En l’an 2012, Sophie Pierre Pernaut nous racontait sa vie d’ancienne éponge, et nous expliquait qu’en des temps lointains, elle avait une tendance à adopter les expressions faciales des autres. Vous savez quoi ? Cette tendance-là, celle d’imiter la posture, les manières ou le rire de quelqu’un, est bien courante et a un même nom : c’est « l’effet caméléon ».
Si mon interlocuteur se gratte le nez, je me gratte le nez
Pour Chartrand et Bargh (1999), l’effet caméléon désigne l’imitation « automatique » des postures, manières, expressions faciales, intonations et autres comportements d’une personne avec laquelle nous sommes en interaction.
En d’autres termes, lorsque vous discutez avec votre pote Dominique, il y a de grandes chances pour que, parfois sans même vous en rendre compte, vous adoptiez certaines caractéristiques de son comportement.
De nombreuses recherches se sont penchées sur ces imitations et expressions contagieuses – on a par exemple remarqué que les fumeurs avaient tendance à inhaler leurs fumées relativement en même temps et de la même manière (Harakeh, Engels, Van Baaren & Scholte, 2007) ; que les buveurs avaient tendance à boire en même temps ; que les bâillements sont contagieux (Provine, 1986) ; ou encore que le rire se propage facilement (c’est d’ailleurs pour cette raison que certaines séries et émissions diffusent des rires préenregistrés : afin de propager le rire dans l’audience !)…
![chat chat](https://c0.lestechnophiles.com/www.madmoizelle.com/wp-content/uploads/2014/03/chat.gif?key=6ec80cda)
Chartrand et Bargh, professeur-e-s de psychologie sociale, ont mené une expérience sur le sujet dans laquelle des étudiant-e-s devaient interagir sous un faux prétexte avec un expérimentateur.
Dans la 1ère
partie de l’expérience, les participant-e-s sont soit face à un expérimentateur qui se gratte le nez, soit face à un expérimentateur qui secoue son pied. Sans surprise, les étudiant-e-s interagissant avec le gratteur de nez se mettent à se gratter le nez, et ceux discutant avec le secoueur de pied se mettent à secouer leurs pieds…
À la fin de l’expérience, Chartrand et Bargh demandent aux participant-e-s s’ils ont eu conscience d’avoir imité les comportements de leurs interlocuteurs… Aucun-e participant-e ne le reconnaît !
Pour la 2nde partie de la recherche, cette fois, la moitié des sujets sont face à un expérimentateur qui les imite (il imite leur façon de se tenir, leurs mouvements, croise les jambes dès qu’ils le font, etc.). Pour l’autre moitié des participant-e-s, l’expérimentateur ne fait rien de spécifique (ce groupe sert ainsi de « groupe contrôle »).
Après l’expérience, les chercheur-se-s demandent aux participant-e-s d’évaluer les expérimentateurs… et figurez-vous que les expérimentateurs ayant imité les participant-e-s sont perçus comme plus aimables, plus agréables. Autrement dit, lorsque l’on imite (discrètement) une personne, on augmenterait nos chances d’être apprécié par cette personne !
![louisck louisck](https://c0.lestechnophiles.com/www.madmoizelle.com/wp-content/uploads/2014/03/louisck.gif?key=3b8285b3)
Cette dernière constatation a été confirmée par une toute autre expérience (Van Baaren, Holland, Steenaert et Van Knippenberg, 2003) : dans celle-ci, deux serveuses étaient complices des chercheurs-es. En prenant la commande, l’une d’elle répétait les mots du client, et l’autre disait simplement qu’elle avait bien noté la commande.
Vlan : 78% des personnes imitées ont laissé un pourboire à leur serveuse, contre 52% des personnes non imitées… Et le pourboire laissé à l’imitatrice était presque deux fois plus important !
Mais pourquoi imite-t-on ?
C’est bien beau toutes ces imitations… Mais pourquoi adopte-t-on les comportements des autres ? Pour certain-e-s chercheurs-es, l’imitation serait une sorte de « colle sociale » : elle permettrait de renforcer les liens et les interactions sociales. En imitant l’autre, nous lui exprimons notre désir d’affiliation, notre volonté de poursuivre l’interaction – en gros, on lui dit qu’il est chouette et que nous voulons bien faire partie de sa bande (et inversement, qu’il fasse partie de la nôtre).
Pour d’autres, l’imitation servirait à activer un sentiment de familiarité chez autrui – et, par ricochet, à nous permettre d’être perçus de façon plus positive et attractive (parce ce que dans nos têtes, ce qui est familier est plus cool : nous aurions tendance à plus apprécier ce qui est familier, à proposer notre aide plus facilement à quelqu’un qui porte le même prénom que nous, ou qui a le même style vestimentaire, ou qui écrit de la même main, etc.).
![justin justin](https://c0.lestechnophiles.com/www.madmoizelle.com/wp-content/uploads/2014/03/justin.gif?key=d58fa8c6)
Somme toute, lorsque nous faisons les caméléons et que nous imitons nos interlocuteurs, nous sommes en fait en train de donner des « réponses affectives », et nous essaierions de paraître chaleureux, ou familiers, afin d’avoir plus de chances d’être appréciés. Le danger sera ensuite dans le « dosage » de notre imitation.
Si l’imitation n’est pas sincère et pousse le bouchon trop loin, l’effet pourra être inverse : nos imitations passeront pour de la flatterie et de l’hypocrisie, et nous ne serons pas plus appréciés !
Pour aller plus loin…
- Une explication de Nicolas Gueguen
- L’article de Chartrand et Bargh
- L’imitation dans le speed dating, une recherche de Guéguen et Martin
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Les Commentaires
(les 3 personnes qui montent en dernier dans l'ascenseur sont les expérimentateurs)