne manque de rien, je suis très entourée, j’ai une famille en or qui ne me laisserait tomber sous aucune prétexte, surtout quand il n’y en a réellement aucun…

Nous accueillerons notre fille en juillet, ses grands-parents, ma mère et mon père adoptif, seront là pour lui souhaiter la bienvenue, ainsi que tous ses oncles, tantes, cousins, etc.

Un jour je lui parlerai de mon enfance, de mon histoire, et du fait que personne, peu importe les liens du sang, ne mérite qu’on ne renie son propre bonheur.

À lire aussi : Sur LinkedIn, j’ai trouvé des startupers gênants et… Mon père biologique

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Les Commentaires

4
Avatar de Bloem
9 août 2022 à 01h08
Bloem
C'est triste en effet mais l'autrice a raison: on doit être aimé pour qui on est et pas parce-qu'on est la fille de, pas sous conditions qu'on parle à quelqu'un.
Honnêtement si c'est pour qu'elle souffre à chaque fois qu'elle est avec eux de ne pas se sentir acceptée il vaut mieux couper les ponts.
Qu'elle se concentre sur son bébé, sur les gens qui l'aiment. Je lui souhaite beaucoup de bonheur pour la suite.
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