Initialement publié le 3 décembre 2016
Je vous écris aujourd’hui pour vous parler d’une addiction peu connue : la potomanie.
Ce mot, très drôle je vous le concède, désigne le fait de boire beaucoup, beaucoup, beaucoup (trop) d’eau de façon irrépressible.
Je ne parlerai que de mon expérience à moi, car je ne connais pas d’autres potomanes — la plupart des personnes reconnues potomanes ont des troubles psychiatriques sévères déclarés, et sont suivies dans des structures spécialisées.
La potomanie : l’apparition
Ce trouble s’est installé insidieusement dans ma vie lorsque j’étais en dernière année de master. Il y avait beaucoup de boulot à la fac, et surtout un travail de groupe qui se passait mal et sur lequel j’étais référente.
Moi qui suis plutôt timide et réservée, je m’étais lancé un défi de taille, très stressant — et aussi très formateur avec le recul.
Autre (très) grosse source de stress, je venais de m’installer avec mon copain de l’époque et ça ne se passait pas très bien.
En y repensant, on n’était pas faits l’un pour l’autre : on n’avait juste pas du tout les mêmes habitudes, et tout simplement pas la même vision des choses.
Mais c’était un homme torturé et j’étais sa copine « infirmière ». Il me tenait en me faisant culpabiliser.
Combien de fois ai-je entendu « Je suis trop nul ! Je vois bien que tu vas me quitter… Mais je vais changer ! » ? Alors je me disais que je devais lui donner une autre chance.
J’avais tout le temps la bouche sèche, donc je buvais.
Il m’a fait vivre une année plus que stressante, au point que j’ai décidé de chercher mon stage de fin d’année près de chez mes parents pour ne plus vivre avec lui.
Tout ce stress se matérialisait par le fait d’avoir la bouche sèche et d’avoir soif. J’avais tout le temps la bouche sèche, donc je buvais.
Cela avait bien sûr des conséquences sur le quotidien : qui dit boire beaucoup dit éliminer beaucoup, donc aller aux toilettes toutes les heures.
Cela entraînait beaucoup de stress face aux réunions qui allaient durer longtemps, aux heures de transport (je faisais beaucoup de covoiturage à l’époque pour aller rejoindre mon copain) lors desquelles il est difficile de s’échapper pour aller aux toilettes…
Et lorsque la nuit tombait, ça ne s’arrêtait pas à la façon princesse Fiona ! C’étaient des réveils nocturnes pour aller aux toilettes, et donc des nuits très entrecoupées, et à vrai dire peu reposantes…
Grâce à ça, j’ai découvert le concept des valises sous les yeux !
À cela s’ajoutait le stress de ne pas avoir accès à un point d’eau immédiat, surtout dans les transports.
J’avais donc tout le temps une bouteille d’eau sur moi, mais je l’engloutissais rapidement. Je partais ainsi finalement avec deux bouteilles, puis finalement trois… c’était un cercle infernal.
Cette maladie, « d’ordre psychiatrique ou biologique », s’inscrit dans « une volonté de se purger, se purifier, se nettoyer ou de se remplir au maximum ».
Son premier symptôme ? Une production importante d’urine, plus de 3 litres par jour.
La potomanie : comment la traiter ?
J’ai été voir mon médecin traitant, qui a vérifié qu’il ne s’agissait pas de la déclaration d’un
diabète, ce qui n’était pas le cas.
J’ai donc continué ma vie, stressante, sans me poser plus de questions par rapport à la quantité d’eau que j’absorbais.
Je me suis éloignée de plus en plus de mon copain de l’époque. Je n’ai pu le quitter qu’une fois que j’ai trouvé un travail très loin de lui, un an et demi après que j’ai commencé à trop boire (d’eau, on s’entend !).
La distance géographique m’avait en effet permis de me recentrer sur moi, et de prendre des décisions pour me protéger (c’est-à-dire : le quitter).
Il a fallu accepter le fait que j’avais besoin d’aide.
Lorsque j’ai commencé à réaliser que je buvais plus de six litres par jour (je buvais au robinet, donc ne m’en étais pas rendu compte avant), je me suis dit qu’il y avait un gros souci.
Il a fallu accepter le fait que j’avais besoin d’aide. Et dans ma famille, avoir besoin d’aide, c’est être un peu faible.
Une fois ce fait accepté, il a fallu chercher ce qu’il se passait, trouver des spécialistes qui écouteraient sans juger.
J’ai finalement été diagnostiquée potomane par un autre docteur que mon médecin traitant — pour qui ça ne paraissait donc pas inquiétant de boire plus de six litres d’eau par jour tant que ça n’était pas du diabète.
J’ai ensuite été suivie par une psychologue, qui m’a aidée à mettre des mots sur les causes de stress liées à cette potomanie.
On a beaucoup travaillé sur mon passé plus ou moins proche, et j’ai appris plein de choses sur moi. Tout ce travail m’a aidé à diminuer, mais pas à arrêter.
Alors j’ai testé l’acupuncture, l’hypnose, et récemment j’ai déménagé pour rejoindre mon nouveau conjoint. Un nouveau départ !
Mais il a par conséquent fallu retrouver un cortège de professionnels pour me soutenir dans cette galère.
Je commence heureusement enfin à me stabiliser au niveau de ma consommation d’eau, et à pouvoir encore diminuer petit à petit.
C’est un combat au jour le jour, et d’autant plus difficile que l’eau est vitale pour nous. Je ne peux donc pas arrêter définitivement d’en boire, il n’y a pas de cure de désintox possible pour moi !
La potomanie… et les autres
Lorsque j’en parle autour de moi, que je dis que je suis potomane, beaucoup de blagues fusent, dont la plus facile : « Bah alors, t’es accro aux pot(o)eaux ?!! ».
Il faut beaucoup de patience pour expliquer ce trouble aux gens, qui ne comprennent pas que boire beaucoup trop d’eau peut être nocif pour la santé (comme tout bon aliment pris en excès).
On me réplique que « Mais l’eau, c’est bon pour la santé ! », que « Boire beaucoup ça permet d’éliminer les mauvaises molécules, c’est top ! »…
Après avoir rigolé avec eux pour ne pas les vexer de leur(s) blague(s), je leur réponds que cette addiction entraîne une fatigue prématurée des reins, qui n’arrivent plus à filtrer tous les liquides ingurgités.
Petit à petit, le corps se met à stocker ce trop plein d’eau, et prioritairement dans une partie du corps humain qui est considérée comme une vraie éponge : le cerveau.
L’eau bue fait que tous les éléments nutritifs que vous avalez sont dissous, et des carences peuvent apparaître.
Je ne vous raconte pas ce qui peut arriver lorsque toute cette eau est stockée à cet endroit : œdème cérébral, coma, et mort. Joyeux, n’est-ce-pas ?
Enfin pour en arriver à cette extrémité, il faut avaler plus de sept à huit litres de liquide par jour.
En plus de cela, l’eau bue fait que tous les éléments nutritifs que vous avalez sont dissous, et des carences peuvent apparaître.
Par exemple, j’ai été carencée en magnésium récemment, et quand une personne lambda remplit ses réserves avec une ou deux cures maximum (soit deux mois), il m’a de mon côté fallu plus de six mois pour avoir un taux de magnésium normal.
Pour ma part, je bois désormais entre trois et quatre litres d’eau par jour (eau, thé, tisane, jus d’orange…).
Cela reste conséquent, mais c’est déjà une belle amélioration quand on sait que j’ai bu jusqu’à six ou sept litres par jour pendant un moment.
Pour conclure, si je vous écris aujourd’hui, c’est que j’aimerais me sentir moins seule à lutter contre cette addiction totalement psychologique.
Je n’en avais jamais entendu parler avant de l’avoir… alors que cela m’aurait peut-être permis de travailler dessus plus tôt.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Sinon je connaissais la potomanie (les troubles psy sont une de mes passions). Tu n'es pas seule, d'autres madz ont commencé à répondre et ça devrait te faire du bien. Sinon sur le forum des topicd d'entraide sont dédiés aux maladies psys comme la veille psychophobie ou "Tocs, troubles psychologiques... parlons en" (dans la rubrique "vie quotidienne".
J'ai aussi des gros problèmes avec l'eau (je suis très facilement sujet aux irritations urinaires et constipation dès que je ne bois pas assez, ce qui est stressant quand on est hors de chez soi car du coup je ne bois pas pour ne pas avoir envie d'aller aux toilettes - car les prochaines toilettes sont une inconnue - et après je pisse du feu et pond des graines, c'est très relou) donc t'inquiète tu n'es pas seule
(Je propose de lancer un topic spécifique "gentes qui ont un problème avec l'eau" héhé)