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Santé

Pendant six ans, ma vie a été dictée par mes plaques d’eczéma. Mais je m’en suis sortie !

Emma a 23 ans, et elle a des choses à partager : pendant six ans, elle a souffert d’un eczéma généralisé qui la faisait souffrir physiquement et psychologiquement. Elle raconte comment elle en est sortie, et invite celles et ceux qui vivraient la même chose à garder espoir.

Vous connaissez l’eczéma, cette inflammation de la peau qui provoque des plaques de sécheresse rouges et qui démangent ? Il y a six ans, alors que je passais le week-end chez mon copain de l’époque, je m’en suis trouvée recouverte. Ou plutôt, je me suis réveillée avec une sorte d’urticaire, qui s’est transformé en eczéma généralisé.

D’un seul coup, je me suis retrouvée avec le corps entier recouvert de plaques rouges et sèches, qui me donnaient envie de pleurer.

L’eczéma a toujours fait partie de ma vie

Petite, j’ai toujours eu un peu d’eczéma : c’est quelque chose qui court dans ma famille. Mais ce n’était que des petites plaques, jamais vraiment handicapantes, et elles finissaient toujours par s’en aller.

Jusqu’à ce fameux week-end de l’année de mes 17 ans, où je me suis retrouvée d’un seul coup avec de l’eczéma généralisé. J’en avais sur le buste, le cou, et les bras. Je suis rentrée chez moi paniquée, et ma mère m’a donné de la cortisone en pommade. La crise est passée… et a repris dès que j’ai arrêté de l’utiliser.

C’était le début d’un ballet qui allait durer six ans : les plaques, les accalmies provoquées par les médicaments, et leur retour.

L’eczéma à l’adolescence

Comme tant d’autres ados, à ce moment de ma vie, j’avais envie d’expérimenter les débuts de l’indépendance, les premières amours, les débuts de ma vie sexuelle… J’étais loin d’être prête à supporter ces crises d’eczéma qui me faisaient me sentir si mal dans ma peau.

Cette première année de gestion de la maladie a donc été très compliquée pour moi.

Je préparais un diplôme dans une filière qui générait beaucoup de pression, et j’ai vécu ma première rupture amoureuse. En plus de ce stress, mes poussées d’eczéma sont devenues fréquentes et ont fait de ma vie un enfer.

Mes plaques s’étendaient sur tout mon corps, remontant parfois jusqu’à mon visage. La journée, j’essayais de le cacher, la nuit, je ne dormais plus à cause des démangeaisons.

Je n’ai jamais obtenu d’explications précises sur les causes de ces poussées. Pourtant, j’ai vu bien des spécialistes.

Les débuts de mon parcours médical

Après le premier traitement à la cortisone que m’a donné ma mère, une grande bataille a commencé : tenter de comprendre et de soigner cet eczéma qui m’envahissait.

Je me suis d’abord tournée vers la médecine classique. J’ai vu mon médecin traitant, puis des dermatologues, mais j’ai eu l’impression de me heurter à un mur. On me proposait sans cesse les mêmes traitements à la cortisone (que je ne pouvais pas prendre indéfiniment, et l’eczéma revenait dès que je les arrêtais), ou des traitements chimiques extrêmement lourds (on m’a proposé un traitement utilisé pour éviter les risques de rejet de greffe ! ).

En réalité, la forme très poussée d’eczéma qui m’a touchée n’a pas de protocole de soin établi.

Le pire, dans tout ça, a été de faire face au manque de compréhension des médecins. J’allais les voir en détresse, et on me répondait : « Mademoiselle, vous en serez atteinte toute votre vie, et il va falloir apprendre à faire avec ! ». Le facteur génétique présent dans ma famille les faisait relativiser : ils se disaient que c’était normal, puisque j’en avais hérité. Mais je ne voulais pas faire avec !

Je me sentais très seule et démunie.

Physiquement, l’eczéma est douloureux

Il y a une chose que vous ne savez peut-être pas sur l’eczéma : cela peut être très douloureux. Durant les quatre premières années de cette bataille contre l’eczéma, je subissais beaucoup cette douleur. J’avais deux moments de répit dans ma journée : la nuit, quand j’arrivais à dormir, et au moment où je prenais ma douche.

En dehors de ces moments, ma peau pouvait tirailler, les crèmes que je devais appliquer sur les plaques me brûlaient, et les plaies suintantes se collaient à mes vêtements, rendant le déshabillage très douloureux. Pendant un an et demi, j’ai eu une plaque sur le visage qui allait du front au menton : ne serait-ce que faire la bise à quelqu’un qui avait de la barbe me faisait souffrir.

Par-dessus tout, je souffrais des démangeaisons.

Les regards, et les commentaires déplacés

Quand on porte une différence physique visible, certaines personnes se permettent de nous donner leurs opinions dans n’importe quel contexte, à tous les coins de rue.

Sur la question de l’eczéma, tout le monde a un avis, une solution miracle, ou l’histoire de quelqu’un qui a fait quelque chose… À plusieurs reprises, donc, il m’est arrivé de tomber sur de parfaits inconnus qui m’arrêtaient à l’arrêt de bus pour me parler de mon état de santé ou me donner des conseils. Moi, je voulais juste attendre le bus !

Au plus fort des crises, le regard des autres était très difficile à gérer :  il m’indiquait en permanence qu’il y avait quelque chose de bizarre avec moi, que je n’étais pas normale.

Parmi les avis non-sollicités qui revenaient le plus, il y avait la phrase automatique : « Il ne faut pas te gratter ». Mes plaques me démangeaient en permanence, mais je complexais et n’osais pas les toucher en public sous peine de m’exposer à des réflexions.

Après une journée à me retenir, quand je rentrais chez moi le soir, je pouvais passer une heure entière à me gratter,

pour laisser aller mes pulsions. Sur le coup, cela me permettait de me sentir un peu soulagée. Mais cela me créait parfois des plaies qui restaient à vif ou me brûlaient quand je m’hydratais la peau.

L’impact de l’eczéma sur ma vie

Au quotidien, ma vie a commencé à ne tourner qu’autour de ça. Le matin au réveil, je passais de longs moments à m’hydrater la peau et à me passer de la pommade, puis à trouver des vêtements qui couvriraient le tout —  même si au bout de deux heures, ils se collaient à mes plaques et devenaient douloureux à porter.

Ensuite, il fallait prendre le temps de me maquiller longuement, pour essayer de camoufler mes plaques sur le visage.

Je regardais la peau de mes amis, et je la jalousais énormément. J’en étais venue à envier ces autres qui avaient des peau lisses et douces, quand la mienne me faisait souffrir physiquement et psychologiquement.

Pendant toutes ces années, mon rapport à mon corps a été très compliqué. Même me voir dans le miroir était devenu très angoissant : je voyais que l’eczéma augmentait sans cesse, qu’il ne partait jamais, et je me demandais ce que j’avais fait pour mériter ça.

J’étais parfois angoissée dès le réveil, parce que je savais qu’en allant me brosser les dents, mon regard croiserait le miroir au-dessus du lavabo et qu’il me serait difficile de me voir comme ça.

Et puis, j’ai rencontré mon ex-compagnon, une personne ne me jugeait pas, et ne me voyait pas qu’à travers mes plaques d’eczéma. D’ailleurs, il disait que c’était comme s’il ne les voyait pas.

Sa présence m’a aidée dans ce parcours difficile, et il m’a aidée à grandir. Il lui est arrivé de recouvrir les miroirs de l’appartement de draps, pour m’éviter de me voir couverte de plaque en allant prendre ma douche, le seul moment où j’avais un peu de répit. Le temps de quelques minutes, cela m’allégeait.

Progressivement, j’ai commencé à en sortir

Heureusement pour moi, j’ai été très accompagnée par mes proches dans ce parcours. Par ma mère, qui comprenait ce que je vivais, mais aussi par mes amis et certains membres de ma famille, qui m’aidaient beaucoup.

Devant l’inertie de la médecine classique, j’ai décidé de tenter les médecines dites douces. J’ai essayé beaucoup de choses : des magnétiseurs, des énergéticiens… Tous m’ont dit : « Vous verrez, en sortant de mon cabinet, vous n’aurez plus rien ! »… et à chaque fois, c’était faux.

Il y a quand même certaines méthodes qui ont fonctionné pour moi et qui m’ont soulagée. La première a été la désensibilisation naturelle, qui associait une exposition à des allergènes et des points d’acupression. Cela m’a permis, pour la première fois, de ne plus avoir d’eczéma pendant trois mois.

Cela a été un véritable soulagement, jusqu’à ce qu’un décès ait lieu dans ma famille et redéclenche tout.

L’eczéma est revenu. Il était moins important qu’autrefois, et je n’avais plus de plaques suintantes, mais j’étais terrifiée à l’idée que tout revienne de manière aussi intense qu’avant : j’ai réalisé que l’eczéma était un véritable traumatisme.

Quand ma vie a changé, l’eczéma a changé aussi

Ensuite, tout s’est accéléré dans ma vie : j’ai déménagé pour aller vivre dans la même ville que mon ex-compagnon, avec qui j’étais en relation à distance. Sans trop réfléchir, j’y ai trouvé un job et je me suis installée chez lui. Mais le poste ne convenait pas et l’entreprise ne m’a pas gardée.

D’un seul coup, je me suis retrouvée sans emploi et sans chômage. J’étais anéantie, et j’ai recommencé à faire des pics d’eczéma. À ce moment-là, je me suis remise à utiliser des crèmes à la cortisone tous les jours : je ne supportais plus de me voir dans le miroir avec ces plaques.

En parallèle, j’ai essayé un traitement à l’acupuncture qui m’a imposé des gros changements d’alimentation : d’après mon acupuncteur, je ne supportais pas certains aliments qui créaient des réactions allergènes. J’ai dû arrêter le lait, le blé, le sucre, la viande, l’alcool… globalement, je pouvais manger des pommes de terre et du poisson.

J’ai beaucoup souffert de ces restrictions alimentaires, qui ont transformé pour le pire mon rapport à la nourriture. Je n’osais plus manger, parce que j’avais peur que cela fasse revenir l’eczéma, et j’ai perdu beaucoup de poids. Dans le même temps, des problèmes de couple m’épuisaient. Ce n’était pas une période facile.

Doucement, les choses se sont améliorées

Il y a une chose qu’il faut savoir sur moi : je n’ai jamais de mal à aller chercher de l’aide quand je sens que j’en ai besoin.

Quand j’ai vu mon état de santé physique et psychologique se dégrader, j’ai pris la décision d‘aller voir une diététicienne, pour me réapproprier mon rapport à la nourriture, et une psychothérapeute. Avec elle, nous avons mis en place une routine d’écriture qui m’aidait beaucoup, et me permettait de gérer mes émotions positives comme négatives.

J’ai aussi décidé d’arrêter de voir l’acupuncteur dont les conseils me créaient des troubles du comportement alimentaire.

Après un été difficile, j’ai fait le choix de quitter mon copain. Cela peut vous sembler banal, mais pour moi, c’était un geste incroyable : j’ai toujours été en prise avec une grande peur de l’abandon qui me poussait à m’accrocher à certaines relations. Oser dire ce que je voulais, c’est-à-dire m’affirmer et être seule, c’était un grand pas ! 

Je me suis installée seule, j’ai commencé à faire des choix pour moi. Et tout doucement, mon eczéma s’est amélioré. 

Je me réapproprie mon corps, et je me sens mieux

J’ai arrêté la cortisone, l’eczéma est revenu et au lieu de paniquer, j’ai réussi à lâcher prise : j’ai laissé les plaques revenir, et elles sont reparties. Au début, dès que la moindre plaque revenait, je me fixais complètement dessus. J’ai appris à prendre du recul sur le problème, et je crois que comme j’y pensais moins, cela me stressait moins et la situation s’est améliorée.

J’ai aussi appris à me réapproprier mon corps. Le moment douloureux de la crème hydratante est devenu petit à petit un moment agréable, où je me masse devant mon miroir sans avoir besoin de détourner mon attention avec des vidéos YouTube ! J’ai même réussi à trouver des crèmes aux odeurs douces, qui conviennent à ma peau.

J’ai l’impression que plus je m’affirme, et plus je fais des choix pour moi, mieux je me porte. J’ai compris que c’était moi, la personne la plus importante de ma vie. C’est comme si quand les choses s’étaient débloquées psychologiquement, ma situation physique s’était débloquée aussi ! Et quand des plaques reviennent, je les prends comme un signe d’alerte que mon corps m’envoie, et plus comme une fatalité.

Ce que je retiens de ces six ans d’expérience — dont j’ai probablement occulté pas mal de choses — c’est que ce n’est pas parce que les médecins vous disent que les choses ne s’amélioreront pas que rien ne peut changer. Au long de mon parcours, les professionnels étaient très fixés sur l’aspect physique de l’eczéma, en négligeant non seulement l’aspect psychologique mais aussi et surtout ma détresse à l’idée que cela ne s’arrêterait jamais. Je suis la preuve qu’on peut garder espoir ! 

À lire aussi : J’ai décidé que mon acné ne me gâcherait plus la vie

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Les Commentaires

9
Avatar de Myndi
18 juin 2021 à 20h06
Myndi
Hello, je suis la personne qui a témoigné pour écrire cette article.
J'ai lu tout les commentaires qui ont était laisser. Je remercie beaucoup toutes les personnes qui ont prit le temps de le lire ainsi que d'y répondre.
En vous lisant cela le conforté dans mon idée que témoigné de mon histoire pouvais montré à certaines personnes qu'elle ne sont pas seul. Et personellement après l'avoir fait lire à ma famille, certains mont dit qu'il ont pu mieux comprendre la face cachée des crise. Ils m'ont féliciter et remercier pour ce témoignage !
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Voir les 9 commentaires

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