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Cinéma

Alix à Cannes, jour 1 — Festival de galères et cunnilingus en chanson

Alix n’avait qu’une hâte : se la couler douce sous les palmiers à Cannes pendant le Festival du film. Mais son épopée vers la Croisette lui en a fait voir de toutes les couleurs — dont celle de l’OVNI de Leos Carax, Annette, présenté en ouverture !

6 juillet 2021. Le réveil sonne à 4 heures 30, et la snoozeuse qui m’habite usuellement quitte mon corps. Je me lève d’un bond.

Aujourd’hui, je pars célébrer mon amour pour les écrans démesurés : je vais couvrir le Festival de Cannes 2021 pour Madmoizelle ! Joie et bonheur m’emplissent, car je ne sais pas que l’impitoyable Croisette me réserve quelques surprises loin d’être toutes agréables…

Attention, vous êtes prévenues, Alix Martineau présente : la complainte de la drama queen privilégiée, épisode 1. Bienvenue !

Boloss un jour, boloss toujours ?

On dit souvent de moi que j’ai la poisse et que je collectionne les vies de boloss. « Ça n’arrive qu’à toi ce genre de trucs », me balance-t-on en riant. Mais moi, très sérieusement, je pense que j’ai de la chance, parce que malgré tout ce qu’il m’arrive, je suis encore vivante.

Il est toujours 4 heures 30 et l’intégralité de ma garde-robe m’empêche de fermer une valise trop grande pour les cinq jours de voyage qui m’attendent. À moitié nue, après la douche la plus rapide de mon existence, je tente une ultime prise de catch. La fermeture résiste encore à ma poigne féroce quand mon téléphone sonne. Le Uber que j’ai commandé m’attend en bas.

Il n’est que 4 heures 45.

Malgré mes supplications, le chauffeur refuse de m’attendre. Alors, verte de stress et fagotée comme un burrito pas frais, je m’élance, mèche imbibée de sébum au vent, à la recherche d’une nouvelle voiture pour me mener à la gare de Lyon. Mon arrivée à Cannes sera marquée par mon manque de cohérence stylistique, tant pis.

Après de longues minutes à maugréer qu’Uber est une entreprise démoniaque et que, promis, je me mets au vélo-remorque dans la semaine, mon chauffeur débarque enfin. Les quelques minutes que nous passons à échanger des banalités covidesques suffisent à me sortir de ma concentration : j’oublie mon casque dans son tacot. Pratique pour monter des podcasts dans le train !

Je m’installe à la place 688 d’un Ouigo blindax au max, entre un chien qui couine et un enfant qui pleure. C’est parti pour six heures ! Eh non, sept, puisque, forcément, la SNCF en a ELLE AUSSI après moi.

Mais la vue mer du TER Marseille-Cannes a le don de m’apaiser. Si les prochains jours s’annoncent intenses, je sais qu’au moins, je laisse le mauvais temps aux rageux parisiens. What a pleasure.

La Croisette m’a dans le viseur

Ah ! Cannes ! Enfin chez moi !

Je me pose dans un Airbnb avec terrasse qui saura parfaitement accueillir toutes mes lamentations face caméra pour le vlog en IGTV que je réalise chaque jour (direction l’Instagram de Madmoizelle pour en profiter). Je profite de ce moment d’accalmie pour envoyer 800 messages désespérés visant à tenter d’obtenir, je vous en supplie, une interview avec Virginie Efira — ou, je vous en conjure, cinq minutes d’entrevue avec Marion Cotillard.

Comme se prendre des gros vents ne tue pas (même si je ne me suis pas non plus sentie plus forte), j’ai décidé de m’accorder une pause coiffeur dans le Camille Albane cannois. Impossible pour moi de négocier la coupe-brushing en dessous de 80€, en grande partie parce que je n’essaie même pas.

C’est donc le portefeuille en réanimation que je fonce chercher le Graal : l’accréditation, ce trésor de plastoc qui me permettra de rentrer dans toutes les projections du Festival.

Du moins, je croyais !

Voilà des jours que je me débattais avec la billetterie dématérialisée d’un Festival respectueux des gestes barrières, espérant obtenir ne serait-ce qu’un quart de strapontin sale et râpeux dans le grand auditorium Louis Lumière pour assister à la Cérémonie d’ouverture.

Je rêvais de voir Jodie Foster recevoir sa Palme d’Or d’honneur remise par Pedro Almodovar, Spike Lee débarquer en tailleur rose pour présider le jury du Festival, Bong Joon-ho déclarer la 74e édition ouverte, Leos Carax, Adam Driver et Marion Cotillard présenter leur Annette… 

Mais je ne faisais que rêver, en effet. Il est 17 heures 30, le verdict tombe : la cérémonie ne veut pas de moi. Comment est-il seulement possible de se faire recaler dans un habit de lumière tel que celui que j’avais enfilé tant bien que mal dans les toilettes d’un bar de plage trop cher ?!

La panique monte d’un cran, mon palpitant s’emballe : cette journée sera-t-elle placée sous le signe de la défaite absolue ?

Annette de Leos Carax, l’OVNI d’ouverture du Festival de Cannes

Heureusement, je parviens in extremis — et à grands coups de forcing — à me dénicher une place pour la séance presse dans la salle Debussy, à côté de l’auditorium Louis Lumière. Bon, la cérémonie sera retransmise sur un écran, mais je me console en me disant que celui-là est plus grand que ma télé.

Vient enfin mon moment préféré au monde : le calme se fait, les lumières se tamisent jusqu’à l’extinction, et ça y est… le film d’ouverture du festival est lancé. Neuf ans après Holy Motors, Leos Carax revient présenter Annette, une comédie musicale sous acide, à un public qui l’attendait impatiemment.

« Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie. »

Dites au revoir au quatrième mur, Annette est un OVNI qui prend le monde pour une scène, et inversement. En ça, le film était la parfaite ouverture du Festival (surtout après le discours d’ouverture de Doria Tillier sur la magie du cinéma), car il nous prévient immédiatement : ce que nous allons voir est un mensonge, une farce, un spectacle complet !

Ce monde surréaliste (ou cette scène ?) dans lequel les rires sont des coups et des cris, où l’on peut mourir tous les soirs tant qu’on vit, où l’on a pied au large dans une mer déchaînée et où les bébés sont des marionnettes qui chantent, ne semble pourtant pas éloigné du nôtre.

Entouré de Marion Cotillard et d’Adam Driver, Leos Carax décide de prendre le contrepied de ces deux chouchous du cinéma aux corps ultra cinégéniques pour en faire des monstres grotesques, allégories du succès qui va et vient, de la célébrité et de tous ces excès. Et il en profite aussi pour faire chanter Adam Driver en plein cunni — une première dans les comédies musicales, si je ne m’abuse !

La naïveté propre aux paroles de la comédie musicale contraste avec la gravité des sujets abordés : féminicide, libération de la parole autour du harcèlement sexuel, manipulation, ou encore exploitation d’enfants. Et avec Spike Lee en président du jury, on n’attendait pas moins politique que cette première projection.

Pas joyeux joyeux, et pourtant, l’ambiance est à la fête, immense et tragique.

Seule ombre au tableau : la perspective masculine un peu trop appuyée, quand on pourrait attendre d’un film nommé Annette qu’il s’attarde un peu plus sur les femmes qui le constituent. Il faut tout de même le noter.

À demain pour de nouvelles aventures cannoises, et moins de galères j’espère !

À lire aussi : Adam Driver serait-il aussi sexy sans cette voix inoubliable ?


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