Le 21 septembre 2019
Cet article spoile l’intégralité de la série Stranger Things jusqu’à la saison 3.
La saison 3 de Stranger Things m’a beaucoup déçue, et je ne suis pas la seule à ressentir cela.
À la fin, la supposée mort de Hopper ne m’a fait ni chaud ni froid. Déjà, je m’y attendais, et puis finalement, je ne trouvais ça pas plus mal qu’il meure bon un coup…
Pourquoi étais-je passée de l’amour à l’indifférence envers ce personnage ? Une vidéo de l’excellente chaîne Pop Culture Detective a mis les mots sur mes maux.
Le danger de la nostalgie dans Stranger Things saison 3
La série Stranger Things est bien connue pour être une lettre d’amour à la pop culture qui fait constamment référence à, voire reproduit librement des scènes de films ou de séries des années 1970 et 1980.
Dans cette vidéo de la chaîne Pop Culture Detective, les dangers de la nostalgie pour les personnages masculins est très bien expliquée.
La nostalgie est une émotion forte qui s’appuie sur la mélancolie d’un temps passé. Qui dit temps passé, dit retour à une époque qui n’a pas encore subi les évolutions actuelles.
Et cet hommage, aussi beau soit-il dans Stranger Things, s’il apparaît sans un filtre critique contemporain, peut poser problème.
C’est le cas dans la saison 3, avec le personnage de Hopper qui y incarne une masculinité toxique entretenant une vision des relations amoureuses sérieusement datée.
Le Hopper que j’aime dans les deux premières saisons de Stranger Things
Hopper apparaît dès la saison 1 comme un personnage touchant, qui se place du côté des « gentils ».
Un peu ours, il a tendance à régler les problèmes à l’aide de ses poings plutôt que de la justice, dont il est pourtant officier.
Son comportement de tendre bourru est vite expliqué par les drames qu’il a vécus : la perte de sa fille et l’échec de son mariage.
Son arc narratif tend pourtant vers le mieux quand il retrouve goût à la vie grâce aux relations qu’il noue pendant la recherche de Will.
La saison 2 observe Hopper continuer dans cette voie.
Il confronte ses peurs en tentant aussi d’être de nouveau un père, pour Eleven.
Même s’il perd parfois patience et essuie quelques échecs dans l’éducation de la jeune fille, il reste un personnage touchant sur la voie de la guérison.
Il se bat moins, se tient plus loin de l’alcool et sa relation avec Joyce est douce : il est à l’écoute.
À la fin de la saison 2, il se rend complètement vulnérable face à Eleven. Il lui avoue qu’il a peur pour elle, et reconnaît ses torts dans une scène qui m’a laissée très émue.
Certes, Hopper est un personnage plein de défauts, mais en ayant accès à son côté introspectif, j’ai pu être témoin de ses efforts.
La régression de Hopper dans la saison 3 de Stranger Things
Puis, tout change dans la saison 3. Tous les progrès jusque-là accomplis s’évaporent…
Hopper devient, et ce dès le début de la saison 3, un homme aussi agressif verbalement que physiquement.
Pourquoi ce changement radical ?
Il semblerait que ce soit la faute à la nostalgie.
Pour commencer, son style s’inspire fortement du personnage de Tom Selleck, de Magnum qui n’est pas le premier exemple de masculinité positive.
Mais après tout, c’est l’époque qui voulait ça !
Hopper est cependant un personnage contemporain. Voir toutes ses améliorations, tous ses efforts s’évaporer au profit d’une volonté de rendre un hommage à l’archétype du flic des années 80 façon Die Hard me désole un peu.
Ses interactions avec Joyce relèvent d’une dynamique très peu saine, censée insinuer qu’une tension sexuelle se développe entre les deux…
Mais souvent à Hollywood, ce qui est considéré comme le signe d’un désir latent est en réalité le signal d’alarme d’une relation toxique.
Dans les années 80, les relations love-hate se retrouvaient dans toutes les comédies romantiques, que ce soit dans When Harry Met Sally, Moonlighting
ou même dans L’Empire contre-attaque, entre Leïa et Han Solo !
Une masculinité malsaine dans Stranger Things saison 3
En voulant ramener à la vie ce genre de personnage, la série déterre aussi beaucoup de comportements et d’attitudes malsaines.
Le nouveau Hopper est un personnage dominant, sans aucune patience pour les femmes de sa vie, toujours sur le point d’exploser…
Son objectif principal est de réussir à flinguer la relation amoureuse d’Eleven et de Mike, ignorant Joyce qui tente de le calmer en lui intimant de communiquer avec sa fille (ce qu’il faisait déjà pourtant en saison 2).
Hopper en saison 3, c’est le patriarcat qui reprend le dessus, avec l’idée que les jeunes femmes ne savent pas prendre de bonnes décisions et que d’autres hommes plus âgés doivent le faire pour elles.
Comme Hopper a régressé, il revient à ce stade d’homme incapable de s’exprimer. Sa solution redevient donc la violence, avec laquelle il s’en va intimider Mike.
À travers la saison 3, ses accès de rage se multiplient pour coller à une image de mec viril qui a du mal à se contrôler physiquement.
Un vrai bonhomme, quoi…
Mais jamais ces manifestations de violence ne sont pas vraiment prises au sérieux par la mise en scène, qui tend à les dédramatiser.
La relation abusive entre Hopper et Joyce dans la saison 3 de Stranger Things
Sa relation dysfonctionnelle avec Joyce est une autre manifestation de la régression de Hopper.
Alors même que Joyce dit qu’elle n’est pas intéressée par une relation amoureuse avec lui, il tente de la forcer à venir à un rendez-vous galant en lui faisant croire que ce n’en est pas un.
Quand elle ne vient pas au date qu’il s’est inventé tout seul, Indiana Jones 2019 est vexé comme un pou !
Dans les deux autres saisons, le policier avait appris à respecter les intuitions de Joyce qui s’étaient toujours avérées fiables. En saison 3, il tourne ses arguments en ridicule…
Il devient aussi très possessif avec elle, et tente de contrôler ses relations avec les autres hommes, en jouant notamment le jaloux quand elle parle d’Alexei.
Le problème, c’est qu’au lieu de faire de cette relation un signal d’alarme, la série en fait un arc narratif amusant qui invite à prendre les paris : bon alors, ils vont se mettre ensemble ou merde ?
La mise en scène de leur relation peu respectueuse renforce l’idée, déjà bien ancrée dans l’imaginaire collectif, que maltraiter l’autre est un symbole d’intérêt amoureux.
Elle diminue donc l’importance de la violence psychologique, verbale, et émotionnelle, qui peut être aussi traumatisante que la violence physique.
Hopper n’a pas besoin d’une Joyce pour le calmer, mais d’un psy pour le soigner.
La masculinité toxique trop souvent mise en valeur
Si jusqu’au dernier moment j’ai espéré que les auteurs de la série fassent un commentaire critique sur les relations abusives, le dernier épisode m’a prouvé que ce n’était pas dans leurs plans.
Dans une reprise point par point des rom com des années 80, Joyce répond à l’attitude agressive de Hopper par… une invitation à dîner. Perpétuant ainsi l’idée que l’agressivité est un signe de désir, ou d’amour.
Il existe peu de relations saines illustrées à l’écran, et pourtant Stranger Things nous en a déjà offert une : Bob et Joyce dans la saison 2 !
Bob est aimant, affectueux, écoute Joyce, et respecte ses sentiments, mais il communique aussi très bien ses propres désirs (c’est donc l’exact opposé de Hopper dans la saison 3).
Cette relation est si peu habituelle pour nous spectatrices que moi-même, j’ai pensé que Bob cachait quelque chose derrière toute cette gentillesse !
J’ai toujours été habituée à voir les grands gentils retourner leur veste au dernier moment, ou alors, comme dans Stranger Things, à les voir mourir pour laisser place aux personnages plus complexes, plus « intéressants ».
Si une attitude abusive est si difficile à percevoir dans la vraie vie, c’est parce que ces comportements sont souvent adoptés sur nos écrans par les « gentils », qui cachent leur toxicité derrière des traits de caractère par ailleurs chevaleresques.
Leur comportement abusif n’est pas constant, il intervient par vagues précédées de moments de douceur, et suivies de moments de remords et d’excuses…
La fin de Stranger Things saison 3 tente d’ailleurs de nous rappeler qu’au fond, Hopper n’est pas si mauvais, puisqu’il sacrifie sa vie pour sauver tout le monde.
Mais pour des personnages comme Hopper, ce grand geste héroïque n’est qu’un raccourci scénaristique vers la rédemption, qui le dispense du long travail personnel qu’il faudrait accomplir pour qu’il change réellement.
Ainsi, avec son sacrifice et sa lettre lue en voix-off à Eleven, Hopper n’a même pas besoin de demander pardon pour son comportement, car sa potentielle mort altruiste l’excuse.
Quel destin pour Hopper en saison 4 de Stranger Things ?
Le problème n’est pas que certains personnages masculins soient violents, ou aient parfois un comportement malsain : ce sont des défauts humains, qui valent la peine d’être portés à l’écran.
La vraie question reste : comment sont mis en scène ces défauts ?
Ces comportements toxiques sont-ils romancés, excusés ou rationalisés ? Ou sont-ils présentés comme de vrais problèmes à régler ? Les hommes représentés sont-ils amenés à grandir et changer durant le film ou la série ?
Cependant, en recherchant absolument la nostalgie, Stranger Things a oublié de faire une critique de ce qu’ont pu être ces héros masculins des années 70 et 80, même si à la fin de la saison 2, Hopper semblait s’éloigner de cet archétype.
Alors, pas de raison qu’en saison 4, s’il n’est effectivement pas mort, Hopper ne revienne pas plus doux qu’un agneau et que la saison 3 ne reste qu’une incartade vite oubliée…
À lire aussi : Et si Eleven était la prochaine grande méchante de Stranger Things ?
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Les Commentaires
Ce que tu décris je l'associe plutôt à Billy. Hopper ne se sacrifie pas vraiment. Il se retrouve coincé (bon après s'être battu avec le Terminator russe) et meurt par conséquence après avoir fait un petit sourire à Joyce horrifiée.
Par contre Billy se lève et bloque l'espèce de liane/bouche/patte du monstre, l'empêchant de tuer Eleven et meurt sacrifié.