Le 23 février 2018, Annihilation, le nouveau bébé du réalisateur d’Ex Machina, sortait aux États-Unis. L’Hexagone est, de son côté, privée d’une diffusion au cinéma.
Il faudra malheureusement se contenter d’un visionnage sur Netflix, ce qui forcément retire à l’œuvre un peu de son côté spectaculaire.
Hier soir, le 12 mars, j’ai toutefois cédé à l’appel d’Alex Garland (ce génie), après avoir vu 2639 publicités sur son film à la télévision, dans le métro, sur les bus.
Même mon cerveau rêvait d’Annihilation.
Et il avait raison.
Voilà 3 raisons de simuler un malaise pour rentrer chez toi et te jeter sur Netflix.
Annihilation a une intrigue aussi bien ficelée qu’un rôti
Annihilation s’ouvre sur le visage épuisé de Natalie Portman, dans une chambre stérile. Combien de temps est-elle restée « là-bas » ? C’est la question que lui pose un type en combinaison, à l’air aussi aimable qu’une porte de prison.
« Là-bas », ça a l’air d’intriguer tout le monde. De faire flipper tout le monde, même.
Et pour cause…
Petit flash-back : Natalie Portman campe Lena, une biologiste et ancienne militaire très calée. Son mari a disparu depuis un an, et personne ne parvient à lui donner le moindre renseignement sur son potentiel positionnement.
C’est que vois-tu, son mari aussi est militaire.
Lorsqu’il finit par rentrer, il se met à souffrir d’un mal étrange, qui lui fait cracher tout son sang.
Pour lever le voile sur ce qui est arrivé à son époux, Lena participe à une mission top secrète, dans une zone où un mystérieux et sinistre phénomène se propage le long des côtes américaines.
LA zone d’où son mari revient.
Une fois sur place, toutes les femmes de l’expédition souffrent d’une sévère désorientation. Elles découvrent vite que les créatures qui hantent les lieux ont subi d’importantes mutations.
En dépit de la beauté des paysages, le danger règne. Elles le savent. Il peut venir de partout mais aussi d’elles-mêmes…
Annihilation, c’est un film aux rebondissements constants, qui aime jouer avec nos nerfs.
Un récit parfaitement maîtrisé, à tel point qu’il pourrait être un cas d’école.
Annihilation et son esthétique léchée
Lors de sa sortie en salles le 23 février aux Etats-Unis, Annihilation a fait sensation.
The Guardian en parle comme « un des meilleurs films de l’année » tandis que les spectateurs révèlent aux caméras de télévision : « ça m’a laissé sans voix »
, « un film bluffant ».
Je suis d’accord à 100 % avec ces avis. Autant pour la raison préalablement citée que pour le côté spectaculaire de son enveloppe.
Annihilation s’offre dès les premières minutes des effets spéciaux splendides qui appuient la dimension presque plus onirique que cauchemardesque des décors.
Chaque image est soignée, chaque plan est sublime. Rien n’est laissé au hasard, des animaux en mutation aux paysages en passant par les errances introspectives des personnages.
De A à Z, le voyage respecte sa mystérieuse promesse. Il fait frémir les personnages et les téléspectateurs, qui finissent aussi déboussolés que le casting d’héroïnes.
Annihilation et sa dimension métaphorique
Un film n’est jamais juste un film. Je suis convaincue que chaque long-métrage, comme chaque projet artistique, a toujours mille lectures.
Libre à nous d’y voir ce qu’on y veut. L’art est propice au développement de notre subjectivité.
Et selon moi, Annihilation n’est pas une simple réflexion sur « qu’est-ce qu’on ferait en cas de catastrophe qui menace le monde ».
Annihilation est davantage une proposition sur la dépression, comme le suggère une journaliste du magazine Vulture, qui fait du film une lecture psychologique.
Une idée qui m’a effleuré l’esprit dès les premières minutes du visionnage. En effet, les héroïnes du film n’ont rien à perdre…
Qu’elles soient alcooliques, malades ou en deuil, elles portent en tout cas un lourd fardeau qui les encourage à foncer tête baissée dans l’aventure périlleuse.
Très rapidement, les avis ont déferlé sur la Toile. Et plusieurs encourageaient cette théorie :
https://twitter.com/DrPsyBuffy/status/969746844879343616
« J’ai vu Annihilation aujourd’hui. Le film entier est une métaphore de la dépression ; les créatures sont l’incarnation du chagrin, du traumatisme et de la lutte de chaque femme. Je suis admirative. »
Le phénomène de désorientation que le film décrit est souvent symptomatique de la dépression.
Lorsqu’on recoupe les témoignages de personnes qui en ont souffert, le constat est souvent unanime : la dépression, si on en ressort, c’est changé·e à jamais.
C’est ce qui se passe précisément dans « La Zone ». On y rentre. Et soit on n’en sort pas, soit on en sort… différent·e.
Qu’on soit d’accord avec cette analysé métaphorique ou non, le film vaut le coup d’oeil.
Car Annihilation, c’est un voyage intérieur très riche.
Annihilation et ses héroïnes
Si les hommes sont présents au début du film — ceux sont eux qui interrogent l’héroïne (ça n’a l’air qu’anecdotique, mais ça veut dire beaucoup pour la symbolique du produit entier) — ils s’effacent très rapidement.
Le coeur de l’intrigue n’est tenu que par des femmes (Natalie Portman, Jennifer Jason Leigh, Gina Rodriguez, etc).
Alors que dans quasiment tous les longs-métrages de science-fiction ou d’action, on envoie des hommes musclés et virils dans des zones à risques effectuer des missions périlleuses, seules des femmes osent ici franchir la frontière de « La Zone ».
Elles sont toutes très différentes mais portent toutes un fardeau qui leur est propre. Elles sont scientifiques, brillantes, courageuses et badass.
Alex Garland fait donc un sacré pied de nez aux a priori et ne mise que sur des profils qu’on voit peu au cinéma. Des profils de femmes vraies, non-sexualisées (ou peu), et psychologiquement affectées.
Des personnages profonds et denses, qui réalisent un voyage introspectif déroutant.
Franchement, j’ai été bluffée.
Pour toutes ces raisons et pour mille autres encore, que je n’ai malheureusement pas le temps de t’expliciter, je te conseille de bloquer 2h de ta soirée pour regarder Annihilation.
C’est un oiseau rare, un oiseau mutant. Si tu veux mon avis, il aurait mérité une distribution au cinéma, mais je ne peux pas refaire le monde…
Alors soyons simplement heureuses de jouir aujourd’hui des commodités nécessaires pour regarder de telles merveilles directement chez nous.
La culture s’invite dans nos foyers. Et cette semaine, elle est précieuse. Chérissons-la.
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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