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Source : Workin' Moms / Netflix
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Allaitement et travail : les entreprises toujours à la traîne

Les entreprises soutiennent-elles suffisamment leurs employées allaitantes ? Et celles-ci font-elles valoir leurs droits ? Une enquête a été menée auprès de 865 salariées françaises, sur leur expérience de l’allaitement ou du tire-allaitement au travail.

Cette année, la semaine mondiale de l’allaitement maternel est sur le thème de la conciliation allaitement et travail. Dans ce cadre, VanillaMilk, une plateforme d’information et de mise en relation sur l’allaitement, a mené l’enquête sur ce sujet.

À lire aussi : Bienvenue en 2023, où l’on veut encore nous faire croire qu’allaiter dans l’espace public est un délit en France

Des conditions insuffisantes…

L’enquête de VanillaMilk a été menée sur LinkedIn au mois de septembre, et seuls 3 % des répondants ont participé en tant qu’employeurs ou responsables hiérarchiques. Ce sont donc plutôt les employées, elles-mêmes, qui ont pris part à cet état des lieux.

Sur ce panel, seules 3 salariées sur 10 ont pu bénéficier d’un soutien de leur entreprise pour poursuivre leur allaitement. Certaines évoquent même une mise à l’écart, voire un harcèlement moral. Elles sont aussi plus de 15 % à avoir dû tirer leur lait dans les toilettes, faute de mieux.

Nombreuses sont les répondantes à avoir préféré ne pas aborder le sujet avec leur employeur, se débrouillant seules, ou prolongeant leur absence par le biais d’un congé parental, d’un solde de congés, ou d’un congé pathologique. Pourtant, le Code du travail accorde deux pauses non rémunérées de 30 minutes par jour, afin que les employées puissent tirer leur lait ou allaiter leur enfant, pendant toute la première année.

Marie a tiré son lait pendant 3 mois et demi à sa reprise du travail. En déplacements au quotidien chez des clients, la logistique a été compliquée à mettre en place. « J’ai prévenu mon responsable avant ma reprise, j’avais initialement demandé à n’avoir que des missions à la demi-journée, pour pouvoir tirer chez moi en début et fin de matinée. Il était d’accord, mais ça n’a tenu que quelques semaines avant qu’il me renvoie systématiquement en déplacements à la journée. »

Marie devait donc s’organiser chaque jour avec de nouveaux clients, qui n’étaient pas prévenus en avance, en leur demandant une salle pour tirer son lait pendant sa pause déjeuner. « Ça a donné des conditions allant de parfaites, installée à l’infirmerie, à franchement pas top, dans une salle sans chauffage en plein hiver. Et quand j’étais dans les locaux de mon entreprise, je m’installais dans les toilettes PMR, car c’était le seul lieu non vitré et au calme. Parfois, je tirais aussi dans ma voiture. 

Je ne me suis pas sentie soutenue par mon entreprise, et mon bien-être en a pris un coup. C’est lassant de faire valoir ses droits, jour après jour, et je suis persuadée que ces conditions de tirage peu adaptées ont contribué à écourter mon allaitement. Je ne pouvais tirer qu’une fois par jour alors qu’il aurait fallu que je le fasse deux fois. J’ai eu de plus en plus de mal à tirer suffisamment pour remplir les biberons pour la crèche. Après un ultime tirage qui n’a quasiment rien donné, j’ai décidé d’arrêter, et de passer en allaitement mixte. Ça n’a pas suffi à maintenir l’allaitement, mon bébé pleurait de faim après les tétées, je l’ai donc définitivement sevrée à 8 mois, un mois seulement après avoir arrêté de tirer. »

À lire aussi : Semaine mondiale de l’allaitement : peut-on donner le sein sur ses heures de travail ?

Raphaëlle a tiré son lait pendant 4 mois, au travail, et n’a pas osé en parler à sa supérieure. « Ma supérieure n’est pas sur la même agence que moi, on a assez peu de contact, et je n’ai jamais rencontré les ressources humaines. Je ne savais pas trop à qui m’adresser pour avoir une salle, les RH m’ayant dit de voir sur place. J’avais aussi peur d’être jugée, étant donné que ma fille avait « déjà » 7 mois. Comme toutes les salles sont vitrées, j’ai tiré dans les toilettes. »

Elle n’a, malheureusement, pas très bien vécu ces conditions de tirage. « C’était propre, et j’avais accès à un point d’eau, mais je n’étais pas très bien installée, je n’arrivais pas à me mettre dans ma bulle, et j’ai eu l’impression que cela jouait sur ma production de lait, qui était plutôt faible par rapport aux besoins de ma fille. »

… par manque d’information et de communication

91 % des répondantes n’ont jamais vu d’information mentionnant l’allaitement maternel au sein de leur entreprise, et 78 % n’ont pas bénéficié de dispositif de soutien à la parentalité. Pour Stéphanie Habenstein, fondatrice de VanillaMilk, une communication passive de la part de l’employeur pourrait pourtant faire bouger les lignes.

« Les mamans n’osent pas forcément parler à leurs employeurs de leur souhait de tirer leur lait, et les employeurs pensent que ce n’est pas à eux d’en parler. Mais sans communication, rien ne bouge depuis des années. On dit parfois que la solution serait d’allonger le congé maternité, mais beaucoup de mères ne le souhaitent pas. Certaines optent donc pour un allaitement court, parce qu’elles se disent que ce n’est pas compatible avec le milieu professionnel. Une simple mention de l’allaitement dans le cadre d’une politique de soutien à la parentalité en entreprise ouvrirait pourtant une porte pour ces mamans, qui se sentiraient légitimes à demander une salle où tirer leur lait. »

Mais l’allaitement est justement le grand absent des politiques parentales en entreprise. « J’ai discuté avec de nombreuses personnes qui accompagnent les entreprises, dans le cadre de politiques de soutien à la parentalité, et aucune n’aborde le sujet de l’allaitement. »

Le tableau est-il tout noir pour autant ? Est-ce forcément un combat de souhaiter poursuivre son allaitement en tirant son lait au travail ? Stéphanie Habenstein se veut rassurante.

« L’objectif de cette enquête est à la fois de valoriser les entreprises qui parlent ouvertement d’allaitement et facilitent sa poursuite après le congé maternité, et d’inspirer d’autres entreprises. Il est tout à fait possible d’allaiter en entreprise, mais on n’en parle pas. On a beaucoup de témoignages de personnes ayant rencontré des difficultés, mais on entend peu celles pour qui ça s’est bien passé, pourtant il y en a. Je souhaite justement montrer le positif, et ce qu’il est possible de faire. »

Comment mieux accompagner les salariées allaitantes ?

Pour Stéphanie Habenstein, les RH ont un réel intérêt économique à accompagner les salariées allaitantes. Selon l’enquête, 30 % d’entre elles préfèrent trouver un moyen de prolonger leur congé maternité, pour poursuivre leur allaitement, ce qui n’est pas dans l’intérêt des entreprises.

Pour indiquer que la parole est ouverte en interne à ce sujet, les entreprises peuvent donc mettre en place un affichage physique faisant mention de l’allaitement maternel. Cette information peut aussi être indiquée sur l’intranet, sur l’espace dédié au bien-être des salariés ou au soutien de la parentalité. De la documentation peut également être donnée aux salariées avant leur départ en congé maternité.

À lire aussi : Les mères allaitantes continuent d’être discriminées dans l’espace public

Au niveau des conditions de tire-allaitement, une salle qui ferme à clé, et à l’abri des regards, doit également pouvoir être mise à disposition des employées qui en font la requête. Et les entreprises peuvent même aller plus loin en installant un frigo, ou encore en n’annulant pas la rémunération des pauses allaitement. Du côté des mères, elles doivent pouvoir se sentir libres d’aborder le sujet, dès leur grossesse, auprès de leur responsable hiérarchique ou des ressources humaines.

Pour Marie, la clé pour qu’un tire-allaitement au travail se passe bien est de s’imposer pour faire valoir ses droits, mais aussi de bien s’équiper. « Il faut une bonne glacière pour conserver le lait tiré jusqu’à la maison, et surtout un tire-lait nomade performant ! »


Les Commentaires

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Avatar de Kettricken
19 octobre 2023 à 15h10
Kettricken
Tout comme Raphaelle, il n'y avait que des pièces avec des portes vitrées dans mon entreprise. Mais je ne voulais pas aller dans les toilettes (d'autant qu'il y en a très peu pour le nombre de personnes présentes, ça aurait fait jaser/raler ). Donc tous les jours, je scotchais un graaaand papier blanc devant la vitre (genre les feuilles qu'on utilise en réunion sur des chevalets pour faire des graphes), je fermais les stores et je bloquais la porte avec une chaise
J'ai fait ça 2-3 mois.
J'ai appris après que des collègues avaient remarqué mon manège et pensaient que je bossais sur un projet top secret
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