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Vie quotidienne

Elle est accro à la cocaïne mais veut arrêter : témoignage

Dépendante de la cocaïne depuis 2 ans, Lucie a perdu une partie de ses amis, 11 kgs et sa confiance en elle. Aujourd’hui, elle est fermement décidée à reprendre sa vie en main.

Article initialement publié le 22 décembre 2011

Je suis amie avec Lucie (prénom changé) depuis maintenant presque 10 ans. À l’époque, on était au collège, et nos sujets de conversation allaient des yoyos automatiques (« c’est de la triche ») au dernier film d’horreur sorti en salle (« on fait croire qu’on a 16 ans ? »)

Accro à la cocaïne : l’histoire de mon amie Lucie

Lucie faisait partie de la catégorie « grande-gueule » de mes copines. Je me souviens m’être longtemps dit qu’elle n’avait peur de rien, qu’elle était toujours optimiste, qu’elle ne cherchait qu’à s’amuser, et qu’elle n’avait sans doute jamais pleuré de sa vie.

J’ai revu Lucie il y a quelques mois, et j’ai changé d’avis : Lucie parle aujourd’hui avec une petite voix un peu tremblotante, Lucie a peur, Lucie est devenue pessimiste. Devant nos cafés noisette, Lucie pleurait. En revanche, elle cherche toujours à s’amuser.

Lucie est devenue accro à la cocaïne, mais est aujourd’hui fermement décidée à décrocher. Pour elle comme pour vous, elle a accepté de répondre à mes questions : « si ça peut être un exutoire, mais aussi une mise en garde pour d’autres, j’accepte ». Rencontre.

Le témoignage d’une addict à la cocaïne

Comment as-tu commencé à prendre de la cocaïne ?

Comme beaucoup de gens, j’ai commencé en soirée. Je suis une grosse fêtarde et je tiens plutôt bien l’alcool. Alors le jour où Vincent, un pote de fac, m’a proposé « un petit rail », je n’ai pas vraiment hésité.

Après tout, je n’étais pas du genre à m’écrouler ivre morte dans un coin de la boîte, je savais me tenir et j’avais l’impression de connaître parfaitement mon corps. Je n’avais encore jamais perdu mes moyens, alors un rail de coke, c’est bête mais ça ne me faisait pas peur.

Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement le soir où tu as pris de la cocaïne ?

Vincent m’a proposé, l’air de rien, « t’en veux ? ».

Je crois que cette phrase, même si elle a l’air anodine, devrait être prise très au sérieux. « T’en veux ? », ça ne veut pas juste dire « Hé, est-ce que tu veux t’amuser un peu ? » mais aussi « Hé, est-ce que tu veux prendre le risque de faire du mal à ton corps, prendre le risque de finir en badtrip, prendre le risque de laisser ton organisme mal réagir, ou encore, prendre le risque de banaliser cette consommation jusqu’à ne plus pouvoir te retenir d’en prendre ? ».

Mon regret principal se situe à cet instant précis.

« J’aurais dû dire non », le début de la dépendance à la cocaïne et les regrets

Il m’a demandé « T’en veux ? » et j’aurais dû dire non. Ce soir-là, j’avais quelques Mojitos, le double de bières et des shots de whisky dans le sang.

Ce soir-là, je venais d’essuyer une déception amoureuse. Ce soir-là, je voulais faire la belle et montrer à celui qui m’avait quitté que j’allais bien, que j’étais heureuse et capable de rire à gorge déployée. Alors j’ai suivi Vincent dans les toilettes, et j’ai pris le rail de cocaïne qu’il m’avait préparé sur le rebord de la fenêtre.

Quels effets as-tu ressentis en prenant de la cocaïne ?

Une euphorie incroyable et beaucoup d’énergie.

Je suis retournée au milieu de la boîte, et j’ai dansé pendant plusieurs heures sans m’arrêter. Je me sentais incroyablement bien : apaisée, légère, vide et pleine à la fois. J’étais en osmose avec les gens autour de moi, je me souviens avoir pris Vincent plein de fois dans mes bras.

Il me portait, je riais, il me faisait tourner sur moi-même, je riais encore. Quand je me suis engouffrée dans un taxi au petit matin, je me souviens avoir souri tout le long du trajet, un peu comme si je venais de passer la meilleure soirée de ma vie.

Ma rupture ressemblait à un lointain souvenir : je me sentais déjà mieux, je relativisais, pire, je me fichais de savoir que ce mec, que 24h plus tôt j’aimais encore, venait de salement me larguer. Plus rien n’avait d’importance.

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Comment était le réveil, le lendemain après que tu as pris de la cocaïne ?

J’étais de nouveau triste. J’avais froid. Un peu honte de ce que j’avais pu faire la veille – mais peu importe puisque je ne me souvenais pas de tout.

Devant mon café, j’ai quand même souri : la soirée avait vraiment été bonne et j’avais passé mon temps à rire comme si j’étais possédée.

Objectif atteint, donc : mon ex m’avait forcément vu pleine de joie de vivre. C’est tout ce que je voulais.

Combien de temps s’est-il passé avant que tu retouches à la coke ?

Une semaine. Entre temps, il y avait eu quelques petits apéros, mais rien de fou. Rien qui justifiait plus que quelques verres.

Mais le samedi soir d’après, oui, j’en ai repris. Même schéma de soirée : beaucoup de musique, l’envie de faire la fête jusqu’au petit matin, quelques verres qui commençaient gentiment à me faire tourner la tête. Mais cette fois-ci, l’envie de prendre de la C est arrivée par moi-même

: j’étais fatiguée, et j’avais envie que la soirée dure plus longtemps.

Et j’avais encore le souvenir de la soirée d’avant, pleine d’euphorie. Je pense que la deuxième fois est l’un des moments les plus importants dans le début de la consommation banalisée. Tu te rappelles à quel point la première a été dingue, et tu cherches à reproduire la même situation. Alors tu en reprends.

À quel moment s’est enclenchée l’addiction à la cocaïne, selon toi ?

Je vois la consommation de cocaïne comme un processus en 3 temps :

  • le premier, c’est la découverte. Le produit est nouveau pour toi, tu le prends de façon récréative, pour rire, pour t’amuser, parce que tu te sens hédoniste de base ou parce que, trop bourré, tu t’es laissé convaincre. Beaucoup de gens s’arrêtent à cette première fois, mais en général, cette première consommation dédramatise toutes les suivantes. La logique est simple : si ça s’est bien passé la première fois, pourquoi se retenir d’en reprendre ?
  • le deuxième temps, c’est celui de la banalisation. Le stress de la première fois passé, on ne voit plus que les bons côtés d’une telle drogue. Alors on en reprend. Pas forcément systématiquement : mais en tout cas, quand l’occasion se présente et que le contexte s’y prête. Là encore, beaucoup de gens s’arrêtent à ce stade-là.
  • ensuite, il y a le 3e et dernier temps. C’est le plus grave. C’est celui de l’addiction. Le moment où tu penses à la cocaïne même quand tu n’es pas en soirée, le moment où tu n’attends pas qu’on te propose mais y penses spontanément. Le moment où avoir envie de passer une bonne soirée, être bien dans sa peau et profiter au maximum te donne parallèlement envie de taper de la C.

Quels sont les signes de la dépendance à la coke ?

Au bout de plusieurs mois, je me suis mise à « penser » ma consommation. J’en prévoyais à l’avance, histoire de « faire des économies » en arrêtant d’en acheter plein pot en soirée.

J’en achetais en bonne quantité, et partait en soirée avec quelques dizaines de grammes. Ce qui a changé, c’est donc la fréquence de la consommation, mais aussi la quantité (je m’accordais jusqu’à 5 traces en soirée).

Autre chose : je me suis disputée avec les potes qui se sont inquiétés pour moi. Je les accusais de ne pas me comprendre, d’être trop coincés ou de ne pas vouloir « être jeunes et vivre dans leur temps ».

Je me suis mise à exclusivement sortir avec Vincent, ses potes et d’autres copains rencontrés en soirée… soit uniquement des gens pour qui la drogue ne faisait pas débat.

J’avais un discours détestable et égocentrique : au lieu de réaliser que mon entourage s’inquiétait pour moi (et à juste titre), je préférais les accuser d’être faibles et peureux.

Dans l’histoire, la fille forte et indépendante, c’était moi.

Comment as-tu fait pour assurer ces nouvelles dépenses liées à ton addiction à la drogue ?

Je séchais une partie de mes cours à la fac, pour me réserver des jours libres dans la semaine – de quoi m’assurer un mi-temps en tant que serveuse.

J’avais l’impression d’être incroyablement bien organisée, futée, lucide : avec cette nouvelle rentrée d’argent, j’avais de quoi me payer ma came sans me serrer la ceinture pour autant. En plus de ça, ça me faisait de l’argent en plus à côté, ce qui me permettait de demander moins d’argent à mes parents pour me financer une partie de mon loyer.

En marge de ça, je passais de meilleures soirées, j’avais un nouveau groupe de potes, et mon histoire de rupture, je la voyais de plus en plus loin derrière moi, comme une vieille côte que l’on quitte sans regret pour voguer vers l’horizon.

Oui parce qu’en plus d’être idiote et de plus en plus dépendante, je me payais le luxe de la poésie. J’avais l’impression de vivre dans un film, ma vie était intense et je me sentais l’héroïne désoeuvrée mais sentimentale d’une incroyable saga, à côté de laquelle tous les gens trop sages passaient.

Tu me disais la dernière fois qu’au fur et à mesure de ces consommations de drogues, tu as aussi arrêté de t’amuser.

Oui. L’addiction a vraiment commencé le jour où l’équation n’a plus été « cocaïne = plaisir » mais « pas de cocaïne = malaise ». Tu vois la subtilité ?

Avant, la cocaïne était un plus. Puis, elle est devenue une condition sine qua non à mon état de plénitude. Le pire à chaque fois, c’était la descente : je me sentais moche, nulle, lourde, inutile.

Tout l’inverse de ce que je ressentais lors de la libération de dopamines : irrésistible, légère, investie d’une mission. Paradoxalement, le seul médicament que j’avais trouvé à cette descente, c’était la cocaïne.

Tu mesures l’absurdité de la chose ?

Je guérissais la cocaïne… par la cocaïne. C’est à ce moment là que ma consommation ne s’est plus restreinte à la fête. Même chez moi, seule, un mardi soir, il m’arrivait de me faire une petite trace.

En soirée, un rail ne suffisait plus à m’amuser. Il m’en fallait toujours plus. Mon euphorie était moindre, ou alors elle durait moins longtemps. Bref, ça n’avait plus rien à voir avec les premières fois. C’était devenu glauque.

Mon sommeil aussi a changé. Je dors moins bien. Je me sens plus souvent fatiguée. Je suis devenue très lunatique. J’étais assez easy-going, je suis devenue difficile à vivre.

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Aujourd’hui, tu as envie d’arrêter la cocaïne ?

Ça fait 2 ans que je consomme, et ces derniers 6 mois, je tapais entre 4 et 6 fois par semaine. J’ai beaucoup maigri (Ndrl : Lucie a perdu 11 kilogs), j’ai perdu des relations fortes, je suis devenue anxieuse, j’en ai marre de trembler quand je bois ne serait-ce qu’un ballon de vin à table avec ma famille.

Je voudrais arrêter cette dépendance : elle ne me grandit pas, elle m’affaiblit. La coke me libère au sens où elle me fait me sentir mieux et me désinhibe, mais quand elle part, elle m’enlève encore plus que ce qu’elle m’apporte.

Je veux arrêter ces dépendances inutiles, cet affaiblissement de mon organisme, cette perte de contrôle. Et je veux retrouver mes amis. S’ils peuvent croire en moi de nouveau et me pardonner, alors la moitié du travail sera faite. Pour le reste, je suis prête à me battre.

Le sevrage d’une cocaïnomane

Depuis notre dernière conversation, Lucie est allée consulter pour un sevrage.

Elle a rompu le contact avec ses amis addicts, parce que « le meilleur moyen de résister à une trace reste d’en être tenu le plus éloigné possible ». Par peur de tomber dans des troubles psychologiques (phobie sociale, stress constant, etc) plus graves, Lucie est fermement décidée à ne plus jamais toucher à un seul rail de sa vie.

Elle m’a expliqué que le plus dur dans tout ça est de « ne pas avoir envie d’une ligne en même temps que tu bois ». Alors, pour mettre toutes les chances de son côté en ce début de sevrage, elle ne sort plus.

À lire aussi : « Chemsex » : pratiques sexuelles sous l’influence de drogues — Appel à témoins

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Les Commentaires

28
Avatar de Laboukineuze
17 avril 2014 à 21h04
Laboukineuze
Chuis un peu deg car je ne vois pas ce fameux témoignage en commentaire d'orangevioline...

Merci à ladite Lucie, et à sa copine en or, de nous avoir livré cette tranche peu glorieuse de vie.

Je regarde toujours avec crainte tout ce qui peut laisser une addiction prendre le pas sur la réalité, je m'en suis toujours tenue aux trucs légaux mais le jeu en ligne ou la codéine, pour des personnes affaiblies, ça reste grave!
A l'école on nous a toujours dit "les drogues c'est mal, faut pas tester même une seule fois, bad trip assuré..."
Et j'ai une copine qui prend des trucs occasionnellement. Elle me dit qu'elle fait ça super rarement et seulement avec des conditions précises, mais pour le coup, ça m'inquiète ton témoignage, elle est dans une mauvaise spirale de vie, et je ne peux pas veiller sur elle autant que je le souhaiterais.


Question en plus : mais, quand, comment exactement Lucie s'est rendue compte qu'elle était accro et qu'il fallait que cela cesse?
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