Cette semaine, le nouveau podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, parle du film Barbaque. L’article ci-dessous est une retranscription du podcast.
Aujourd’hui, j’aurais pu écrire une chronique sur la mégalomanie de Guillaume Canet qu’il étale sans vergogne dans son film Lui, mais j’ai réfléchi et décidé qu’il n’était point nécessaire de passer 4 minutes à tourner autour d’un nombril qui est déjà le centre du monde de son propriétaire.
J’aurais pu, du coup, écrire une diatribe sur les méchants détracteurs de Nicolas Cage, qui est pourtant excellent cette semaine dans le film Pig, mais je n’en ferai rien.
Non, aujourd’hui je n’aurais besoin de sel que pour mes rigatoni au butternut car je suis… de bonne humeur.
Ni extraordinaire, ni à chier, Barbaque est un film distrayant
Une fois n’est pas coutume : plutôt que de me livrer à la complainte, j’ai donc envie d’analyser (brièvement hein, j’ai déjà hâte de revenir à mon état de seum normal), le sentiment curieux d’être MESURÉE.
Un adjectif dont Fabrice Éboué m’a lui-même appris l’existence, non pas lors d’une conversation car je ne connais pas cette personne, mais bien grâce à son film Barbaque, dont on peut pourtant dire beaucoup de choses mais sans doute pas qu’il fait dans la demi-mesure.
C’est que voyez-vous, d’ordinaire j’ai seulement deux réactions quand je sors du cinéma :
- Soit je crie à l’adoration absolue — ce que j’ai fait avec Annette par exemple, qui est quoi qu’en disent les rageux sans goût le meilleur drame de l’année — et je retourne donc voir le film 612 fois jusqu’à ce que je me retrouve à sec et que je doive voler de l’argent à mon colocataire pour survivre (c’est faux bien sûr, il est graphiste, donc encore plus pauvre que moi).
- Soit je hurle simplement à l’abomination en me trempant les yeux dans l’absinthe, comme après avoir vu Venom 2.
Mais cette semaine, figurez-vous que je n’ai eu besoin ni de me ruiner ni de me provoquer une quatorzième cirrhose du foie car j’ai simplement trouvé le film CHOUETTE.
Ni foncièrement génial, ni parfaitement mauvais. Ni follement drôle ni totalement ennuyeux. Ni politiquement correct ni trop problématique.
De quoi parle Barbaque ?
Certains journalistes français, dans un élan d’obséquiosité, ont comparé Barbaque à un film de Tarantino, et bien que l’objet de la critique soit provocant et maîtrisé, j’irai quand même pas jusque là.
Barbaque, c’est plutôt une sorte de Sweeney Todd sous forme de farce grand-guignolesque qui raconte l’histoire de Vincent et Sophie, un couple de bouchers accros aux émissions de Christophe Hondelatte, dont la boutique est brigandée par un groupe de végans.
Dans une sacrée merde financière, ils trainent leur haine d’un bout à l’autre de leur ville jusqu’au jour où ils roulent accidentellement sur un activiste, au retour d’un diner chez des amis crypto-fascistes.
Plutôt que de dissoudre le corps dans de l’acide comme on a tous sagement appris à le faire en regardant Breaking Bad, Vincent le transforme en jambon, que Sophie vend par mégarde.
Coup de chance, cette nouvelle charcuterie plaît aux clients. Alors Vincent, en bon génie idiocrate, fait passer la chair de sa victime pour du cochon d’Iran, sauvé de justesse lors de la révolution islamique.
Ça, c’est la partie marrante et irrévérencieuse du film.
Ensuite, pour faire rouler leur nouveau business anthropophage, le couple se met à buter du végan pour en vendre la viande sous toutes ses formes, dans une avalanche de mollets au hachoir et de mains au mixeur qui ferait même flipper José Bové.
Barbaque, un pamphlet drôle et « pas méchant »
Barbaque, c’est donc un manifeste ouvertement anti-partisans absolus du véganisme, que notre Éboué national considère tout simplement comme des extrémistes alimentaires. Il explique dans les colonnes du journal 20 minutes :
Je me lâche sur l’humour noir mais je ne suis pas méchant. Je me moque de tout le monde de la même façon. Barbaque s’en prend aux extrémistes pas aux gens qui ont des convictions. Ce sont eux que je vise dans tous les domaines et pas seulement le véganisme.
Un peu facile, si vous voulez mon avis — et vous le voulez puisque vous êtes ici — de lâcher un « je ne suis pas méchant » pour toute justification à son pamphlet, mais si l’on part du principe que l’humoriste est de bonne foi et qu’il voulait simplement donner dans l’humour noir, force est de constater qu’il y est parvenu, car Barbaque : c’est drôle.
Pas tout le temps hein, il convient de dire la vérité, mais assez pour que je vous conseille d’aller le voir au cinéma.
Barbaque est une comédie gore réussie
Me considérant moi-même comme végane puisque je bois de la soupe de légumes au moins deux fois par semaine, je peux vous assurer qu’il est possible de comprendre ce mode de vie engagé ET d’aimer le film, d’autant qu’on sait très bien qu’Éboué a fait son beurre de la dissection — pas toujours réussie, soit dit en passant — des grandes thématiques sociétales d’aujourd’hui ou d’autrefois.
La religion avec Co-exister, l’esclavage avec son premier film et désormais le véganisme avec Barbaque : on en pense ce qu’on veut, mais le réalisateur n’a pas peur de plonger la tête la première dans la polémique, quitte à baigner dans le margouillis béta voire raciste, comme avec Case départ.
Bref, Barbaque, s’il commence par être quasi-hilarant, finit malheureusement en eau de boudin, la faute à un concept dont l’étirage est malheureusement poussif.
Mais peu importe, Barbaque a ceci de trop rare qu’il ose se tailler la part du genre en imposant à son public des scènes bien gores mais dont l’action est toujours tournée en dérision, comme dans C’est arrivé près de chez vous, de Benoît Poelvoorde, dont Éboué s’inspire largement.
Dans l’échoppe cinématographique d’Éboué, tout est donc sujet à comédie : le bien évidemment mais aussi le mal, l’abject, le répugnant et l’amoral.
Et si certaines de ses blagues ont le potentiel humoristique d’un relevé d’impôts, on ne pourra pas reprocher à l’artiste d’essayer, quoi qu’il arrive, de tirer sur la bienséance.
Finalement, Éboué, c’est un peu votre tonton mi-gênant, mi-fascinant qui lâche des caisses quand vous apportez à table la bûche de Noël, mais que vous invitez quand même l’année suivante.
Quoi qu’on pense de ses tirs à vue sur tout et surtout n’importe quoi, il faut reconnaître à cet homme qu’il m’a fait pondre une critique fondamentalement mesurée, et pour ça, je l’aime un peu plus que je ne suis vraiment végane.
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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