La place des femmes dans les médias, ce n’est pas encore tout à fait gagné. Qu’elles soient victimes de sexisme ou tout simplement pas assez représentées, les femmes sont encore un peu oubliées, et moins mises en avant que leurs homologues masculins. En 2015, l’ONU femmes a ainsi publié une infographie qui montre par exemple que les femmes n’occupent que 27% des postes de direction dans les médias.
Pourtant, il existe bien des femmes journalistes, sur toute la planète, qui se bougent au quotidien pour bousculer les mentalités, et dont les compétences sont connues et respectées ! Voici cinq d’entre elles, qui ont été des pionnières à leur façon, à la tête d’un média, dans des fonctions de représentation, ou qui rendent visible une minorité encore trop peu présente dans les médias.
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La première femme rédactrice en chef d’un journal en France
Commençons par un peu d’Histoire. Laisse-moi te présenter Louise-Félicité de Kéralio. Cette femme française, née en 1756, a commencé par exercer comme traductrice du français à l’anglais, à l’âge de 19 ans. Son père était lui aussi traducteur et écrivain, et travaillait pour le Journal des Savants, le plus ancien périodique littéraire et scientifique d’Europe. Elle s’est donc vite intégrée dans les milieux lettrés de la société d’Ancien Régime. Dans ses travaux, elle s’intéresse au travail des femmes écrivains, et à l’Histoire des reines.
Elle a finalement décidé de se tourner vers le journalisme. Le 13 août 1789, Louise-Félicité de Kéralio a fondé le Journal d’État et du Citoyen, un périodique qui paraissait deux fois par semaine, ce qui a ainsi fait d’elle la première femme rédactrice en chef d’un journal en France !
Elle va y travailler pendant deux ans, à un rythme de plus en plus soutenu, mais malheureusement, le journal ne permet pas à ceux qui y bossent de gagner suffisamment pour vivre. Elle a alors changé le nom de la publication, pour la renommer Mercure national, et son engagement républicain s’y est fait de plus en plus marqué. Louise-Félicité de Kéralio est décédée en 1822, après s’être exilée à Bruxelles avec son mari, lors du retour au pouvoir du roi de France.
La première femme rédactrice en chef de Vice
Une autre femme contemporaine a marqué les esprits, pas plus tard que cette année, en devenant la première rédactrice en chef du magazine américain Vice, qui existe pourtant depuis une vingtaine d’années. Il s’agit d’Ellis Jones. Cette journaliste a été nommée en février 2015 à la tête du célèbre mensuel gratuit, né au Canada et renommé pour ses sujets pop culture à tendance un peu trash, mais aussi son ton très décontracté et immersif, façon gonzo-journalisme. À propos de cette promotion, elle a déclaré au site Capital New York :
« C’est incroyablement excitant d’être en charge de quelque chose d’aussi grand. Je ne suis pas sûre que je parlerais de ma promotion comme d’un exploit majeur, mais si être nommée rédactrice en chef inspire des jeunes femmes pour poursuivre une carrière dans le journalisme, alors j’en serai très heureuse. »
Si être nommée rédactrice en chef inspire des jeunes femmes, alors j’en serai très heureuse.
En fait, cette prise de poste en a étonné certain•e•s — par rapport aux contenus du magazine, pas toujours très féministes, et à ses contributeurs masculins dont certains sont sérieusement controversés. Le New York Magazine s’est carrément posé la question en titre : « Est-ce que Vice devient gentil ? ».
Ellis Jones est née en 1985 et s’appelle en réalité Lauren Jones (Ellis est son deuxième prénom). Elle a effectué des études de journalisme à Atlanta. Si j’en crois sa biographie sur le site de Vice, la rédactrice en chef a d’abord commencé sa carrière dans le magazine en tant que stagiaire, en 2009 ! Elle s’est notamment fait connaître avec une rubrique sur les animaux mignons. Elle y a ensuite travaillé pendant cinq ans avant de rejoindre le Daily Mail, puis a finalement fait son retour au magazine en 2014.
La première femme noire membre des instances représentatives de la presse aux Etats-Unis
Alice Allison Dunnigan, elle, a été la première femme noire élue au Women’s National Press Club, le pendant féminin du National Press Club, l’organisation professionnelle destinée aux journalistes et aux personnes qui travaillent dans le secteur de la communication aux États-Unis. Née en 1906 dans une famille d’agriculteurs, elle a commencé à écrire très tôt, et ça a payé. Et oui, à l’âge de 14 ans à peine, Alice Allison Dunnigan a tenu une chronique hebdomadaire dans un journal du Kentucky !
Plus tard, une fois arrivée à l’université, elle a continué à écrire pour trois journaux locaux, tout en enseignant dans diverses écoles. Ces différents jobs cumulés ne lui permettaient pourtant pas de joindre les deux bouts, et elle a aussi cumulé les petits boulots pour s’en sortir. Lorsque l’école où elle travaillait a fermé, Alice Allison Dunnigan a déménagé à Washington. Elle a été embauchée à l’Associated Negro Press, la première agence de presse nationale afro-américaine. Elle a finalement obtenu une accréditation pour devenir correspondante à la Maison Blanche et au Congrès, ce qui a fait d’elle la première femme afro-américaine à exercer de telles fonctions !
Alice Allison Dunnigan a reçu plus d’une cinquantaine de récompenses pour son travail en tant que journaliste.
Mais ce n’est pas tout : Alice Allison Dunnigan a aussi été la première femme journaliste (et de surcroît première femme journaliste noire) à couvrir la campagne du futur président des États-Unis, Harry Truman, en 1948. Plus tard, elle a été nommé consultante en éducation par le président Kennedy au comité pour l’égalité des chances dans l’emploi.
Tout au long de sa carrière, Alice Allison Dunnigan a reçu plus d’une cinquantaine de récompenses pour son travail en tant que journaliste. Elle a également publié A Black Woman’s Experience-From Schoolhouse to White House, un ouvrage autobiographique sur son expérience et sa carrière. Elle est décédée en 1983, à l’âge de 77 ans.
La première femme photojournaliste en Inde
http://youtu.be/pOyxJbYtloA
Les journalistes sont, à leur manière, les témoins d’une époque. Homai Vyarawalla, elle, fut la mémoire visuelle de l’Inde pendant près de quatre décennies. Ça pèse, dis ! Cette photojournaliste née en 1913 en Inde était la fille d’un directeur de théâtre, et a appris la photographie avec son petit ami. Elle a ensuite suivi une école d’art, où elle a commencé par photographier la vie quotidienne et les jeunes femmes dans la ville où elle vivait.
La future photojournaliste a surtout su tirer son épingle du jeu médiatique. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle a d’abord intégré le bureau d’informations britannique. Après l’indépendance de l’Inde, déclarée en 1947, elle a photographié nombre d’événements politiques survenus dans le pays pendant plus de quarante ans : la visite de Martin Luther King, celle d’Ho Chi Minh, celle de Brezhnev and Khroutchev, ou encore celle de la reine Elizabeth d’Angleterre et de Jackie Kennedy. Elle arrivait à créer une proximité avec ses sujets, et a également pris des clichés célèbres de Gandhi, ainsi que de Jawaharlal Nehru, Premier ministre de l’Inde à l’époque.
Alors qu’elle venait de la communauté Parsi, où les femmes s’habillent à l’occidentale, Homai Vyarawalla portait généralement un sari traditionnel pour travailler, raconte Time, afin de se faire respecter dans un milieu où elle était souvent la seule femme. Elle a finalement décidé qu’elle avait fait le tour de son travail, et a pris sa retraite au début des années 1970. Mais Homai Vyarawalla était si considérée pour son travail qu’elle a reçu en 2010 le Padma Vibhushan, l’une des plus hautes distinctions que le gouvernement indien accorde aux personnes civiles, pour récompenser des services exceptionnels rendus à la nation. La photojournaliste est décédée en 2012, à l’âge de 98 ans.
La (future) première femme journaliste américaine voilée
Il n’y a pas forcément besoin d’avoir des années de carrière derrière soi pour devenir une pionnière. Noor Tagouri est une journaliste américaine d’origine libyenne, née dans le Maryland, qui, à 21 ans à peine, a pour objectif de faire bouger les lignes et les mentalités. Elle travaille actuellement comme journaliste free-lance pour une chaîne de télévision locale à côté de Washington. Mais ce n’est pas tout : son objectif est de devenir présentatrice, plus précisément d’être la première femme musulmane à porter le hijab à la télévision américaine — j’entends par là la télévision tout public, non sur le câble où un tel profil existe déjà.
On peut être une femme qui porte le voile et délivrer l’information avec le plus d’objectivité possible.
Face aux idées reçues, Noor Tagouri veut montrer qu’on peut être une femme qui porte le voile et délivrer l’information avec le plus d’objectivité possible. Bref, elle veut amener de la diversité à la télévision, comme elle l’a expliqué en mai dernier en interview sur Canal+.
La jeune femme dit avoir toujours voulu être journaliste. Et comme Noor Tagouri n’est pas du genre à se laisser arrêter, en 2012, elle a lancé sur les réseaux sociaux la campagne #LetNoorShine, pour se faire remarquer et encourager d’autres femmes à se lancer. Elle a été repérée pour son travail lors de la Journée Mondiale du Sida, alors qu’elle n’avait que 18 ans. Justine Love, directrice de CBS Radio, l’une des plus grandes radios aux États-Unis, lui a alors proposé un stage. Cette année, la jeune journaliste a participé à un documentaire diffusé sur la chaîne de la célèbre animatrice et productrice Oprah Winfrey.
Et s’il te fallait encore une preuve de son dynamisme, sache que sa chaîne YouTube regorge de vlogs qui te permettent de la suivre dans ses voyages ou en reportage !
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Les Commentaires
Héhé oui, j'en avais causé ici
http://www.madmoizelle.com/google-doodle-nellie-bly-journaliste-359253