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Culture

La fidélité, un concept compliqué depuis l’Antiquité

À l’occasion de la sortie de Je le veux, un roman d’Eliza Kennedy dans lequel l’héroïne a quelques doutes avant son mariage, Sarah revient sur la fidélité dans l’Histoire…

Article publié en partenariat avec le roman Je le veux. Conformément à notre Manifeste, on y a écrit ce qu’on voulait.

Je le veux d’Eliza Kennedy est un roman sorti aux Éditions Laffont. Bon, là tout de suite, ça te fait une belle jambe (voire deux). Mais si je te dis que ce charmant petit livre bien jaune, que tu ne pourras pas ignorer dans les rayons de ton libraire chéri, porte sur la délicate thématique de la fidélité ? Ah, voilà, là de suite, ça t’intéresse !

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C’est l’histoire de Lily, si tu veux tout savoir. Lily va se marier avec Will, et techniquement c’est très bien. Elle est même contente, vu qu’elle en est amoureuse (il paraît que ça aide). Sauf que, voilà, Lily a un souci : elle est « terrifiée par la fidélité ». Elle l’aime, son Will, Mais l’idée de passer le reste de sa vie avec un seul être la stresse… et elle passe les derniers jours avant son mariage en mode « sex and rock’n’roll ». Si tu vois ce que je veux dire.

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Nope.

Bref, l’éternelle problématique de la fidélité est ici traitée avec humour et pertinence par Eliza Kennedy. Oui, j’ai bien dit « problématique ». Peut-être que pour toi, c’est une évidence, d’être fidèle à une seule personne… Mais le concept prend la tête de l’humanité depuis un bon moment.

Durant l’Antiquité, déjà, c’était un peu bancal.

Pas si romantiques en Rome Antique

Chez les Romains, on tenait à la fidélité. Ça peut surprendre, selon les histoires qu’on a pu lire sur les relations maîtres/esclaves par exemple, mais c’est vrai. Enfin, disons que c’était une grosse préférence, dans le sens où un couple soudé représentait les fondations de la société, mais bon, on ne peut pas grand-chose contre les petits aléas de la vie.

À lire aussi : Le godemichet et son histoire, de la pierre au sex-toy du futur

Tout à fait Jamy : si la Rome Antique a prospéré pendant plusieurs siècles et que la société romaine a changé de modes au fil du temps, dans l’ensemble elle est restée droite et patriarcale, avec la famille en noyau central. Tu comprendras, du coup, que la priorité était de fonder une famille. Et pour ce faire, il était recommandé de ne pas faire tak-tak avec une autre personne que sa tendre moitié, au moins le temps de pondre quelque descendance viable !

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« Oui bonjour, alors je cherche quelqu’un pour me pondre une lignée… »

Enfin, ça c’était pour monsieur. Oui, j’ai dit « société patriarcale », tu te doutes bien que c’est un synonyme de « madame ferme sa mouille pendant que monsieur festoie »… Et madame avait effectivement bien intérêt à la fermer, sa mouille, parce que si elle n’était pas vierge à son mariage, l’histoire d’amour ne se terminait pas très, très bien.

Même par la suite, une fois la génération suivante assurée, la femme romaine n’avait pas intérêt à aller voir ailleurs. Les lois et traditions concernant l’adultère ont varié selon les époques, mais la femme demeurait aussi bien le noyau familial que la propriété de son époux. Ben oui : monsieur, lui, pouvait tenter d’autres trucs du moment qu’il ne piquait la femme de personne (ça ne se fait pas), mais si sa couveuse laissait l’accès à son utérus sacré à d’autres spermatozoïdes que les siens, tu imagines l’état de sa lignée ?

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Plein de petits bâtards, une lignée souillée, et la honte sur le pater familias qui n’a pas été fichu de garder la main sur son propre foyer !

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Pas bien, on a dit.

Tout ça pour dire que la fidélité, ça stressait beaucoup les Romains, parce que si on pouvait aimer qui on voulait du moment qu’on ne touchait pas à la propriété de quelqu’un d’autre, il fallait quand même gérer sa vie de famille. Certains avaient carrément recours à la magie, dans le monde gréco-romain, via des tablettes de « défixion », ou des sorts qui pouvaient servir à « lier » une personne pour s’assurer de sa fidélité.

La famille avant tout, les enfants.

Allons voir chez les Grecs si j’y suis

Ceci dit, le statut de la femme-objet propriété de son mari, c’est probablement un truc qu’ils ont pris chez les Grecs. En tout cas ils se sont bien entendus sur le sujet. Il suffit de lire ce que pense Épictète, un philosophe stoïcien (50-125 après J.C), de l’adultère. Morceau choisi de ses Entretiens :

« Comment ! dis-tu. Est-ce que la nature n’a pas fait les femmes communes à tous ? Et moi je te dis : Le cochon de lait lui aussi est commun à tous les invités. Mais, quand il a été partagé, avise-toi d’aller prendre de force la part de ton voisin, ou de la lui dérober; ou bien encore, mets la main dans son assiette pour goûter de ce qui est dedans, et, si tu ne peux lui enlever sa viande, traîne tes doigts dans sa graisse, et lèche-les. Quel honnête convive ! Quel disciple de Socrate à table ! » — Entretiens, Livre II, chapitre 4

Tu as bien compris, la femme c’est comme un cochon de lait : si tu vas manger dans la gamelle du voisin, ce n’est pas très poli. Et voici pourquoi l’infidélité était très mal vue (sauf si tu fricotais avec un-e célibataire ou un-e esclave). C’est une question de respect de la propriété de l’autre. Non mais.

À lire aussi : Trois cités légendaires entre mythe et histoire

Car chez les Grecs aussi, le mariage était une manière d’affirmer son rôle dans la société en la soutenant. La fidélité était donc demandée aux époux comme un acte de citoyenneté, car même si tu faisais bien ce que tu voulais dans ton coin, le bon équilibre économico-social du système dépendait d’un bon équilibre familial. Hé oui : la fidélité, ce ciment du couple (et de la société)… C’est beau.

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Le ciment du couple, on a dit, Hélène. (Bon, d’accord, Ménélas était un boulet.)

Mais pondre une lignée « pure » revêtait peut-être encore plus d’importance dans la Grèce Antique… En effet, dans l’idéologie selon laquelle l’humanité descendait des dieux, une lignée souillée par des enfants illégitimes brisait la chaîne familiale qui remontait jusqu’aux dieux eux-mêmes.

Dans la pratique, c’était surtout une question d’héritage et de transmission des bien paternels, et l’épouse avait intérêt à être d’une fidélité impeccable pour permettre à son mari de suivre ce bel ordre des choses. C’est pourquoi ça ne posait pas de problème particulier si le mari s’offrait les services d’une hétaïre (prostituée de luxe) à côté.

Profil bas chez les Égyptiens

Enfin, non, ils ne faisaient pas vraiment profil bas en Égypte antique. C’était juste pour la blague. (Pardon.)

De ce que l’on a pu apprendre des rares documents et traces écrites qui sont parvenues jusqu’à nous des périodes les plus reculées, les Égyptiens n’aimaient pas beaucoup l’infidélité, mais l’ambiance était peut-être moins oppressante qu’ailleurs.

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Déjà, du côté des femmes, c’était plus détendu du slip. Bon, ne t’excite pas, ce n’était pas l’égalité parfaite non plus ! Je dis simplement que les femmes jouissaient d’un statut qui leur conférait davantage de droits que chez les Grecs ou les Romains. Elles n’étaient pas libres de faire ce qu’elles voulaient pour autant, et si quelques femmes pouvaient accéder à des postes d’importance ou plus indépendants, l’Égyptienne « ordinaire » accédait rarement à mieux que la charge du foyer.

À lire aussi : 3 grandes reines entre mythe & histoire

Ensuite, il se pourrait que le mariage n’ait pas représenté la même pression sociale, et de ce fait, la fidélité était moins une problématique de société. C’était pas joli-joli d’aller fricoter ailleurs quand ta tendre moitié attendait ton retour en soupirant à la fenêtre, et l’adultère pouvait éventuellement entraîner des ennuis avec la Justice… Mais ça regardait surtout ta moitié et toi. C’est mieux.

Non, le vrai problème, c’était les gosses. Sinon, tu pouvais divorcer et te re-marier sans problème, peu importe ton genre. Détendu du slip, je te dis.

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Bon, il valait mieux éviter les conneries, tout de même.

En revanche, l’importance accordée au couple et à la femme venait de l’importance accordée à la fertilité, et la honte, ce n’était pas d’avoir des enfants illégitimes, mais de ne pas avoir d’enfants du tout. Du coup, si ton épouse ne te donnait pas d’enfants (ou de fils), mieux valait aller voir ailleurs.

À lire aussi : Comment l’infidélité de mon père a bouleversé ma vie – Témoignage

Cette mentalité peut paraître plus libre qu’à l’époque gréco-romaine… mais dans l’ensemble, le schéma (patriarcal) est le même : la fidélité, plus qu’une histoire de respect ou d’entente entre deux individus, était comme la monogamie une question de bon fonctionnement de la société.

En ce qui concerne Lily, elle vit dans une société où il est moins grave de ne pas assurer sa descendance. Alors si le principe du mariage, de monogamie ou de la relation exclusive lui prend la tête, c’est principalement avec son fiancé qu’elle va devoir s’expliquer.

Pour aller plus loin…

  • Encyclopedia of Ancient Greece, Nigel Wilson
  • Histoire de la sexualité, Michel Foucault
  • Les Égyptiennes : portraits de femmes dans l’Égypte pharaonique, Christian Jacq

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Les Commentaires

9
Avatar de Lucieloukim
18 mai 2015 à 09h05
Lucieloukim
@NorahMoon Ah j'allais intervenir pour apporter les mêmes corrections que toi
Quand on se penche sur le droit romain (et Rome en général) on se rends copte que c'est quand même beaucoup plus compliqué que ce que l'on croit...
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