Vous avez peut-être entendu parler de cette arnaqueuse de haute volée qu’est Elizabeth Holmes, au moment des faits, ou depuis The Dropout. Cette série télévisée dramatique créée par Rebecca Jarvis et ABC Radio est sortie le 3 mars 2022 sur la plateforme de streaming Hulu. Et les yeux bleus, le rouge à lèvres carmin, et les cols roulés d’Elizabeth Holmes pourraient bien vous hanter, tant ce look sait s’imprimer dans la rétine collective.
Le col roulé noir, la signature stylistique de Elizabeth Holmes
L’actrice Amanda Seyfried y interprète le rôle de celle qui a fondé en 2003 à seulement 19 ans Theranos, une start-up de nouvelles technologies qui prétendait pouvoir révolutionner les tests sanguins en un claquement de doigt.
Reconnue coupable de fraude à hauteur de 700 millions d’euros en janvier 2022, l’entrepreneuse risque jusqu’à vingt ans de prison (l’ampleur de la condamnation devrait tomber en septembre, dans l’attente du procès de son ancien compagnon et complice, Ramesh « Sunny » Balwani, directeur des opérations de Theranos).
Dans sa cellule, elle ne pourra plus porter de col roulé noir, qui était devenue sa signature. Mais pourquoi une telle fixette stylistique ?
Fixette dès l’enfance ou inspiration Steve Jobs ?
Dans une interviewée datée de 2015 accordée à Glamour, Elizabeth Holmes retrace l’origine de son obsession pour ce genre de pull carbone à l’enfance :
« Ma mère m’avait fait porter des cols roulés noirs quand j’avais environ huit ans. J’en ai probablement 150. [C’est] mon uniforme. Cela facilite les choses, car chaque jour, vous mettez la même chose et vous n’avez pas à y penser — une chose de moins dans votre vie. Je me concentre entièrement sur le travail. Je le prends tellement au sérieux. »
Outre ce storytelling, on peut soupçonner qu’il s’agit aussi d’apparaître aussi crédible que Steve Jobs afin qu’on lui fasse confiance. En effet, Elizabeth Holmes a été beaucoup comparée au cofondateur d’Apple, qui a lui aussi « drop out » (abandonner la fac avant le diplôme) de Stanford avant de fonder l’entreprise à la pomme. Il ne portait que des cols roulés noirs (ainsi que des jeans Levis, et des sneakers New Balance) pour prévenir la fatigue décisionnelle. Et à force d’afficher une telle constance vestimentaire, cela a fini par être perçu comme un gage de sérieux, de fiabilité.
Comme si cette répétition induisait qu’on se concentre sur les choses utiles exclusivement, et non sur celles du champ du futile auquel la mode est sans cesse renvoyée. Et cela possède en prime le mérite de faciliter son identification par le grand public, ce qui en fait une technique de marketing et de personal branding redoutable.
L’habit fait-il le (Steve) Job(s) ?
D’après une ancienne employée de Theranos interviewée par le podcast The Dropout qui a inspiré la série télévisée du même nom, Elizabeth Holmes ne s’est mise à porter des cols roulés noirs qu’une fois l’entreprise fondée, et non depuis son enfance. L’ancienne architecte en chef de la conception de Theranos, Ana Arriola, affirme qu’Elizabeth Holmes s’est clairement inspirée de Steve Jobs :
« Elle était très curieuse de la tenue vestimentaire de Steve, et je lui ai expliqué qu’il s’était inspiré de l’héritage de l’entreprise Sony pour laquelle [le couturier japonais] Issey Miyake avait dessiné la plupart des vêtements des responsables. Je pense qu’elle est allée chercher qui était Issey Miyake, et le reste appartient à l’histoire de la couture. »
Notons au passage que la misogynie ambiante, a fortiori dans les milieux de la tech et de la médecine a pu renforcer l’envie d’Elizabeth Holmes en tant que femme de paraître la plus sérieuse possible. Ce, dans l’espoir d’être davantage prise au sérieux justement, comme s’il était strictement incompatible d’allier intelligence et allure qui sort de l’ordinaire…
Afficher un look épuré, faussement neutre, a pu contribuer à la crédibiliser. On pourrait même dire que son combo tailleur-pantalon et col roulé noir gomme certains aspects de ce que la majorité de nos sociétés occidentales connotent comme féminin. Comme si ce vêtement disait pour elle « Regardez-moi dans les yeux, et pas dans les seins », dans des milieux pleins d’hommes toujours prêts à hypersexualiser le peu de femmes qui y évoluent. Elizabeth Holmes semble porter cette tenue professionnelle comme un effaceur de féminité.
Et cela ressemble au choix que font d’autres femmes de pouvoir. Comme Angela Merkel qui porte invariablement des tailleurs-pantalons monochromes afin qu’on s’attarde le moins possible sur les variations de ses tenues, et davantage sur ses propos. L’une des rarissimes fois où elle a porté publiquement une robe (le 12 avril 2008 pour le gala d’inauguration de l’opéra national d’Oslo en Norvège), son décolleté a fait la Une de journaux à l’international.
Prévenir la fatigue décisionnelle et rendre son look reconnaissable comme une marque
D’autres hommes de pouvoir font également ce choix, pour prévenir la fatigue décisionnelle, certes, mais cela a également l’avantage de solidifier leur image tel un logo ou un emballage, facilement identifiable par le grand public. Cela a longtemps été le cas de Mark Zuckerberg (en hoodie, t-shirt gris, et jeans), Barack Obama (qui a fait scandale la seule fois où il a porté un costume kaki plutôt que marine durant ses mandats à la Maison-Blanche), Karl Lagerfeld (en catogan, lunettes de soleil, costume Dior Homme circa Hedi Slimane, et bottines à talon cubain), ou encore Albert Einstein (costume gris et jamais de chaussettes).
Dans le cas d’Elizabeth Holmes, l’habit a longtemps fait le moine, jusqu’à ce qu’on comprenne qu’il ne s’agissait que d’un déguisement pour celle qui n’était qu’une fraude…
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Crédit photo de Une : capture d’écran YouTube de la bande-annonce officielle de The Dropout.
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