Ç’aurait pu n’être qu’un scandale de plus pour Balenciaga sous l’ère Demna Gvasalia. Pourtant, cela pourrait bien être celui de trop. Suite à la polémique de sa double-campagne en novembre 2022 mettant en scène des enfants avec des sacs-ours en peluche BDSM d’un côté, et une décision de justice sur la pédopornographie de l’autre, le directeur artistique de la maison prend enfin la parole dans les médias.
Demna Gvasalia explique ses raisons du scandale
Bref rappel des faits. La marque avait d’abord avancé sa volonté de porter plainte contre le scénographe Nicholas Des Jardins concernant l’inclusion de « ces documents non validés, résultat d’une négligence irresponsable » le 29 novembre. Fusible utile ? D’abord resté mutique, le directeur artistique Demna Gvasalia avait ensuite publié un communiqué d’excuse sur son compte Instagram le 2 décembre, bientôt suivi par le PDG de la maison Cédric Charbit. Celui-ci annonçait renoncer au procès contre le scénographe (« Notre enquête a révélé qu’il n’y avait pas eu de coup monté ou d’acte malveillant, auquel cas nous avons immédiatement interrompu l’action [en justice] ») et la mise en place d’un partenariat avec des associations de protection de l’enfance. Eh bien, trois mois après l’explosion du scandale, on en sait enfin davantage.
Après ces méthodes de communication unilatérale, voilà que Demna Gvasalia répond maintenant aux questions de Vogue dans un article (notons au passage qu’il n’est pas signé…) publié le 9 février 2023. La veille, Balenciaga et la Fondation Kering (groupe de luxe qui détient la maison) ont informé s’associer à la National Children’s Alliance (NCA) pour son Institut de santé mentale infantile récemment lancé pour les trois prochaines années. Cette interview apparaît donc comme une opération bien rodée. Rappelons au passage que Kering s’affirme comme un annonceur de poids chez Vogue, c’est-à-dire que le groupe de luxe achète de nombreuses pages de pubs dans le magazine, ce qui lui donne un certain poids économique pour la santé du titre, donc crée forcément une dynamique de pouvoir sur le contenu qui y est proposé…

« Les sacs-ours en peluche font référence à la culture punk et bricolage, absolument pas BDSM »
Cela éclaire sans doute la légèreté des réponses de Demna Gvasalia. Il se permet ainsi de dérouler que, selon lui, « les sacs–ours en peluche font référence à la culture punk et bricolage, absolument pas BDSM », avant d’expliquer comment ils en sont arrivés à les associer à des enfants, et de renouveler ses excuses. Il poursuit :
« Je me rends compte que mon travail a été perçu comme provocateur, mais cette situation spécifique ne ferait jamais partie de ma nature, vous savez, provocatrice. C’était la chose la plus difficile pour moi personnellement : comment ai-je pu ne pas voir [le problème] ? Parce qu’il est si clair pour moi maintenant que c’était la mauvaise chose à faire. Je veux dire, on m’a traité de choses terribles, ce que je ne suis pas, et Balenciaga ne l’est pas. C’était difficile en plus de l’horreur d’être associé à ce problème [de maltraitance d’enfants]. »

« Le nom de Balenciaga et l’héritage de Cristóbal Balenciaga sont ceux que je chéris »
Concernant la présence de documents compromettants, Demna Gvasalia ajoute : « C’était un ensemble de coïncidences négligentes et malheureuses mais pas intentionnelles. » Il le martèle, même si les campagnes (celle avec les enfants et celle avec la décision de justice sur la pédopornographie) sont sorties à quelques jours d’intervalle, elles ne seraient pas liées, selon lui :
« Quand le scandale a été déclenché [par les documents et les accessoires], j’étais comme, tout le monde, mon équipe était choquée. Je ne sais pas comment ils se sont retrouvés là. Ils n’étaient pas censés être là. J’étais complètement abasourdi. »
Demna Gvasalia enchaîne ensuite sur sa volonté de rendre hommage à l’héritage stylistique de Cristóbal Balenciaga (1895-1972), fondateur de la maison pour laquelle il exerce aujourd’hui en tant que directeur artistique :
« C’était surtout douloureux pour moi parce que je ne pouvais pas tout expliquer, mais aussi, le nom de Balenciaga et l’héritage de Cristóbal Balenciaga sont ceux que je chéris et pour lesquels j’ai le plus grand respect et fascination. »

« Le show consistera davantage à montrer la collection qu’à créer un moment »
Ce scandale aurait même permis à Demna Gvasalia de revenir aux bases pour la prochaine collection, au vêtement plutôt qu’à sa mise en scène, comme il le conclut auprès de Vogue toujours :
« Il ne s’agit pas de créer une image ou un buzz ou l’une de ces choses. Je me remets à faire des vestes. C’est là que cette maison a commencé, et c’est là que j’ai commencé en tant que designer. […] L’aspect provocateur de mon travail a souvent été mal interprété et mal compris, et je n’ai plus envie de l’appliquer à mes créations. […] Le show consistera davantage à montrer la collection qu’à créer un moment. J’ai réalisé que cela peut détourner beaucoup d’attention de mon travail actuel, qui consiste à confectionner des vêtements. Je veux m’assurer que c’est ce que les gens regardent, car je pense que ma valeur en tant que créatif est de concevoir le produit et non d’être un showman. »
Annoncer un partenariat sur plusieurs années avec des associations de protection de l’enfance, la création de cellule de vigilance en interne pour les visuels de la marque, et un retour à l’héritage de la maison, telle est la stratégie de sortie de crise annoncée par Demna Gvasalia à la veille de la Paris Fashion Week femme automne-hiver 2023-2024 du 27 février au 7 mars.
Crédit photo de Une : Capture d’écran Instagram de Vogue France.
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