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Société

« C’était mieux pendant le confinement » : avec les 18-25 ans qui passent un sale été 2021

La vague de bonne humeur qui se propage sur Instagram cet été ne reflète en rien l’état d’esprit de tout le pays. Entre ruptures amoureuses douloureuses et syndrome de la cabane, rencontre avec ceux qui pour qui « période estivale » rime avec « santé mentale ».

« Soit la ville est devenue plus bruyante et animée, soit je suis devenue plus calme et paresseuse. »

Cette phrase ne provient pas d’une conversation réelle, mais d’un cartoon de l’artiste Emily Bernstein partagé par The New Yorker il y a quelques semaines. Connu pour ses illustrations qui questionnent la société en mouvement, le magazine américain donne ici une idée de ce à quoi peut ressembler le monde actuel pour certains individus.

Soit un espace social qui, depuis le 19 mai 2021, est devenu beaucoup trop agité et dans lequel on a du mal à (re)trouver sa place.

Déconfinement : liberté ou emprisonnement ?

Cela fait un an que Louise, tout juste diplômée d’un bac + 5, est en recherche d’emploi. Pour elle, le déconfinement est une source d’anxiété dans son quotidien.

« C’était mieux pendant le confinement. J’étais sur un cycle animé de fin d’études, et d’un coup on me disait que j’allais pouvoir faire une pause. Au moment du déconfinement, j’étais au chômage. En retrouvant mes proches, vu que je ne travaillais pas, j’avais l’impression d’être déconnectée des conversations.

Cet été me fait me sentir exclue et coupable. Je n’ai aucune envie d’aller à la rencontre des gens. Le confinement a modifié mon rapport aux autres, et j’ai fait le tri dans mon réseau affectif. »

En 2020, Louise ne culpabilisait pas de ne pas travailler. Mais cette année, assumer sa situation est tout sauf une tâche facile à entreprendre pour la jeune femme. Dehors, les sourires sur les visages démasqués, comme si rien de grave ne s’était passé en l’espace d’un an, lui est insupportable.

« On a été enfermés pendant hyper longtemps, et brutalement la vie reprend. Y a pas longtemps, j’étais dans un supermarché bondé de monde. Avec le mouvement de foule, j’ai fait une énorme crise d’angoisse en public. »

Une expérience sociale loin d’être anecdotique — en janvier 2021 déjà, un sondage Ipsos révélait que près de deux tiers des 18-25 ans estimaient que la crise sanitaire « aura des conséquences négatives sur leur santé mentale ». Résultat : au mois de mai, une étude du même institut dévoile qu’un quart d’entre eux ont eu des pensées suicidaires.

Ceci étant dit, on comprend tout de suite mieux pourquoi faire la queue devant une discothèque n’est clairement pas la priorité de Louise cet été.

Rupture amoureuse, actualité violente… on est loin du Summer of Love

Ne plus avoir la force ni l’envie d’affronter le monde extérieur peut aussi s’expliquer par le boom des ruptures amoureuses depuis le début de la pandémie — en juillet, l’Ifop révèle que 12% des Français et Françaises en couple envisagent de rompre avec leur partenaire.

Marie, parisienne de 23 ans, vient tout juste d’en payer les frais. Séparée depuis peu de son ex-petit ami, la jeune femme explique que cet été n’est pas la meilleure période pour se reconstruire — avec, en toile de fond, la toxicité des réseaux sociaux. 

« Les gens ont eu une année tellement compliquée qu’ils veulent vivre leur été à fond et le partager sur les réseaux sociaux. Du coup, j’ai bloqué mon ex et ses proches, pour protéger ma santé mentale.

Depuis mai, tout est multiplié par dix et c’est pesant. En ce moment sur Instagram, je vois défiler en masse des sujets sur les couples, le sexe et l’amour, et j’ai clairement pas besoin de ça pour aller mieux. Cette plateforme est nauséabonde. »

Du côté d’Oriane, 25 ans, c’est le mélange de positivité toxique des réseaux et l’actualité lourde qui l’empêchent de profiter à fond de son été. L’improbable pour elle, c’est de voir le monde partir en vrille, et de constater que peu ont l’air de s’en soucier :

« Avec tout ce qui se passe, j’ai du mal à profiter de l’instant présent. Le Covid n’aura pas eu raison de moi ; en revanche, les crises environnementales qui secouent le monde cet été m’affectent. J’ai l’impression qu’on va droit dans le mur, mais avec le sourire. »

Depuis son cabinet de Rennes, Céline Dahan, psychologue, constate que le public éco-anxieux se trouve de plus en plus chez les 18-25 ans. Cette conscience environnementale s’explique, selon la spécialiste, par les contenus insécurisants auxquels la jeunesse se confronte au quotidien depuis deux ans :

« Ces épisodes d’actualité triste ont épuisé beaucoup de personnes, comme si tout était devenu insurmontable. Même si c’est positif qu’il y ait une conscience environnementale, et nécessaire pour l’avenir : il y a un besoin d’inventer et de créer pour que les personnes sentent qu’elles respectent leurs valeurs, qu’elles retrouvent un sens à leur vie. »

Conséquence : le syndrome de la cabane

Invité sur Europe 1 fin mai 2021, le psychiatre Michel Lejoyeux identifie les signes qui peuvent alarmer sur le peu d’enthousiasme face au déconfinement. Parmi eux : la perte d’envie, la culpabilité et le ralentissement. Des facteurs qui alimentent le quotidien des Français et Françaises — jusqu’à les forcer parfois à se renfermer dans leurs foyers.

Des spécialistes nomment ce phénomène le « syndrome de la cabane ». Carine Grzesiak, psychologue et experte en thérapie cognitive et comportementale, précise : 

« Souffrir du syndrome de la cabane, aussi appelé syndrome de l’escargot, c’est ne plus arriver à sortir de chez soi, de sa coquille. Celles et ceux qui subissent ce syndrome d’anxiété ressentent une peur, un inconfort face au monde extérieur. »

@lisa_adm13

Je m’appelle Hector, et j’ai ce que l’on appelle le syndrome de la cabane ✨ Voix de @val_vitti

♬ son original – VALENTIN VITTI

Pour la spécialiste, le confinement a encouragé les dynamiques de routine et d’habitudes confortables. Le déconfinement apparaît alors, majoritairement pour les profils anxieux, comme un circuit vicieux dans lequel la vie qu’ils et elles menaient avant n’est aujourd’hui plus considérée comme normale. Surtout en été, période où généralement les gens sont dehors…

À terme peuvent s’enchaîner perte de confiance, d’estime et de valorisation de soi. 

« Se protéger constamment, en se renfermant chez soi, c’est comme imaginer être constamment en danger. Tant que c’est momentané et que le rapport à l’extérieur reprend, c’est OK. Par contre si ça s’installe dans la durée, ça devient une stratégie d’évitement et celle-ci entretient la maladie. »

Pour retrouver une dynamique agréable, apaisée et sereine, Carine Grzesiak encourage, par exemple, les exercices de respiration pour calmer les effets physiques de l’anxiété. À ça, Céline Dahan ajoute : 

« Il faut construire des expériences qui nous permettent d’avancer, comme lancer des initiatives solidaires.

Faire entendre nos besoins aux autres peut redonner de l’espoir et de la confiance. Avec la pandémie, on sent une maturité existentielle chez les plus jeunes, avec des choix de vie qui se construisent très tôt. »

Un conseil à mettre en parallèle avec l’engagement des 18-25 ans, très présent malgré l’image dépolitisée qu’on peut se faire d’une jeunesse qui vote peu. Car parfois, prendre soin de soi rime avec prendre soin des autres.

Si vous allez mal…
Votre santé mentale décline, vous avez des idées noires ou l’un de vos proches vous inquiète ? SOS Amitié vous répondra au 09.72.39.40.50 (24h/24 et 7 jours sur 7).

Si vous souhaitez vous adresser à un ou une professionnelle de la santé mentale mais que le coût vous inquiète, les Centre médico-psychologiques (CMP) proposent des consultations gratuites, y compris en visio. Votre médecin traitant peut aussi vous aiguiller.

Ne restez pas seul ou seule, des solutions à votre mal-être existent. Retrouvez d’autres ressources sur ce site du gouvernement.

À lire aussi : Sommeil, charge mentale, stress : les filles ont été durement touchées par le confinement

Crédit photo : Elijah O’Donnell / Pexels

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Les Commentaires

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Avatar de ~*Galaxy*~
17 août 2021 à 17h08
~*Galaxy*~
@Pattenrond25
Ma partenaire et moi sommes toutes les deux introverties et pour nous le confinement a rendu le monde plus... apaisant.
Alors, oui, on était stressées parce qu'il y avait une pandémie et que notre situation financière s'est détériorée, mais tout ce qui était marcher dans la rue, aller en magasin, rouler en voiture, .... tout ce qui était à l'extérieur de la maison était plus agréable qu'en dehors du confinement.
Aussi, il y a le fait que beaucoup de choses ont été rendue plus accessibles, comme la possibilité de travailler ou d'étudier à distance, de faire des consultations téléphoniques, d'accéder à plus de choses en ligne, ... Ces choses-là ont rendu le monde plus accessible à certaines personnes invalides et plus paisible pour certain(e)s anxieuse/x.
Ce serait cool si ont pouvait garder cette accessibilité dans le futur
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