La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés d’une louche d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
« Chère Daronne
J’ai toujours voulu être artiste et j’ai travaillé dur. Depuis un an ou deux, les choses marchent vraiment bien pour moi et je ne ménage pas ma peine. Du coup, je gagne (très) bien ma vie, j’ai la chance de partir en vacances dans des endroits de rêve, je rencontre du beau monde : bref, je réalise mon rêve.
Sauf que voilà, depuis, mes proches me tournent le dos. Mes amis ne m’adressent presque plus la parole, même ma famille est carrément plus distante. Je suis assez orgueilleuse, je ne vais pas m’abaisser à leur courir après mais leur jalousie me blesse.
Comment leur faire comprendre que je suis toujours la même ? Ou du moins passer au-dessus ?
Marina »
La réponse de la Daronne
Ma petite star du hip-hop,
Ta lettre me fait, un peu, penser à certains titres de rap où l’artiste raconte avoir été poignardé dans le dos par des « jaloux », alors qu’en vrai, je suis sûre que si on demandait à ces sales traîtres pourquoi ils ont lâché Pringle-Alfredo (meilleur nom de rap star, tu ne crois pas ?), ils nous avoueraient que c’est parce qu’il pue des pieds.
Le problème de ta lettre, c’est qu’elle semble indiquer que toi-même tu ne sais pas vraiment ce qui a pu causer cet abandon. Tu ne fais que supposer que tes proches sont jaloux. Mais est-ce vraiment le cas ?
Jalousie, melon qui a récemment pris la taille d’un Zeppelin, mesquinerie, vieux dossiers, malentendus, il existe tant de raisons qui peuvent expliquer que des amis et des proches vous tournent le dos…
Parfois, je me demande même si on ne ferait pas mieux d’arrêter complètement de fréquenter les gens, pour éviter ce genre de prises de tête qui ne manquent jamais de se produire. Je suis sûre qu’il existe d’ailleurs des chansons sur le sujet. Si vous en connaissez, faites-moi signe.
Être fière de ses succès
Comme dirait Diam’s : « Fuck les jaloux Big Up Big Up ! » Je suis totalement opposée à cette fausse modestie qui empêche tout le monde, mais surtout les femmes (comme d’habitude, tu me diras) de parler de leurs succès sous prétexte que ça serait prétentieux, alors que non, ça serait simplement véridique.
Si tu as réussi à avoir du succès dans ta branche, tu ne vas pas minimiser ta réussite sous prétexte que… quoi d’ailleurs ? C’est pas jojo ? Ça ne se fait pas de dire qu’on a la gagne ? Des fois qu’il entende qu’on parle trop de lui, le succès prenne peur et se tire ? Ça porte la poisse ? C’est moche pour les copains qui n’en sont pas au même point ? Un peu de tout ça à la fois ?
Une chose est sûre, parler de ses réussites est encore assez mal vu, mais je vais te dire : ce n’est pas en boudant nos succès et en ne les évoquant qu’à demi-mot, toujours comme d’un truc un peu magique et certainement pas mérité qui nous serait tombé comme ça sur le coin du museau, qu’on va aller bien loin. Ça va seulement entretenir l’idée que le succès féminin ne tient à rien d’autre qu’une chance aléatoire et exceptionnelle. Et qu’il est louche. Et anormal. Et probablement pas mérité.
Il faut qu’on apprenne, enfin, à être fière de nous et arrêter de nous excuser toutes les 30 secondes, bordel ! Alors moi, je te le dis : bravo ma sœur pour tes idées, ton talent et ton succès.
Il faut quand même savoir faire preuve de décence
Savoir se vendre et revendiquer ses réussites ne signifie pas qu’on peut se la raconter à tout va. La limite est parfois dure à établir surtout que je ne veux pas être la fille qui dit à ses copines de « pas trop en faire quand même » et de « rester discrète » parce que sérieux la discrétion et la modestie, y en a ras-le-bol et ça me fiche envie de tout brûler à force de me les voir rabâcher.
Mais il existe quand même ce truc qui s’appelle la décence et ce qui rend ce terme un peu compliqué à appréhender, c’est qu’il est assez vague et qu’il appartient à chacun de se l’approprier.
Personnellement, je dirais que la décence, c’est d’éviter de soûler ses potes qui galèrent à payer le loyer avec ses problèmes de riche et l’organisation de ses vacances au bout du monde, c’est ne pas faire l’apologie d’un mode de vie inabordable pour ses interlocuteurs (surtout que bon, la surconsommation on sait où ça nous mène : bientôt deux degrés trop haut) et éviter les poncifs validistes du style : Quand on veut on peut, il faut savoir se donner les moyens et autres, il suffit d’avoir de la volonté.
Note de moi-même : Cette liste n’est pas exhaustive. Vous lecteurs qui lirez ce courrier, n’hésitez pas à partager votre définition de « décence ». Bisous.
Se remettre en question
Si tu te conduis correctement, en assumant ton succès, mais en restant une amie à l’écoute qui continue de s’intéresser à ses proches (pour de vrai, pas parce que c’est TELLEMENT FOLKLORIQUE d’avoir des amis qui viennent d’en bas), tu n’as rien à te reprocher. Certaines relations ne sont pas faites pour durer et parfois, les gens nous déçoivent. Je suis bien placée pour le savoir à force de vous lire les copains et de régler vos conflits du quotidien.
Cela étant dit, même si je ne nie pas que certains humains sont un peu nazes et susceptibles de prendre la tangente pour des raisons encore plus nazes qu’eux, genre la jalousie, si TOUT LE MONDE se plaint de ton comportement, c’est peut-être qu’effectivement il y a — un peu — de quoi se plaindre. Ça ne fait jamais de mal de se remettre en question dans la vie. C’est le moment de mettre ton orgueil et tes préjugés de côté et de réunir tes proches afin d’avoir une petite discussion à bâtons rompus pour percer les abcès (miam miam, du pus partout), et redémarrer sur de bonnes bases.
Ne pars jamais du principe que tu sais pourquoi quelqu’un t’en veut ou se comporte de façon cavalière à ton égard. Oui, il existe de grosses tâches, mais il existe aussi beaucoup de gens très bien qui ont des raisons valables de se comporter de la façon dont ils se comportent et qui méritent d’être entendus, comme toi, tu mérites qu’on te laisse kiffer la vibe.
Je te laisse, je dois aller faire un interview pour Konbini,
La bisette,
Ta daronne
À lire aussi : Tous mes collègues sont plus jeunes que moi, j’ai le seum (ça se dit encore ?)
Image en une : © Anna Demianenko/Unsplash
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires