Mise à jour du 21 mai 2021
Presque trois ans après mon mariage, je suis toujours Mme Clémence Boyer sur l’ensemble de mes papiers administratifs… sauf à la CAF, qui m’a d’office attribué le nom de mon mari et refuse de le changer malgré mes nombreuses demandes. Ça m’agace, mais j’ai d’autres chats à fouetter en ce moment (genre, réussir à choper un rendez-vous de vaccination).
Depuis que j’ai écrit la première version de cet article, j’ai donné naissance à mon premier enfant, et comme prévu, elle porte le nom de ses deux parents (avec le mien en premier, parce que ça sonnait mieux). Cela me tenait vraiment à cœur que notre fille reçoive nos deux noms en héritage, et qu’elle soit d’une certaine manière le trait d’union de notre famille. C’est aussi plus pratique, car je ne dois pas me balader avec le livret de famille en voyage pour prouver que je suis bien sa mère, puisque nous avons un bout de nom de famille en commun.
Notre choix reste toutefois une exception en France : 81% des enfants nés en 2019 portent uniquement le nom de leur père, selon les chiffres de l’INSEE.
Article initialement publié le 3 avril 2019
Quand on a commencé à organiser notre mariage avec mon mari, il y a une chose sur laquelle je n’avais aucun doute (hormis le choix dudit mari) : j’allais garder mon nom de famille. Précisons tout de suite qu’en réalité, personne ne « perd » son nom de famille en choisissant d’adopter le nom de son ou sa conjointe. Après le mariage, vous pouvez si vous le souhaitez ajouter une ligne « nom d’usage » sur vos papiers d’identité et utiliser celui-ci au quotidien, mais vous conservez votre nom de naissance toute votre vie.
Quand je me suis mariée, je portais la même association prénom-nom depuis 27 ans, et j’avais le sentiment qu’elle était constitutive de mon identité. En l’abandonnant dans la vie de tous les jours, j’aurais eu l’impression d’être une nouvelle personne, limite une inconnue, et cette idée ne me plaisait pas.
En plus, mon mari a un prénom en guise de nom de famille, et les gens se plantent tout le temps quand ils l’écrivent. Alors que je n’ai pas ce problème avec le mien, qui fait partie du Top 60 des noms de famille les plus portés en France. (Oui, je suis allée faire cette recherche sur Google…)
Aucune obligation à changer de nom après le mariage
L’orthographe n’est pas l’unique raison pour laquelle j’ai choisi de conserver mon nom, mes convictions féministes ont aussi pesé dans la balance.
Cette tradition française qui veut que les femmes mariées adoptent le nom de famille de leur mari me met assez mal à l’aise. Surtout quand ça donne (de plus en plus rarement, heureusement) des courriers où une femme devient carrément « Mme Prénomdumari Nomdumari ».
En France, il n’y a aucune obligation légale
qui force les femmes à adopter le nom de leur mari. Le Code civil est très clair : chacun conserve son nom de famille et peut prendre un nom d’usage si elle ou il le souhaite (article 225-1). « Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit ».
Pourtant, il semble que les Françaises choisissent majoritairement de prendre le patronyme de leur mari en nom d’usage. Du moins, c’était encore le cas en 1995 pour 91% des femmes mariées. Elles n’étaient que 7% seulement à adopter un nom d’usage formé des deux patronymes, et 2% seulement à conserver leur nom. Il n’existe pas, pour l’instant, de chiffres plus récents, mais je pense qu’on est aujourd’hui plus de 2% à faire ce choix-là.
Alors certes, vous me répondrez peut-être que mon nom de famille est d’abord celui de mon père, et celui de son père avant lui, et du père de son père BREF, que ça reste un nom d’homme. Et vous aurez tout à fait raison. Mais si les femmes ne commencent pas à conserver leurs noms (et à les transmettre à leurs enfants – j’y reviendrai), cela ne s’arrêtera jamais.
Pas envie de repartir à zéro professionnellement
Je crois que mon métier a aussi compté dans ma décision. Cela fait plus de cinq ans que j’ai démarré ma carrière de journaliste, et je n’avais aucune envie de commencer à signer des articles sous un nouveau nom. Cela aurait été comme effacer tout le travail que j’avais réalisé ces cinq dernières années. Je veux que mes anciens articles puissent remonter lorsque l’on tape mon prénom + mon nom de famille dans un moteur de recherche.
Enfin, si je suis tout à fait honnête avec vous, ma légère phobie administrative a fini par emporter le morceau. J’avais une flemme ÉNORME d’être la seule à me taper des démarches auprès des différents organismes (banques, mutuelles, impôts, etc.) pour les informer de mon nouveau nom d’usage. Et en plus, j’avais fait refaire ma carte d’identité quelques mois avant mon mariage, car elle arrivait à expiration. Pas question de me coltiner à nouveau tout le processus.
Si mon mari avait absolument tenu à ce qu’on porte le même nom de famille, je lui aurais proposé qu’on colle nos deux noms, et qu’on se tape tous les deux les démarches pour refaire nos papiers.
Bref, si comme moi, vous êtes dans la team « moindre effort », ne prenez pas de nom d’usage et vous n’aurez rien à faire après votre mariage. (À part le signaler aux impôts, pour faire votre déclaration commune). Vous pouvez aussi procrastiner allègrement, et choisir finalement de prendre un nom d’usage vingt ans après votre mariage, car il n’y a aucun délai pour le faire.
Être une famille, sans avoir le même nom
J’ai souvent entendu comme argument pour prendre le nom de son mari, l’envie de former une famille avec un seul et même nom, ce que je conçois très bien. Mais dans mon cas, j’avais déjà le sentiment de former une famille avec mon mari, bien avant qu’on se dise oui devant le maire. C’est même ce sentiment qui m’a donné envie que l’on se marie : puisque c’était ce que nous ressentions, cela nous semblait une manière de dire au monde extérieur : « hé, on est une famille ».
Et si on a des enfants un jour ? Eh bien, on a décidé de leur donner nos deux noms accolés, avec le mien en premier, vu que ça sonne mieux dans ce sens-là que dans l’autre. Bon, là on a du bol, nos deux noms de famille sont courts, donc ça ne sera pas trop le pensum pour nos hypothétiques enfants. Sinon, je pense que le choix aurait vraiment été cornélien.
Nos enfants devront à leur tour faire un choix à la prochaine génération, en fonction du ou des noms de leur partenaire. Mais en attendant, je trouve ça chouette que nos enfants portent sur leur carte d’identité les noms de leurs deux parents. D’ailleurs, c’est déjà cette combinaison qui est inscrite sur notre boîte aux lettres.
Garder son nom après le mariage : un choix qui étonne encore
En faisant ce choix en 2018, je ne pensais pas susciter des réactions. Avant le mariage, nos familles proches ont posé la question, et je leur ai dit que je resterai Clémence Boyer. L’affaire était réglée en trente secondes. Ensuite, on a bien eu quelques oncles qui ont tenté de blaguer le jour du mariage en m’appelant Mme Nomdemonmari, mais ils ont vite lâché l’affaire.
Par contre, dès le lendemain du mariage, lors de l’état des lieux de sortie du château, mon mari a eu le droit à un petit dialogue de sourds avec la gérante, que je te retranscris.
– Vous le direz à votre femme, Mme Nomdemonmari ? – Mme Boyer, vous voulez dire. Regard d’incompréhension. – Ah bon, mais alors… J’avais mal compris, vous êtes M. Boyer ? – Non, je m’appelle M.Nomdemonmari. Léger vent de panique. – Mais… Vous êtes mariés maintenant ! – Oui, et chacun garde son nom. Froncements de sourcils, haussement d’épaules. Mon mari : 1 – Conventions : 0.
Depuis, je dois par moment repréciser que je reste Mme Boyer, et j’ai le droit à des regards surpris, mais ça s’arrête là. Dans mon milieu pro, la majorité des femmes journalistes signent de toute façon leurs articles de leur nom de naissance, ce qui n’empêche pas certaines d’entre elles d’en changer en dehors de la sphère professionnelle.
De mon côté, je suis parfois surprise de voir que certaines amies ou connaissances changent de nom sur Facebook après leur mariage. Mais si c’est une décision mûrement réfléchie (et négociée en couple), alors je n’ai rien à dire. C’est aussi ça être féministe : vouloir que les autres femmes puissent faire les choix qui leur conviennent.
- Vous pouvez aussi aller signer la pétition du collectif Georgette Sand qui demande la fin de l’invisibilisation du nom des femmes mariées dans les formulaires administratifs.
- Vous pouvez aussi signer la pétition du collectif « Porte mon nom » qui demande des changements législatifs pour que les femmes puissent plus facilement transmettre leur nom à leurs enfants (notamment en cas de séparation ou de désaccord).
- Le site service-public.fr récapitule tout ce que vous devez savoir sur le changement de nom (ou pas) en cas de mariage
- Vous pouvez aussi aller lire le passionnant article de Slate sur l’usage du double nom de famille après le mariage.
- Enfin, vous pouvez vous plonger dans l’étude de Marie-France Valetas sur le nom des femmes mariées dans l’Union européenne qui date de 2001.
À lire aussi : Eh oui, la notion de « devoir conjugal » existe toujours en France
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Perso, j'ai décidé que mon fils porterai le nom de famille de mon conjoint car je n'aime pas le mien et pourtant, mon conjoint voulait mettre nos noms de famille.