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Travail

Que sont-elles devenues ? – Émilie Laystary, journaliste environnement au Parisien

Pour les dix ans de madmoiZelle, on revient sur le parcours de figures qui ont marqué l’histoire du magazine. On commence avec Émilie Laystary, ex-rédactrice multi-fonctions et pleine de ressources !

À l’occasion des 10 ans de madmoiZelle, on vous propose de retrouver des interviews des figures marquantes de l’histoire du magazine !

Cette semaine, c’est Émilie Laystary, alias Laystary sur madmoiZelle, qui se prête au jeu. Émilie a été rédactrice pour madmoiZelle entre 2010 et 2013, et elle a balayé une multitude de sujets ! Elle a écrit aussi bien sur ses origines asiatiques (où elle explique la naissance de son pseudo) que sur les recettes qui font vibrer ses papilles, l’art de porter les pantalons de pyjamas dans la rue, les ravages du marketing genré, le scandale des cliniques anti-gays… Elle a aussi réalisé des interviews poignantes et vous a concocté un tas de playlists hyper cool.

Bref, Émilie a toujours été une rédactrice multi-casquettes et ultra-curieuse, et j’avais hâte d’en savoir un peu plus sur elle.

  • Salut Émilie ! Pour les lecteurs et lectrices qui n’étaient pas là naguère, peux-tu nous rappeler ce que tu faisais chez madmoiZelle à l’époque ?

J’ai commencé à écrire pour mad en 2010, à l’époque où les bureaux étaient encore à Lille, dans ce petit appartement que Fab avait transformé en rédac. Quand je suis partie en 2013, j’ai eu la sensation que madmoiZelle avait grandi grâce à nous et qu’on avait grandi grâce à elle. Fab m’avait encouragé à parler d’actualité politique et société sur le site, j’avais pu lancer la rubrique Le Petit Reportage… Pout tout ça, le magazine a été une excellente école.

  • Cette école, comme tu l’appelles, comment y es-tu entrée ?

Je suis née et j’ai grandi à Lille, alors quand j’ai appris que madmoiZelle avait des origines ch’tis, j’ai tout de suite voulu en savoir plus. J’ai rencontré Fab, en pensant d’abord qu’il était un genre d’assistant éditorial, peut­-être d’une espèce d’implacable Anna Wintour régionale. Ça m’a sciée d’apprendre que c’était en fait « ce chauve super enjoué » qui avait eu l’idée d’un tel projet éditorial !

On s’est bien entendus, il m’a invité à proposer des sujets, j’ai écrit un premier article, et de fil en aiguille…

  • Quelle formation, quelles études as-­tu suivi avant ou après madmoiZelle ?

J’ai fait deux années de khâgne-hypokhâgne, puis des études de sciences politiques, un master de journalisme à Sciences po Lille et un contrat de professionnalisation à l’Institut Pratique du Journalisme, duquel je suis sortie en 2013 [pendant lequel Émilie était en alternance chez madmoiZelle, NDLR].

  • Quel souvenir as-tu de ton époque madmoiZelle ?

J’y repense souvent avec beaucoup de nostalgie : il y avait ces quelques tables disposées en vrac dans le salon, cette petite cuisine dans laquelle on se faisait réchauffer nos plats préparés achetés en grande surface, et cette imperturbable vue sur les immeubles en brique d’en-face et la vitrine du salon de toilettage pour chiens qui nous faisait souvent marrer… Cet endroit, c’était comme l’extension d’une chambre d’ado. 

Il y avait dans l’ambiance un petit côté « fais comme chez toi », que je retrouvais beaucoup aussi dans la façon de fonctionner de Fab. Il nous disait « je vous fais confiance, si un sujet vous intéresse, c’est qu’il intéressera aussi potentiellement les lectrices ». Cette bienveillance nous incitait à fureter dans tous les sens, trouver de nouveaux thèmes à traiter, réfléchir à de nouveaux angles.

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Laystary en 2012, pour la vidéo de « Bonne Année » madmoiZelle

«

Un espace réconfortant pour les rédactrices et pour les lectrices »

Je crois que c’est vraiment comme ça que madmoiZelle s’est construite progressivement : comme un espace réconfortant où rédactrices comme lectrices pouvaient se retrouver autour de réflexions générationnelles, allant de choses futiles que l’on traitait avec tout le sérieux du monde à des choses plus graves dont on essayait de parler de façon plus détendue.

  • Et ton meilleur souvenir chez madmoiZelle, c’est quoi ?

J’associe toujours les rédactions par lesquelles je suis passée à la bouffe. Au Parisien, ce sont les viennoiseries du matin, qu’on mange en mettant plein de miettes en conf’ de rédac. Chez VICE, c’était les bières du vendredi soir, quand quelqu’un se dévouait à aller chercher un pack. Chez Le Petit Quotidien, c’est le marbré au chocolat que l’on donne parfois aux enfants pour le goûter.

Eh bien le bonheur chez madmoiZelle, c’est que ça pouvait être tout ça à la fois.

  • Y a-­t-­il un article que tu as écrit chez madmoiZelle qui t’a particulièrement marquée ? Lequel ?

J’ai adoré écrire sur le revenu de base. Pour être tout à fait honnête, je ne m’attendais pas à une telle qualité d’intervention dans les commentaires des lectrices. Elles ont débattu de la marchandisation de la valeur travail, de la redistribution des richesses, des moyens de se réaliser dans la société hors emploi… Je me souviens avoir lu toutes les réactions un soir en mangeant du reblochon avec de la confiture de fruits rouges. J’ai été tellement captivée que je ne me suis même pas vue terminer le demi­-cylindre.

À lire aussi : Le revenu de base, qu’est-ce que c’est ?

  • J’ai cru comprendre que tu étais devenue pigiste pour madmoiZelle et d’autres médias après ton alternance. Pourquoi ce statut ?

On résume souvent le fait d’être pigiste à un statut précaire et subi. Dans les faits, c’est vrai que vendre ses articles à la pièce, comme une marchande de tapis, ça n’est pas tous les jours facile : ça implique beaucoup de persévérance, d’autodiscipline et (souvent) un gros manque de visibilité financière. Mais c’est une expérience que je tenais absolument à vivre. J’adore l’idée de bosser au long cours avec des rédactions différentes, et donc des interlocuteurs différents. J’avais envie de me frotter à des lignes éditoriales variées, des formats nouveaux, d’autres façons de penser…

« Pigiste, c’est une expérience que je tenais à vivre »

De façon générale, je suis assez attachée à une certaine horizontalité dans le travail (une autre façon de dire que je n’aime pas beaucoup la hiérarchie). Je trouvais agréable le fait de pouvoir gérer mon temps comme je le souhaitais, proposer mes propres sujets, et éviter le format « tâches imposées par un supérieur » comme c’est souvent le cas dans le salariat.

  • Ce qui nous amène à la suite : qu’as-tu fait exactement après ton expérience chez madmoiZelle ?

Avec le statut de journaliste indépendante, j’ai pu écrire pour des médias aussi différents que VICE magazine, Okapi, Le Monde Diplomatique, RTL.fr, Les Inrockuptibles, Slate.fr ou encore L’observatoire des médias Acrimed. J’ai aussi eu la chance de pouvoir bosser pour madmoiZelle à distance, depuis Berlin, où j’étais partie m’installer quelques mois pour aussi me rapprocher de la rédaction d’Exberliner, un magazine anglophone basé là-­bas.

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Laystary en 2011 : le swag du pantalon de pyjama

Mon blog est un endroit un peu fourre­-tout, où je relaye parfois certains articles publiés ailleurs et des photos de voyage, au milieu de billets d’humeur et de recettes de cuisine. On a déjà pu me demander d’en parler lors de certains entretiens, mais en général, plutôt sur le ton de la question ouverte, en fin de rendez-­vous. Quand l’ambiance se détend et que ça devient acceptable de raconter que je fais de la boxe, que j’aime les fromages à pâte pressée non ­cuite, que j’ai une excellente recette de blanquette de veau, et que j’apprécie faire du hula-hoop en écoutant des playlists très aléatoires de morceaux de rap et de techno qui s’enchaînent mal.

  • Qu’est-ce que tu fais comme boulot maintenant ?

J’ai arrêté d’être pigiste il y a quelques mois. Je suis désormais journaliste au Parisien et j’écris à la rubrique environnement. C’est une thématique qui me tient fortement à cœur, je la trouve transversale à beaucoup d’enjeux politiques et sociaux. Il existe un discours assez injuste, qui consiste à dire que l’environnement est un problème de riches, une préoccupation que seule une classe moyenne supérieure peut avoir le luxe d’avoir. J’avoue être revenue de cet état d’esprit.

À côté de ça, je collabore régulièrement à la rubrique culinaire des Inrockuptibles, j’anime des ateliers de journalisme pour enfants avec Le Petit Quotidien et je donne quelques cours. Cette stabilité professionnelle et financière me permet de bosser sur ma thèse de critique des médias. Car je fais aussi un doctorat à l’Institut Français de Presse, avec un sociologue pour lequel j’ai énormément d’admiration, Rémy Rieffel, qui m’aide à plancher sur la place des pages politiques dans les journaux en France, la question de l’engagement militant et de la stratégie marketing des rédactions.

  • Tu as toujours écrit sur des sujets très variés, notamment chez madmoiZelle. Qu’est-ce qui t’intéresse plus particulièrement dans l’écologie ?

Quand j’étais plus jeune, j’avais tendance à penser que la cause environnementale se résumait à manger des tomates bio, et que forcément, les tomates bio, c’est un levier de changement bien moins radical que la critique de la financiarisation du capitalisme. Mais l’environnement n’est pas un combat accessoire ou moins noble.

Être sensible (et vouloir sensibiliser) aux enjeux environnementaux, c’est en fait rendre visible une autre façon d’organiser la vie sur Terre, questionner notre rapport aux ressources naturelles, mettre en branle des rapports de domination…

À lire aussi : Le réchauffement climatique, un problème de riches, vraiment ?

  • C’est quoi tes sources d’information maintenant ?

En tant que journaliste, ma veille informationnelle va potentiellement du Journal de Mickey au dernier dossier de Minute, en passant par la presse étrangère, la presse quotidienne régionale, les Unes des journaux français et les médias en ligne. C’est vaste ! Mais ce que je vais véritablement prendre plaisir à consulter depuis mon canapé, c’est Le Monde Diplomatique (dont je suis une fidèle abonnée), les reportages vidéo de VICE et les enquêtes de Bastamag.

J’ai aussi une passion certaine pour Wikipédia, je peux passer des heures à aller de page en page. D’ailleurs, je ne suis pas peu fière d’avoir créé celle­-ci sur le BZ avec un copain, et ainsi contribué à faire du monde un meilleur endroit.

  • Si tu fais le bilan maintenant, qu’est-ce que t’a apporté madmoiZelle sur le plan professionnel ?

À y travailler, j’ai appris à défendre des idées, les confronter au débat, les faire mûrir, les mettre en perspective. Ce qui est très fort, avec cette rédaction, c’est que les rapports ne sont jamais unilatéraux : on écrit pour l’équipe, on écrit pour les lectrices, elles commentent, on lit leurs réactions, on apprend d’elles, on se surprend quelques fois à changer d’avis, on se retrouve à lire des situations avec d’autres lunettes. C’est une expérience globale.

« J’ai appris à mettre mes idées en perspective »

Il y avait comme deux espaces : d’abord l’échelle de « l’entreprise à taille humaine », ensuite une échelle beaucoup plus grande, celle de la communauté de lectrices. Ce sont ces allers­-retours entre ces deux perspectives — le petit côté « fait maison » de nos articles VS le mégaphone que madmoiZelle offrait — qui m’ont appris à tout décloisonner.

  • Et d’un point de vue plus personnel ?

En tant que lectrice, madmoiZelle m’a réconcilié avec une certaine idée de la presse spécialisée. J’étais très en colère contre l’ensemble de la presse féminine (ces magazines qui se vendent comme des petits pains l’été grâce à une sombre histoire de t-shirt en acrylique mal coupé en guise d’appât). Mais voir de près qu’il est possible de penser une autre façon de s’adresser aux jeunes femmes, pourvu qu’on ne les infantilise pas, et qu’on ne les résume pas à des cibles marketing tout juste bonnes à se frustrer sur des silhouettes de pub et des fringues trop chères qu’elles n’auront jamais, c’est ça qui m’a le plus bluffée.

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Faye et Laystary à la soirée des dix ans de madmoiZelle (photo Chloé Vollmer-Lo)

  • Quel regard tu portes sur ce qu’est devenu madmoiZelle désormais ?

Je trouve génial qu’autant de rédactrices différentes s’y soient succédées. Pour moi, madmoiZelle est vraiment un état d’esprit, un média pas figé, ni dans le temps ni dans les signatures. C’est un projet à plein plein de paires de mains.

« madmoiZelle n’est pas figé dans le temps »

Je suis heureuse de voir que comme à ses débuts, madmoiZelle continue à être cet espace réconfortant qui navigue entre le divertissement, le ton décalé, le féminisme et les réflexions sur la société dans laquelle on vit, sans pour autant se perdre à devenir une plateforme sans boussole.

  • Quel(s) conseil(s) donnerais-­tu à quelqu’un qui voudrait écrire pour madmoiZelle maintenant ?

Il y a plusieurs façons de vouloir apporter sa pierre à l’édifice d’une ligne éditoriale. J’aime beaucoup le suivant : parle de quelque chose que tu n’as pas lu ailleurs, ou écris sur ce dont tout le monde parle déjà, mais fais­-le avec un nouvel éclairage.

  • Eh, j’ai une dernière question totalement indiscrète. Est-­ce qu’à ton époque aussi, vous chantiez Garou en choeur à la rédac ?

Je ne chante rien qui a gagné un prix aux Victoires de la Musique. C’est mon côté anticlérical.

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Les Commentaires

10
Avatar de ben quoi ?
6 novembre 2015 à 20h11
ben quoi ?
Oh..Emilie Laystary était une de mes rédactrices préférées.Cela me manque beaucoup de ne plus lire ses articles sur Madmoizelle !!
Je trouve que c'est une excellente journaliste et je lui souhaite beaucoup de bonheur dans son métier.
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