Comme beaucoup, j’ai attendu désespérément ma lettre de Poudlard, appris un tas de mots en latin et idolâtré un garçon de onze ans famélique avec une cicatrice chelou sur le front. J’aime Harry Potter… mais pas forcément pour ses personnages féminins. Malgré tout, préparons sortilèges et incantations et glissons-nous dans la peau d’une sorcière de l’univers d’Harry Potter.
Ça y est ? Vous avez enfilé cape et chapeau pointu (si, si, ils sont censés les porter non-stop dans les livres), alors prenez ma main et transplanons… Attention, tenez-moi bien ou vous risquez de finir désartibulé-e-s !
La maternité valorisée
Harry Potter, gros spoiler, est sauvé par le pouvoir de l’amour. Et pas n’importe quel amour : l’amour maternel ! Sa mère, Lily Potter, s’est en effet sacrifiée pour sauver son fils de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom et BIM dans ta face, le sort s’est retourné contre le vilain. Le pouvoir de l’amour !
Être une mère est donc un rôle très valorisé. Narcissa Malefoy rachète plus ou moins sa famille de Mangemorts lèche-bottes en sauvant Harry après avoir appris de sa bouche que son fiston chéri était vivant, Molly Weasley a droit à son moment de gloire après des années à courir sur le haricot de nos héros lorsqu’elle finit par tuer la vilaine Bellatrix Lestrange en la traitant de « pétasse » (« bitch ») pour protéger sa fille…
Sur le papier, être Maman apporte donc la gloire éternelle dans Harry Potter (d’ailleurs, toutes les héroïnes sans exception se sont empressées de pondre des ribambelles de gamins aux noms discutables après la fin de la guerre), mais ce n’est pas une sinécure pour autant.
Comme dans beaucoup de récits initiatiques, les Mamans laissent en effet des souvenirs impérissables à leurs bambins (pour qu’ils puissent pondre des Patronus corrects à l’âge adulte) mais surtout… elles meurent.
Être Maman, c’est pas une sinécure
Qui se dévoue pour dire à Maman qu’on déteste ses gougères aux épinards ?
Luna Lovegood a perdu sa mère lors d’une explosion, Tonks meurt peu après avoir donné le jour à un bébé transformiste (métamorphomage, je sais), la maman de Dumbledore se fait tuer accidentellement par sa propre progéniture, celle de Rogue se faisait sans doute battre par son mari et que dire de la mère de Voldemort… de vraies martyrs !
Il y a peut-être une inversion avec le personnage de Dean Thomas dont l’auteure a expliqué qu’il était orphelin de père, mais son histoire n’a pas été développée dans les livres.
Harry et Neville ont aussi leurs deux parents plus ou moins HS et il est intéressant de constater qu’ils vivent tous les deux dans l’ombre de leur père auquel ils se comparent ou sont constamment comparés (la grand-mère de Neville abuse d’ailleurs un peu à ce niveau) et ne s’identifient pas du tout à leur mère. Même si Lily Potter est décrite comme intelligente et aimante, elle n’est pas vraiment sa source d’inspiration quotidienne et les mères servent plutôt à créer des scènes émouvantes, comme lorsque celle de Neville (devenue folle à cause d’une douleur insupportable infligée par Bellatrix Lestrange) remet à son fils des papiers de bonbons à l’hôpital.
Être maman, c’est avoir peur…
Quand une mère ne meurt pas, elle se fait un sang d’encre pour sa progéniture qui se fourre avec enthousiasme et ingratitude dans la gueule de loup.
Ainsi, on peut finalement trouver un point commun entre Petunia Dursley, Narcissa Malefoy et Molly Weasley : l’angoisse maternelle. Angoisse que leurs maris partagent certainement mais qui est beaucoup moins mise en scène côté paternel.
…et être relou
Être mère implique aussi d’abuser un peu de son pouvoir sur la marmaille. Chez les Weasley, Papa est absent et c’est bien commode, il n’essuie pas les commentaires de sa femme, matrone implacable qui voudrait retenir ses fistons auprès d’elle, se frite avec sa belle-fille française, envoie des Beuglantes et, d’une manière générale, essaie tant bien que mal de préserver l’innocence de ses petiots alors que Papa, lui, leur donnerait limite les clés de sa voiture volante pour aller pécho.
La grand-mère Londubat, elle, passe son temps à rabrouer le pauvre Neville qui en chie déjà pourtant bien assez, le pauvre :
- Il a l’animal de compagnie le plus pourri qui soit (un crapaud)
- Il a un grand-oncle psychopathe qui s’éclate à le suspendre dans le vide à sa fenêtre
- Peeves l’esprit frappeur le force à foutre le feu à son propre caleçon
- Il ne finit pas avec Luna Lovegood — mais on reviendra plus tard sur cette tragédie !

Par contre, niveau look elle a le swag.
Pour parachever l’ensemble, la mère de Seamus Finnigan, cette grognasse qui lit Sorcière Hebdo (un abject magazine féminin, joli reflet de notre presse girly à nous… sauf madmoiZelle, bien sûr) interdit à son fiston de fréquenter le grand Harry Potter. Vile personne !
Poudlard ou l’équilibre des valeurs genrées
On peut tout d’abord constater une différence dans les valeurs attribuées aux fondateurs de Poudlard suivant leur sexe, dans une belle complémentarité : Godric Gryffondor, l’homme viril positif (qui a une belle épée phallique), est un chevalier courageux et brave alors que Salazar Serpentard, à la virilité déficiente de méchant de dessin animé, est rusé (comme une perfide femelle) et a un médaillon en guise de bibelot symbolique.
Helga Poufsouffle la conciliante a créé une maison dont les élèves sont censés être justes, patients et constants dans leurs efforts. Elle est surtout connue pour ses recettes de cuisine (ce qui n’est pas un mal en soi, mais on reste dans un domaine féminin bien que paradoxalement les grandes cuisines soient loin d’être mixtes). Aussi, l’objet qui lui est associé est est une coupe ; on a donc la totale entre Gryffondor et Poufsouffle : le bâton et le trou.
Quant à Rowena Serdaigle, elle est associée à la sagesse et la créativité ce qui semble assez neutre (bien qu’opposé à l’individualisme prôné par Serpentard) et les Serdaigle peuvent aussi faire preuve d’ambition, mais l’emblème de Rowena est un diadème très féminin. Elle est connue pour avoir conçu le château de Poudlard et ses pièces mouvantes, ce qui est certes admirable mais la limite à son intérieur, et le personnage de Rowena appartient également à la catégorie des mères martyres puisqu’on apprend durant le septième tome/film que la fille de Rowena a trahi sa mère en lui volant son diadème.
Néanmoins, on peut constater une relative mixité entre les maisons ce qui tempère bien évidemment ce jugement sur les valeurs associées aux unes et aux autres.
Du pouvoir aux mains des femmes
McGonagall, l’éternelle seconde
Le pouvoir, sous toutes ses formes, semble plutôt nocif aux femmes qui se contentent de beaux rôles de seconds, à l’image de McGonagall qui demeure dans l’ombre de Dumbledore puis de Rogue tout au long des romans (même si elle finit par être directrice de Poudlard à la toute fin), ou même d’Hermione qui prouve pendant sept livres qu’elle est plus intelligente, plus ouverte, plus réactive que Harry et Ron mais ne prend jamais la place du héros — question de destinée.
Par contre, si une femme a un réel pouvoir, elle devient aussitôt le personnage le plus détesté de toute la saga. Dolores Ombrage est encore moins appréciée que Voldemort et pourtant, il en connaît un rayon en matière de méfaits accomplis.
Il faut dire que Dolores est douée pour se rendre détestable : en plus d’être une infâme raciste sadique, elle a des goûts odieux en matière d’habillement (des cardigans roses pelucheux, pouah !) ce qui en fait un personnage à la fois inquiétant et ridicule, quelqu’un qui a l’air inoffensif mais qui, comble de traîtrise, ne l’est pas ! Et ça accentue encore sa vilenie !
Elle aime le rose et les chatons ? Cherche pas, c’est une méchante
Ombrage et sa collection de Lolcats
Pire que tout, Dolores est une fifille, elle kiffe les chatons et en met même partout sur ses assiettes. Sauf que dans le monde d’Harry Potter, être une fifille, c’est la mort !
Rita Skeeter, autre femme de pouvoir sexy et fashionista, est une odieuse créature perfide qui manipule et ment comme elle respire ; Madame Maxime, la directrice de Beauxbâtons, est une coquette ridicule et outrancière qui porte trop d’opales sur ses gros doigts et s’aveugle sur son poids (« J’ai seulement une forrrte ossaturrre »). Ce personnage n’est pas foncièrement négatif mais on n’est jamais invité-e-s à éprouver de la sympathie pour elle.
Et longue vie au satin vert.
Qui plus est, les camarades féminines de Harry sont ridicules à partir du moment où elles montrent un peu de féminité : Lavande Brown, les soeurs Patil, Romilda Vane, Cho Chang et Fleur Delacour (qui arrive dernière au Tournoi des Trois Sorciers où elle est la seule fille… forcément !) ont bien du mal à se faire une place dans nos coeurs tant elles sont caricaturales dans leur féminité : toujours à se recoiffer, à glousser, à traîner leurs pauvres petits amis dans le salon de thé rose bonbon de madame Pieddodu pour la Saint-Valentin…
Lavande Brown : PSYCHOPATHE.
Fille VS fifille : sus aux clichés de la féminité
Mais après tout, on a majoritairement le point de vue d’Harry qui ne comprend pas grand-chose aux filles. « Tu as la capacité émotionnelle d’une cuillère à café » : Hermione l’a dit à Ron mais elle aurait également pu en faire profiter Harry.
Ainsi, dans les yeux d’Harry, les filles bien sont souvent présentées par opposition aux fifilles. McGonagall est ainsi le pendant positif d’Ombrage, et elle réprimande parfois ses élèves féminines pour oser mettre des noeuds dans leurs cheveux. Elle est à l’opposé du combo rose crémeux/broderies présenté comme monstrueux sur Ombrage.
Fais pas la gueule Ron ! Elle est très bien McGo’ !
Harry semble également apprécier ses camarades de Quidditch féminines qui ne sont pas des fifilles et dont l’une accède même au titre de capitaine de l’équipe. De même, il aime beaucoup le fait que Ginny ne pleure pas devant lui lorsqu’ils se disent plus ou moins au revoir au début du tome 7 : cela fait carrément partie de ses « merveilleuses qualités ».
Pleurer, pour Harry, c’est éminemment ridicule. Il faut le voir s’épancher sur les sanglots pathétiques de Mimi Geignarde ou les excès de sensiblerie de Pétunia ou du professeur Trelawney.
Les hommes pleurent beaucoup plus rarement dans Harry Potter et eux ne gaspillent pas leurs larmes. Ce n’est jamais ridicule. Dans le film, quand Rogue serre le cadavre de Lily Potter dans ses bras, l’instant est sublimé. Quand Mimi ou Trelawney sanglotent, c’est sujet à la moquerie ou au ridicule.
Hermione, fifille-mais-pas-trop
Hermione, par contre, pleure énormément (mais moins que Mimi Geignarde, faut pas pousser) et est même décrite comme ayant une petite voix suraiguë apparemment désagréable quand elle se laisse aller.
Ceci dit, puisque c’est l’amie de Harry, on peut sympathiser avec elle même si ses débordements lacrymaux ont tendance à embarrasser notre sorcier préféré. Ça, et sa facilité à s’angoisser pour les examens sont sans doute les seules choses qu’on puisse réellement lui reprocher. Et puis, dès qu’elle pleure, elle en profite pour serrer l’un ou l’autre de ses copains dans ses bras (surtout Ron, évidemment) : ah, les femmes… ça demande tellement de tendresse.
De toute façon, Hermione n’est pas comme les autres. Même si elle est réellement introduite dans l’histoire en tant que demoiselle en détresse alors qu’un troll l’attaque dans les chiottes, elle n’est pas une fifille. Hermione est sérieuse et impliquée et se construit par opposition aux accros du commérage qu’elle semble snober un peu.
Victor Krum, après qui les filles courent comme des groupies décérébrées, voit bien la différence et suit même Hermione dans son antre du savoir, la bibliothèque, afin de l’inviter au bal.
Après quoi Hermione devient une « vraie femme » en se shampouinant (pas trop tôt) et en revêtant une robe bleu nuit (rose bonbon dans la film… et ils lui ont même ajouté une crise de larmes supplémentaire).
Harry n’en revient pas : sa meilleure amie serait… une fille ! Pour Harry et Ron, manifestement, on n’est pas une fille quand on ne s’arrange pas. C’est la double injonction contradictoire classique : sois trop fifille, je ne te respecterai pas, ne sois pas assez fifille et personne ne voudra de toi.
Heureusement que Krum est là pour leur rappeler que la camarade est jolie (ce qui semble évident dès le premier film par contre… erreur de casting ? Où sont ses grandes dents ?) !
Luna et Tonks, les excentriques
Une qui ne plie jamais à la demande pour ce qui est du look par contre : Luna Lovegood. Et heureusement qu’elle plane constamment parce qu’elle s’en prend plein la gueule. À part Ginny, les autres élèves féminines ne sont pas tendres avec elle (ce sont surtout des filles qui se moquent d’elle dans les livres).
Cependant, si Luna est décalée et bizarre, Harry finit par la trouver un rien séduisante dans son étrangeté (même si elle a toujours l’air d’un sapin de Noël à ses yeux) lorsqu’elle se pomponne à sa façon pour l’accompagner au club de Slug dans le tome 6.
Les vraies filles n’ont pas les excès des fifilles mais elles finissent toujours par être jolies aux yeux d’Harry. Ceci dit, ça arrive souvent comme ça dans notre monde aussi. Les gens qu’on aime sont toujours beaux (au moins un peu).
Pour finir, Tonks, l’auror badass, se soucie de son apparence (la métamorphomage peut changer tout son visage en claquant du doigt) mais d’une manière totalement décalée et également opposée aux fifilleries.
Tonks a de l’humour d’ailleurs : si elle se demande si les cheveux violets flattent son teint, elle aime surtout déconner avec Ginny à table en changeant son nez en groin.
Sois en couple ma fille !
Les mamans, Ginny, Hermione, Luna, McGonagall, Tonks et quelques camarades sportives de Harry présentent donc des modèles de femmes fortes, indépendantes et sympathiques même si, hélas, construites par opposition à une féminité caricaturale dont les excès sont foncièrement néfastes.
Mais elles n’échappent pas à la règle du couple. On revient à l’amour. Les femmes, même les plus étranges, sont toutes des amoureuses (hétéro) à de très rares exceptions et quand Rowling n’a pas eu le temps de les mettre en couple dans les livres, elle multiplie les révélations sur Pottermore ou en interviews.
Tonks est maladroitement mariée à Remus Lupin, Luna finit avec un illustre inconnu (alors que, quitte à la faire finir avec quelqu’un, autant que ce soit Neville, boudiou ! Les films l’ont bien compris heureusement !), même McGonagall a eu une tragique histoire d’amour et le personnage de Bellatrix Lestrange est sans doute en partie sauvée dans le coeur des fans par son amour tordu pour le Seigneur des Ténèbres (on remercie aussi le charisme de Bonham Carter).
Oui, j’ai fait un fanart gnangnan, oui je suis une fangirl de Neville x Luna, oui j’assume ! Farpaitement !
Les rares vieilles filles sont, évidemment, des antagonistes (Rita Skeeter, Ombrage) ou présentées comme assez pathétiques (Trelawney… même si on ne sait rien de très précis à ce sujet — qui sait ce qu’on apprendra sur Pottermore). Mais même si le grand nombre de personnages masculins permet quelques célibataires mâles positifs dans Harry Potter, ils sont également mis en couples dès que J. K. Rowling en a l’occasion.
Ou alors on nous annonce très naturellement qu’ils sont homosexuels.
Eh oui, Dumbledore est gay : J. K. Rowling l’a dit en interview. Bien sûr, elle n’avait pas jugé nécessaire d’en parler explicitement dans les bouquins alors qu’on s’est tapé des pages et des pages de bête écailleuse qui fait des guilis dans le bide de Harry et oh, c’est drôle son kiki devient tout d… Non en fait je m’égare : ça non plus on l’a pas.
Quoi que…