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Vie quotidienne

La maladie d’Alzheimer et ses conséquences – Les madmoiZelles témoignent

À l’occasion de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, des madmoiZelles ont témoigné sur leur expérience de la maladie dans leurs familles. Une expérience douloureuse pour les personnes malades comme pour leur proches.

— Publié le 21 septembre 2015

Pour la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, des madmoiZelles nous ont livré leur expérience, leur vision et leurs peurs.

Émilie se souvient de la façon dont elle voyait la maladie avant d’y être confrontée :

« Depuis que je sais qu’Alzheimer existe, j’en ai la vision d’une maladie dure, mais qui n’empêche pas de vivre, qui permet quand même de faire des choses. J’étais persuadée que ça ne pouvait pas être si dur pour la famille, ni pour la personne touchée.

Et puis, il y a quelques années, j’ai commencé à déceler des symptômes chez ma grand-mère… »

Quand les trous de mémoire deviennent inquiétants

Émilie se souvient des débuts progressifs de la maladie chez sa grand-mère :

« C’était d’abord des oublis passagers. Des questions posées plusieurs fois à la suite. J’en ai parlé à ma mère, qui m’a dit que ce n’était pas bien grave. Alors je n’ai pas cherché plus loin.

Mais plus les mois passaient, plus je trouvais que ça n’allait pas. J’en ai reparlé plusieurs fois à ma mère ; elle a essayé d’en parler à ma grand-mère qui niait tout. Purement et simplement, c’était le déni de la maladie. « C’est juste la vieillesse », qu’elle disait.

Sans son accord et contre son gré, on ne pouvait rien faire : elle avait encore toute sa tête, ou presque. Et puis un jour, j’ai reçu un appel de ma mère au travail. Ma grand-mère avait voulu aller payer ses impôts à pied, chose qu’elle ne faisait jamais : elle les envoyait toujours par la poste.

Et elle s’était perdue, elle ne savait plus où elle était. Elle a marché pendant plusieurs heures, il faisait chaud, elle n’avait pas pensé à prendre à boire. Résultat : elle est tombée sur le trottoir, s’est cassé le poignet en plusieurs morceaux, s’est fait un œil au beurre noir et a eu la joue boursouflée.

Une dame l’a trouvée et l’a amenée chez un médecin, qui s’est chargé d’appeler ma mère pour qu’elle l’emmène à l’hôpital. Il a fallu l’opérer. Habitant à 1h30 de chez elle, j’étais très angoissée. À plusieurs jours d’intervalle, nous lui avons demandé comment elle s’était fait ça.

Résultat, plein de versions différentes : « Oh, j’ai dû louper la marche du trottoir », « J’ai dû m’évanouir », « Ah mais j’étais presque arrivée ! Et puis je me suis emmêlé les pieds », « Je me souviens plus »… Preuve supplémentaire, s’il en fallait, qu’elle développait un Alzheimer.

Ma mère et mon oncle ont réussi à l’emmener voir son médecin traitant pour en parler, médecin qui l’a redirigée vers des spécialistes. Elle a passé une journée de tests à l’hôpital. Et les résultats sont sans appel : c’est bien Alzheimer. Elle a mis du temps à l’accepter, et encore, même si le diagnostic date d’un an, elle ne l’admet toujours pas. Pour elle, « C’est l’âge »… »

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Il n’existe pas « une » maladie d’Alzheimer

Comme une madmoiZelle infirmière nous l’a expliqué :

« Plein de choses sont difficiles avec ce type de maladies. Déjà, jusqu’à ce que cela frappe ma famille, je pensais qu’il existait LA maladie d’Alzheimer, alors que non. Comme il n’existe pas LE cancer mais une multitude de cancers, il existe une multitude de maladies apparentées Alzheimer. Cela complexifie le problème et en même temps, ça le précise.

Ce qui est fou avec ce type de maladie, c’est qu’on ne les voit pas venir. En tout cas, nous, on ne l’a pas vraiment vu venir. Mon grand-père doit être atteint depuis un peu plus de deux ans. Mais comme cela vient progressivement, on met du temps à le voir, et ensuite il y a une période, pas très longue mais qui je pense existe, où on fait l’autruche.

Il existe une multitude de maladies apparentées Alzheimer.

Un autre élément surprenant avec ces maladies apparentées Alzheimer, c’est à la fois la vitesse et l’irrégularité avec laquelle la maladie peut progresser. De plus, ce qui est terrible avec une telle pathologie, c’est qu’on sait que ce qui est perdu l’est définitivement. Il n’y a pas de retour en arrière ni de guérison possibles. Tous les soins sont de l’accompagnement. »

À lire aussi : J’ai testé pour vous… les études pour devenir infirmière #1

Lorsque l’Alzheimer éloigne

Nora en témoigne :

« Ma grand-mère maternelle est atteinte par Alzheimer depuis une dizaine d’années, elle a 70 ans. Il s’agissait d’une femme hyper-active, très aimante avec sa grande famille et toujours prête à rendre service ; c’était l’archétype de la super mamie cordon-bleu, qui venait me chercher à l’école et qui me donnait des leçons « d’éducation sexuelle » (comment les garçons allaient essayer de me draguer et comment y remédier en leur éclatant les noix). Bref, je l’adorais.

Quand ma mère a fait une récidive de son cancer du sein, mamie a géré la situation de front et a tout fait pour lui rendre ses derniers mois plus supportables. À sa mort, ma grand-mère s’est effondrée et est tombée malade. Mais elle s’est rétablie et s’est occupée de nous à 200% pour aider mon père. C’est à ce moment-là qu’elle a commencé à nous poser plusieurs fois les mêmes questions ou à nous demander de répéter ce qu’on lui disait vu qu’elle n’écoutait pas. Nous en rions avec elle au début à base de « Oh Mamie, tu perds la boule ! Tu cours trop ! », mais au fil des années c’est devenu récurrent.

C’est difficile de dire à partir de quand la maladie a pris le dessus, l’empêchant de conduire sa voiture sport qu’elle adorait ou d’entretenir sa maison. Mais elle continuait de nous parler même si ce qu’elle disait était de plus en plus confus. Elle nous reconnaissait et c’était le principal. C’est une de mes tantes qui, en première, s’est rendue à l’évidence : sa maman avait plus que des trous de mémoire. Elle l’a emmenée passer des tests et le verdict est tombé — Alzheimer.

Mes visites se sont de plus en plus espacées à partir de ce moment : je n’en pouvais plus de voir ma grand-mère dans cet état, je n’arrivais plus à faire semblant d’avoir une conversation parfaitement normale alors qu’elle m’interrompait régulièrement en me prenant pour ma mère. Plus de quatre mois séparaient mes visites, et à chaque fois c’était pire.

Maintenant, elle reste dans un fauteuil, ne parle quasiment plus, grince des dents et chantonne. Je n’ose imaginer à quel point la situation doit être horrible à vivre pour mon grand-père qui prend soin d’elle avec l’aide d’infirmières à domicile, d’oncles et tantes, d’amis de la famille. Je m’en veux parce que j’aimerais vraiment l’aider, mais cette situation me bloque et m’angoisse complètement. Je n’y arrive pas.

Je n’arrive plus à aller voir ma grand-mère.

La soeur de ma grand-mère est également à un stade avancé de la maladie, qui s’est déclarée à la mort de son mari, mais ses enfants refusent de voir la vérité en face et ne font que retarder l’échéance. »

Le sentiment de perdre ses proches

Il est ainsi difficile et douloureux pour la personne malade comme pour son entourage d’accepter la maladie, et de la gérer. Morgane se souvient particulièrement du moment où elle a vu la maladie avait en quelque sorte pris le dessus :

« J’ai perdu ma grand-mère, qui était atteinte de la maladie d’Alzheimer, il y a maintenant deux ans. C’était une personne formidable. Un modèle. Elle riait toujours aux éclats et relativisait chaque problème. Elle était forte et généreuse. Elle était gentille et courageuse. Malheureusement, la vie n’a jamais été très sympa avec elle.

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Pendant des années je me souviens qu’on riait souvent quand elle « radotait » ou quand elle mélangeait tous les prénoms de ses enfants et petits-enfants. Puis avec le temps, c’est devenu beaucoup moins drôle. Je me souviens que petit à petit, elle disparaissait de nos vies. Ou plus précisément, c’est nous qui quittions la sienne. Non pas par choix, mais parce qu’elle ne nous voyait plus.

Je me souviens de la pire douleur que cette maladie a provoqué en moi. Pour son anniversaire, j’ai appelé ma petite mamie, pour lui souhaiter une joyeuse année de plus. Au téléphone elle semblait perdue. Elle pensait que je l’appelais pour sa chaudière en panne. « Vous êtes venu mais ça marche toujours pas, j’ai froid »… Malgré plusieurs tentatives, elle n’a jamais compris que c’était sa petite fille en ligne. Ni que c’était son anniversaire. »

L’évolution de la maladie et la disparition de la personne telle qu’on la connaît jusque là est ce que les madmoiZelles ont le plus souligné. Cette lectrice remarque tous les signes de la progression de la maladie avec impuissance :

« J’ai toujours entendu parler d’Alzheimer comme d’une maladie terrible qui arrive très souvent aux personnes âgées, puis un jour j’ai appris que ma grand-mère en était atteinte. Elle avait de petits trous de mémoire, confondait les choses entre elles et oubliait les événements les plus récents, à tel point qu’elle devait tout écrire sur des post-it.

Petit à petit, son état s’est détérioré ; elle ne savait plus comment faire à manger, confondait les heures, avait des crises de stress régulièrement… Elle ne pouvait plus vivre seule, c’était certain.

J’étais persuadée que la maladie d’Alzheimer avançait tout doucement, sur plusieurs années. Pourtant ma grand-mère se transformait de jour en jour, devenant de moins en moins coquette, de moins en moins bavarde. J’ai appris ensuite que la maladie était différente sur chaque personne, il n’y a pas une « vitesse universelle de développement ».

Ma grand-mère a donc été placée dans une maison de retraite spécialisée, permettant de s’occuper d’elle jour et nuit. Cela fait à peu près un mois qu’elle y est, mais elle ne s’y plaît toujours pas (il paraît que le temps d’adaptation est toujours long).

J’ai vu en quelques semaines ma mamie changer du tout au tout : elle a énormément maigri, ne s’occupe plus de ses cheveux, ses paroles sont devenues rares…

Ce qu’il faut savoir au sujet de cette maladie, c’est que la personne atteinte souffre énormément. Ma grand-mère a parfois des éclairs de lucidité : elle s’excuse d’être comme cela, ou nous demande pourquoi on est tristes.

Bien sûr, il arrivera un stade où elle ne souffrira plus car elle ne sera plus consciente d’en être atteinte. Mais pour l’instant, il n’y a rien de pire que de la voir souffrir et de rester impuissant, car on ne peut rien faire. »

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Alzheimer, ça peut arriver très jeune

La maladie d’Alzheimer touche également des personnes de moins de 60 ans. D’après l’Union des associations France Alzheimer et maladies apparentées :

« On estime qu’environ 32 000 personnes de moins de 65 ans, en France, sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. Si les personnes malades jeunes sont minoritaires et donc souvent oubliées des discours sur la maladie, elles rencontrent des problèmes spécifiques liés à l’incidence sur la vie professionnelle, familiale et à l’accès aux dispositifs de prise en charge. »

C’est le cas de la mère de cette madmoiZelle, dont le diagnostic est tombé à 54 ans.

« On a contacté l’hôpital de la Salpêtrière qui est spécialisé dans la prise en charge des malades jeunes, puis on a aussi mis en place des suivis orthophoniste et psychologique. Nous avons également contacté l’association France Alzheimer et constitué un dossier à la MDPH (Maison départementale des Personnes Handicapées) qui s’occupe des malades de moins de 60 ans. Bref, comme mon père me l’avait promis, on a fait face.

Ma mère a retrouvé sa bonne humeur après le diagnostic : elle se savait malade mais arrivait à ne pas trop y penser. Cela nous aidait, on se disait que ce qui comptait, c’était qu’elle ait le moral. On rigolait souvent ensemble, car dans la maladie il est important de voir aussi le positif. On avait par exemple fait un cahier où on notait tous les mots bizarres que ma mère pouvait sortir et pour lesquels on avait de sacrés fous rires ensemble !

La maladie d’Alzheimer toucherait 32 000 personnes de moins de 65 ans en France.

À mon retour d’un séjour à l’étranger, ma mère était dans une sorte d’état dépressif, elle n’avait plus envie de rien et ne prenait aucune initiative. On a dû être présents tout le temps, elle n’avait plus le réflexe de manger, ne savait plus comment se laver, ni comment s’habiller… Il fallait la guider dans chaque étape du quotidien.

Cela était d’autant plus difficile qu’elle était agressive et qu’elle avait des lubies inexplicables, comme celles de penser qu’elle n’avait plus de clefs et qu’elle ne pouvait plus sortir, ou de penser qu’on ne l’aimait pas et qu’on voulait se débarrasser d’elle.

Mon père m’a dit que cet état était nouveau et datait de mon retour. Je pense qu’elle s’est sentie mise de côté, j’ai peut-être pris beaucoup de place dans la maison… J’ai donc simplement essayé d’aider mon père tout en ne mettant pas ma mère de côté, je l’ai accompagnée à ses rendez-vous, je suis restée avec elle au maximum. On a resserré les rendez-vous avec sa psychologue et puis on essaie de communiquer au maximum avec elle, de la rassurer, la câliner. Car il faut savoir que si les malades ne comprennent plus tout ce qui les entoure, ils restent très sensibles à tout ce qui est émotionnel et gestuel !

Mes grands-parents sont aussi très présents, on essaie de ne jamais la laisser seule. Je crois que ça commence à aller mieux, elle a retrouvé sa joie de vivre et est redevenue un peu plus active… Elle ressort seule, mais je sais que tout n’est pas gagné, et que la maladie continue de progresser. On fait tout pour que cela soit le plus lent possible, elle fait des exercices d’écriture et de lecture chaque jour, c’est vraiment une battante. J’ai tellement d’admiration et d’amour pour elle.

Encore aujourd’hui, ma famille fait front, ainsi que ses amis — enfin, les plus proches : beaucoup ne donnent plus de nouvelles. Je peux comprendre, la maladie fait peur, et l’échange avec le malade n’est pas toujours facile. Mais elle doit rester entourée coûte que coûte. On essaie de préserver son autonomie au maximum, mais on envisage tout de même d’avoir recours à une aide à domicile quelques heures par semaine car le quotidien devient vraiment difficile.

Sauf que cela coûte cher : il faut donc faire des démarches auprès de la MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) pour avoir une aide financière, mais elle ne sera probablement pas suffisante pour tout payer. Ma mère refuse pour l’instant d’aller quelques jours par mois dans un accueil de jour, elle pense qu’elle ne sera qu’avec des personnes âgées. On pense que cela lui serait bénéfique, cela lui éviterait de rester seule à la maison à ne rien faire quand on n’est pas là, mais on ne peut pas la forcer…

Les malades ont besoin d’un important soutien humain et financier.

J’ai très peur de l’avenir, je n’ose pas penser au jour où elle ne me reconnaîtra plus, au jour où elle devra intégrer une maison de retraite. Je me fais aussi beaucoup de soucis pour mon père, qui doit revoir tous les projets qu’il avait fait avec ma mère. Je l’admire également beaucoup. Il arrive à rester optimiste malgré ses propres problèmes. Il fait face, même si ce n’est pas facile pour lui de voir sa femme dans cette situation, d’autant que cela fait écho à son enfance… Il est d’une patience infinie avec ma mère et continue de l’aimer.

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On vit donc au jour le jour et on essaie de ne pas trop se projeter. La maladie est toujours présente, depuis qu’elle est là j’ai l’impression que plus grand-chose n’a de sens… Je pense souvent, dans ma vie de tous les jours, à ce que ma mère aurait dit dans telle ou telle situation. C’est assez difficile de se faire à l’idée que ma mère est malade, elle est tellement jeune ! On n’envisage pas de telles situation, d’autant qu’il n’y a aucun antécédent dans la famille.

On apprend à vivre avec, même si c’est dur de la voir s’éloigner un peu plus de nous chaque jour. Mais elle est encore là, et je compte bien en profiter le plus possible. Je garde le moral, j’essaie de rester optimiste et de relativiser, et je pense que mon entourage aussi. »

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La difficulté de gérer la maladie, pour la personne atteinte d’Alzheimer

La dépression n’est ainsi pas rare chez les personnes atteintes d’Alzheimer quand elles se rendent compte de ce qui leur arrive… Lou, étudiante infirmière qui a fait deux stages dans ce domaine, explique :

« Contrairement à ce qu’on pense, ces personnes se rendent compte de ce qui leur arrive, surtout lors des débuts de leur maladie. Elles comprennent que leur vie ne sera plus jamais comme avant, et que même si ça l’était, elles ne pourraient plus le remarquer. Qu’elles oublient tout et que ça n’ira jamais mieux.

Comment réagirions-nous si on voyait notre vie et nos souvenirs nous échapper ? Sûrement comme la plupart des gens : ils se renferment petit à petit, parfois avec l’apparition d’un syndrome dépressif et surtout beaucoup d’angoisse. Imaginez : un inconnu arrive, vous embrasse, vous appelle « maman » ou « papa », alors que dans vos derniers souvenirs vous n’aviez qu’une quinzaine d’années…

On retrouve souvent des personnes dans une perpétuelle angoisse, qui pensent avoir oublié d’aller chercher leur enfant à l’école, qu’on ne les laisse pas sortir d’un lieu qu’ils ne connaissent même pas. »

Framby aussi l’a constaté :

« Comme beaucoup (trop) de personnes, ma famille et moi avons été confrontés à la maladie d’Alzheimer. Mes deux grands-parents maternels en étaient atteints.

Après le décès de mon grand-père, on savait tous ce qu’était Alzheimer. Mais quand ma grand-mère perdait légèrement la mémoire, on voulait tous croire que c’était la vieillesse. Parce qu’après tout, c’est normal quand on vieillit, non ?

Puis un jour le diagnostic est tombé. Le coup de massue.

Je pense qu’on a tous une idée des effets d’Alzheimer sur la personne atteinte et notamment ceux liés à la perte de la mémoire : les souvenirs qui s’effacent des plus récents aux plus anciens, les repères qui disparaissent, la perte de la notion du temps… Pour ma grand-mère il y en avait notamment un autre : la dépression. Elle qui avait toujours été active, créative et drôle, est devenue peu à peu triste et sans vie.

De nombreux malades souffrent de dépression.

Elle ne s’alimentait plus ou peu et restait couchée toute la journée, et ça avant ce qu’on appelle « la phase terminale ». Elle nous a confié une fois qu’elle espérait seulement s’endormir et ne plus de réveiller. Et nous avons tout de même continué à essayer de la faire rire, à faire attention d’être de bonne humeur, souriant•e•s… On s’est efforcé•e•s de prendre les choses avec légèreté (devant elle du moins). Est-ce qu’on faisait bien ? Je ne sais pas.

Ça a été vraiment difficile pour nous de voir sa personnalité s’effondrer, de la voir sombrer dans la dépression. Au final je ne sais pas pour qui c’est le plus dur : le malade lui-même ou son entourage ? Elle qui avait tant redouté d’avoir un jour cette maladie était désormais pleinement consciente d’être atteinte et avait l’impression de perdre sa dignité. Et nous restions impuissant•e•s face à son désarroi. »

À lire aussi : Les TED de la semaine − La dépression

Alzheimer, une maladie héréditaire ?

Plusieurs madmoiZelles ont souligné le caractère héréditaire que la maladie prend parfois. La famille de cette madmoiZelle est ainsi particulièrement accablée par la maladie d’Alzheimer :

« Cette maladie touche et a touché ma famille sur plusieurs générations.

Pour ma grand-mère la maladie a débuté vers 45 ans, et elle a été alitée (état végétatif) à 53 ans. Elle est décédée il y a 15 ans à 68 ans, soit après quinze ans d’état végétatif (nourrie par sonde), des années pendant lesquelles mon grand-père l’a toujours gardée à domicile.

Les souvenirs que j’en ai sont ceux d’une femme au visage violet, extrêmement maigre et poussant des râles toute la journée (j’avais 13 ans quand elle est décédée et je l’ai toujours connue comme ceci). Comble du malheur, mon grand-père s’est remarié quelques années plus tard avec une femme qui a, elle aussi, été atteinte d’Alzheimer…

Ma mère a quant à elle 57 ans. On estime les premiers symptômes à 50 ans même si c’est très difficile à dater. Aujourd’hui, elle n’est plus autonome (à cause de la perte des repères spatio-temporels), ne parle plus beaucoup et a du mal à trouver ses mots : elle va chez l’orthophoniste et fait des exercices niveau CP, elle qui aimait tant les livres…

Elle n’a jamais vraiment fait de « bêtises », du style oublier des choses, s’enfuir de chez elle… C’est plutôt toute sa personnalité qui a disparu au fil de ses années : elle s’est peu à peu effacée, désintéressée de tout, avec de moins en moins de jugements, d’émotions, de réactions (par exemple sur l’actualité).

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Mon père a 65 ans et ne pourra sûrement pas la garder à la maison jusqu’à ses 60 ans. Le problème, c’est qu’on ne peut pas rentrer en EHPAD (établissement pour personnes âgées dépendantes) avant 60 ans ! Quelques structures existent mais la plus proche est à 150km…

J’ai très peur du futur. Je ne veux pas que ma mère reste, comme ma grand-mère, quinze ans dans un état végétatif. Je trouve qu’elle lui ressemble physiquement de plus en plus et cela me terrifie.

C’est très difficile de voir sa maman, qui était si belle et si intelligente, maigrir et se dégrader semaines après semaines, mois après mois, années après années. Surtout sur le plan intellectuel. Quand nous mangeons ensemble à table, elle nous regarde et ne dit rien, nous fixant du regard parfois, tellement absente.

Ce n’est plus la même personne. Mais je l’aime toujours autant. Tellement. Je le ressens comme un deuil interminable, impossible à faire.

Ma mère n’est plus la même personne.

Et pour moi, c’est très dur de vivre au quotidien avec cette épée de Damoclès. Alors, parce que je ne veux pas vivre dans cette incertitude toute ma vie, je commencerai bientôt un processus de conseil génétique.

J’ai 27 ans, je commence à peine ma vie professionnelle après de longues études. J’aimerais tellement avoir le choix, faire des enfants tranquillement à partir de 35 ans mais je ne sais pas si je le pourrai. Si je suis porteuse du gène, je ne ferai pas d’enfants car je refuse de transmettre ce qui fait tant souffrir ma famille depuis des générations.

Beaucoup d’autres personnes sont malades dans ma famille : sur les quatre frères et sœurs de ma mère, au moins deux sont malades, et un est déjà décédé. Mes deux oncles ont et ont eu une vie chaotique sur fond d’excès et d’alcoolisme, n’ayant jamais supporté cette situation : ils étaient encore enfants quand ma grand mère est tombée malade, et mon grand-père n’a pas su gérer la situation — qui l’en blâmerait ?

Des cousins de ma mère ont été malades dès 35 ans. L’oncle de ma mère a vu sa femme et ses trois enfants mourir. Cette maladie est une plaie, une vermine qui ronge ma famille. Parfois j’en veux à mon frère, à mes cousines qui font des enfants sans savoir ce qu’ils transmettent. Je voudrais leur dire d’arrêter, mais c’est leur vie, c’est leur choix.

Malgré tout, je reste quelqu’un de profondément optimiste. Le diagnostic posé sur ma mère a été un électrochoc : avec mon compagnon, on s’est dit qu’on devait profiter et vivre notre vie à fond. Alors que je vive 40 ou 80 ans, je ne veux rien regretter, je veux juste vivre.

Par ce témoignage, j’aimerais qu’on sache qu’Alzheimer n’est pas qu’une maladie de « vieux ». Or, il existe encore très peu de structures adaptées pour les personnes malades avant 60 ans. Comment aurions-nous fait si mon père avait le même âge que ma mère et n’était pas à la retraite ? »

Cependant, on ne parle d’hérédité de la maladie d’Alzheimer que pour une infime partie des malades. Le Centre National de Référence pour les Malades Alzheimer Jeunes explique ainsi :

« La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative (c’est à dire perte progressive des neurones) affectant le cerveau des patients. Elle est responsable de perturbation progressive des fonctions mentales durables perturbant la vie quotidienne. La mémoire est la fonction la plus souvent touchée mais d’autres capacités mentales peuvent de façon variable être affectées : la reconnaissance, l’orientation, le langage…

Les causes exactes d’apparition de la maladie d’Alzheimer ne sont pas complètement connues. Elles associent à la fois des facteurs génétiques et à des facteurs environnementaux. La fréquence de la maladie d’Alzheimer dans la population âgée est telle qu’il n’est pas rare de constater dans sa famille, un cas âgé de maladie d’Alzheimer. Pour autant toutes ces familles ne sont pas concernées par une forme héréditaire de la maladie. Seule une minorité d’entre elles ont effectivement une anomalie génétique responsable d’une forme dite « héréditaire ».

Cette situation est très rare. Elle représente moins de 0,1% de tous les patients atteints de maladie d’Alzheimer. La principale caractéristique dans ces formes héréditaires est l’âge d’apparition des premiers symptômes. Dans la très grande majorité des cas, la maladie commence avant 65 ans voire même avant 50 ans. Cela signifie que les premiers symptômes commencent à un âge dit « précoce », tout à fait inhabituel. Ces symptômes peuvent être constatés par le patient lui-même ou par l’entourage familial, professionnel, etc. La seconde caractéristique est que la maladie va être rencontrée à chaque génération dans la famille. On dit qu’elle se transmet de génération en génération.

Ainsi par exemple, avoir 2 membres d’une famille (par exemple 2 grandes-tantes) qui ont eu cette maladie vers 75 ans n’évoque pas une forme héréditaire. À l’inverse, la découverte de la maladie d’Alzheimer chez un patient de 56 ans alors qu’un de ses parents a lui-même été suivi à partir de 60 ans pour cette maladie, doit faire envisager l’existence d’une forme héréditaire.

On connaît à l’heure actuelle 3 gènes différents, responsables de ces formes héréditaires. Une anomalie concernant l’un de ces 3 gènes suffit à entrainer l’apparition de la maladie. Elle se développera alors obligatoirement avant 65 ans. »

Le désarroi des proches

Tous les témoignages ont souligné que la maladie d’Alzheimer touche également les proches, qui accompagnent la personne malade et sont les témoins de l’évolution inéluctable de la maladie. Les deux grand-mères d’Audrey sont atteintes de la maladie, et elles sont dans la même maison de retraite. Malgré leur très bonne prise en charge par le personnel soignant, la situation reste très difficile pour les proches :

« Nos besoins de soutien, de compréhension ont tous été compris et respectés par le personnel de la maison dans laquelle mes grand-mères sont placées, et j’ai globalement l’impression que nous avons été parfaitement pris en charge. Mais il nous arrive tout de même de nous sentir démuni•e•s face à cette situation. Peut-être que cela est arrivé trop soudainement, sans vraiment d’explications et qu’en connaître l’issue est encore un peu dur à digérer.

Actuellement, mes deux grands-mères sont en phase sévère et malgré nos visites récurrentes, le sentiment d’impuissance prend énormément de place. »

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Une personne atteinte d’Alzheimer ne peut être laissée seule, et exige d’être très entourée et soutenue par ses proches, auxquels incombe bien souvent la responsabilité du malade. Émilie, dont la grand-mère est malade, nous explique :

« C’est une grande contrainte pour sa famille, car malgré le traitement pour retarder le développement que le médecin lui a donné, ça empire. Elle nous pose dix fois la même question en cinq minutes, parfois à seulement dix secondes d’espace. « Alors, tu repars quand ? », « Demain soir ! Je passerai te voir avant de repartir », « D’accord, mais… tu t’en vas quand ? ». Et c’est ainsi tout le temps.

Mon oncle s’est installé chez elle pour pouvoir la surveiller et pour éviter de la mettre en maison de retraite, ça la tuerait. Ma mère l’appelle tous les jours, passe la voir trois fois par semaine. Ma grand-mère voit également une infirmière tous les jours, pour lui faire prendre ses médicaments : il faut éviter qu’elle ne les oublie sinon on doit recommencer le traitement à zéro. L’infirmière vient également lui fait également sa toilette, car ma grand-mère peut oublier de se laver pendant plusieurs jours en pensant qu’elle vient de le faire.

Elle a du mal à se souvenir de ce qu’elle a chez elle, et quand on ouvre son frigo ou son placard, on tombe nez-à-nez avec cinq paquets de jambons, six kilos de pâtes. Une fois je suis tombée sur du gel douche dans le frigo : elle avait oublié que ça allait dans la salle de bain.

C’est vraiment difficile pour nous de devoir toujours être présents ; même si on a fait notre journée de travail, qu’on en a plein les bottes, il faut être là, et c’est comme surveiller un enfant. On est obligé•e•s d’être derrière son dos, tout le temps. Pour éviter qu’elle ne se fasse mal, qu’elle se perde. Pour l’aider à travailler sa mémoire à court terme. Elle se souvient de son enfance, sa jeunesse, son mariage, ses enfants jeunes.Mais elle est obligée d’avoir un post-it pour se rappeler que son mari est mort en 2005, pour les anniversaires, pour savoir qui est né quand…

…et elle égare ce post-it assez souvent. »

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Cassie et sa famille ont également fait tout ce qu’ils pouvaient, assumant une responsabilité de taille :

« J’ai fini par découvrir que mon grand-père n’était plus capable de se laver tout seul et que ma grand-mère s’occupait de lui. Il ne savait plus s’habiller alors elle s’en chargeait. Elle le faisait asseoir sur le bord du lit ; il restait les yeux dans le vide quand elle lui demandait de soulever un pied. Alors elle hissait sa jambe d’une main et enfilait la chaussette de l’autre, et il restait là, hagard. Elle était fatiguée parce qu’elle devait sans cesse le soulever, le soutenir, l’aider, le guider.

C’était un travail à temps plein, et elle ne dormait que d’un œil de peur qu’il quitte la maison. Elle gérait tout toute seule, elle ne nous disait pas grand-chose sur son état, elle minimisait ses pertes de mémoire : « Oh, ton grand-père est fatigué, c’est de son âge aussi, tu verras, à ton tour ». Elle le protégeait.

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On a réussi à convaincre ma grand-mère de l’emmener chez un médecin, à surmonter la honte. Le diagnostic est tombé, mais on a mis des mois à l’accepter, à l’admettre, et à dire Alzheimer à voix haute. Grâce au CLIC, ma grand-mère a pu avoir des aides : une dame venait pour la toilette une fois tous les deux jours, et une pour le ménage une fois par semaine. On avait tous très peur que ma grand-mère meurt d’épuisement.

Ensuite mon grand-père a commencé à oublier sa famille. D’abord les derniers-nés, puis les plus vieux. Il m’appelait par le prénom de ma tante, m’appelait « mon petit rayon de soleil », lui qui ne donnait jamais de surnom… Il pleurait parfois en souriant quand il me voyait arriver. C’était déstabilisant de le voir si émotif alors qu’il avait toujours eu sa carapace de gars solide et neutre. Il était vraiment perdu.

Tant qu’il se rappelait de nous, je gardais espoir, en un miracle, un résultat incroyable d’une recherche sur un remède spectaculaire, j’étais prête à croire n’importe quoi. Et puis non, il nous oubliait, nous aussi. Ses arrières petits-enfants, puis nous, les petits-enfants, puis ses enfants.

C’est dur de rendre visite à quelqu’un qui ne vous reconnait pas. Il faut arriver souriant•e et sûr•e de soi, faire la bise à quelqu’un qui se recule avec méfiance, lui dire « Salut grand-père, c’est Cassie, je suis la fille d’Olivier, ton troisième fils, j’habite à cinquante mètres ! La dernière fois qu’on s’est vus on a chanté la chanson sur le feu de cheminée, tu veux que je la chante pour toi ? ». Il faut être très très souriant•e, parce qu’il faut compenser sa dépression, ses rares moments de lucidité où il prend conscience de sa condition, et que ça le brise. Il faut sourire même si on a les yeux tout flous à cause des larmes.

Mais ma grand-mère était là, constante, aimante, dévouée, alors on laissait la situation faire son chemin. Il y avait des rendez-vous chez « un spécialiste de la maladie » qui lui faisait faire des exercices pour évaluer l’avancée de la maladie, faire travailler la mémoire. Mon grand-père était paniqué à l’idée d’échouer à un test, de mal répondre à une question, de montrer que sa mémoire flanchait. Alors pendant le rendez-vous, ma grand-mère était chargée de prendre des notes en douce. Et quand la veille elle lui rappelait qu’ils avaient un nouveau rendez-vous, ils révisaient ensemble les questions. Mon grand-père ne savait plus lire, alors elle lui lisait ses notes pour qu’il soit brillant pendant l’examen.

Elle le faisait manger aussi, avec une grande serviette autour du cou, comme les enfants. Il ne savait plus comment faire tout seul. Quand on s’inquiétait elle nous rappelait ses vœux de mariage : pour le meilleur et pour le pire, se soutenir dans la maladie, tout ça. Et elle continuait de prendre soin de lui.

Une nuit on a été réveillés à quatre heures du matin : mon grand-père était à la porte d’entrée en pyjama, complètement paniqué et agité, à nous dire qu’il ne savait pas où il était, qu’il ne trouvait pas ses parents, qu’il avait besoin d’aide. La dame qui s’occupait de sa toilette qui m’a dit qu’il ne faut pas contredire un malade d’Alzheimer, il faut toujours aller dans son sens... On peut le mettre face à ses incohérences, mais toujours en posant des questions : « Ah oui, mais où peuvent être tes parents ? C’était quand la dernière fois que tu les as vus ? Et quel âge as-tu, pour être laissé tout seul comme ça ? »

Il était persuadé d’être un enfant, il avait peur qu’il soit arrivé quelque chose à ses parents. C’est très dur, quand on est un descendant, de comprendre qu’on n’existe pas dans son univers. Alors on prend le rôle d’un voisin pour ne pas le paniquer plus.

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La plupart de la famille ne lui rendait plus visite, ou venait à l’heure de la sieste et s’éclipsait à son réveil. Ma grand-mère était trop occupée quand il était réveillé, elle devait « faire les sous-titres » tout le temps. Répéter, dire qui est qui, les liens avec lui, mais si, souviens toi, untel, le fils de machin, qui venait nous aider aux battages. Alors on ne restait pas, parce que c’était éprouvant pour tout le monde.

Plusieurs fois de suite j’ai assisté à son réveil : il descendait les escaliers très doucement sur la pointe des pieds, et quand il apercevait ma grand-mère et moi il paniquait, alors ma grand-mère lui disait doucement : « Je suis Cécile, ta femme, nous sommes mariés depuis 54 ans, nous vivons ici tous les deux, nous avons eu six beaux enfants, et je suis avec Cassie, ta petite fille, la fille d’Olivier. Viens t’asseoir avec nous, on allait justement prendre le goûter ».

La patience de ma grand-mère et son dévouement auront permis à mon grand-père de passer plusieurs années loin des maisons de retraite. Mais il l’a trop usée. Il a fallu prendre la décision de le placer, au moins pour préserver ma grand-mère. Ça a été très dur, ma grand-mère refusait, elle ne voulait pas « l’abandonner ».

Quand il a été placé, il était compliqué de lui rendre visite les six premiers mois. Au moment de partir il nous suppliait de ne pas le laisser ici, de ne pas lui faire « subir ça ». C’était déchirant.

Les proches culpabilisent souvent.

Et puis il a continué à décliner, il ne percevait plus s’il y avait du monde autour de lui ou pas, il n’y avait plus aucune réaction dans ses yeux, son attitude. Il était éteint. Il ne s’alimentait plus, il attendait, les yeux vides. Il n’avait que la peau sur les os, il n’avait plus de dentier, il avait souvent des vêtements tachés. Ma grand-mère était très touchée, très malheureuse, elle se sentait coupable. Elle se sent toujours coupable.

La dernière fois que j’ai vu mon grand-père, c’était plusieurs mois avant sa mort. Je suis allée dans la pièce de vie, il dormait dans une chaise, la tête renversée en arrière. Une employée m’a dit de le réveiller en lui touchant l’épaule. Il s’est réveillé, il avait la bouche toute collée, il m’a regardée sans me voir et il est resté immobile, hagard. Je suis vite sortie me cacher dans les escaliers, j’ai éclaté en sanglots, c’était fini pour moi.

J’ai entendu une aide-soignante me dire de ne pas m’inquiéter, qu’il allait bien en ce moment. Je n’ose pas imaginer ce que c’était quand il allait mal. Je n’ai pas pu y retourner.

Son cœura fini par s’arrêter, un peu plus d’un an après son entrée en maison de retraite, mais j’avais perdu mon grand-père depuis déjà bien longtemps. À son enterrement, mon père m’a dit qu’il avait peur de cette maladie et il m’a demandé de le tuer le jour où il ne reconnaîtrait plus sa femme. »

À lire aussi : Ce que je dirais à ma grand-mère décédée si elle revenait pour une heure

Pour les proches de la personne malade, l’un des aspects les plus difficiles est de devoir faire le deuil de la personne telle qu’on l’a connue, et de la voir disparaître peu à peu. Lau raconte:

« Jusqu’à un certain moment, la maladie d’Alzheimer n’empêchait pas ma grand-mère de profiter de quelques petits plaisirs : une petite tartelette aux fraises, un joli bouquet de fleurs. Puis elle a arrêté de profiter de tout ça, et nous nous demandions : est-ce encore de la vie quand il n’y a plus aucun plaisir ?

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Moi, je détestais la savoir dans cet état-là, elle était maintenue en vie, elle survivait, mais elle ne vivait plus depuis longtemps. Ce n’était plus ma grand-mère.

Le problème d’Alzheimer, c’est que ça ne peut pas s’améliorer. On a beau chercher un sourire, s’accrocher à une petite lumière au fond des yeux de la personne atteinte, elle s’enfonce dans un long tunnel noir, seule, et on sait qu’elle ne reviendra pas. Malgré toute l’aide médicale dont elle était entourée (même s’il y a eu des négligences), malgré les visites de ma tante, je crois que ma grand-mère était seule dans ce tunnel de la maladie.

Onze jours avant la journée mondiale de lutte contre la maladie d’Alzheimer, ma mère m’a appelée : « Mamie est partie ». Je suis très triste, mais je ne peux pas m’empêcher d’être un peu soulagée : elle ne souffrira plus jamais, elle n’aura plus jamais peur en voyant les visages de ses petits enfants qu’elle ne reconnaissait plus. Sa vie avait été suffisamment belle, remplie et longue pour ne pas avoir besoin de ces années en plus, années rongées par Alzheimer.

Elle allait avoir 94 ans, et comme l’a dit ma tante à l’enterrement mardi dernier, c’est un bel âge quand on a toutes ses facultés intellectuelles et cognitives. Mais pas quand on souffre d’Alzheimer, au point de ne plus connaître un seul instant de plaisir.

Je crois que ma grand-mère était seule dans ce tunnel de la maladie.

Ce mot, Alzheimer, est ma plus grande peur. J’ai 24 ans, et j’ai très peur de la vieillesse, très peur de vieillir et de voir mon entourage vieillir, à cause de cette maladie qui ne peut connaître aucune évolution positive. Je me demande quand la recherche nous permettra de vivre mieux avec cette maladie.

On dit toujours que l’espérance de vie est beaucoup plus longue qu’avant. Je ne suis pas d’accord : on vit certes plus longtemps, mais dans quel état et dans quelles conditions ? En fait, l’espérance de vie en bonne santé n’a pas beaucoup changé, la mort arrive plus tard, mais elle est précédée de maladies en tout genre (Parkinson, Alzheimer…) qui ne permettent plus de vivre. Oui, les progrès médicaux ont fait plein de bonnes choses. Mais les progrès médicaux permettent aussi des choses inacceptables pour les familles des personnes qui souffrent.

Un dernier mot, sur l’euthanasie : je ne sais pas ce que j’aurais décidé, dans le cas de ma grand-mère, si ça avait été autorisé en France. Je crois que si un jour c’est accepté, il faudra bien sûr que ce soit extrêmement réglementé. Mais je ne comprends pas pourquoi les animaux ont le droit de ne plus souffrir, alors qu’on refuse ce droit aux humains. »

À lire aussi : La fin de vie, un choix intime confisqué par les députés

Tomi a ressenti le même sentiment au décès de sa grand-mère atteinte d’Alzheimer :

« J’avais dix-sept ans quand mamie est partie. C’était un matin, et je me suis réveillée, j’ai traîné dans ma chambre. Le téléphone a sonné, et j’ai entendu maman se mettre à pleurer. Ma gorge s’est serrée, mais je n’ai pas pu pleurer, je n’ai pas pu parler. Je crois que j’ai fermé les yeux, et le sentiment le plus puissant, mêlé au chagrin et à la tristesse, c’était par-dessus tout le soulagement.

On en était arrivés à un tel point que c’était la seule chose que je pouvais me dire. On n’en pouvait plus. J’en étais presque heureuse, pour mamie mais surtout pour ma mère, qui avait tout enduré seule, ou presque, comptant sur l’appui de son neveu, retrouvé grâce (où à cause, je ne sais pas) de cette maladie qui les touchait. J’étais heureuse que finalement, ma grand-mère ait pu retrouver son époux, sa première fille qu’elle n’avait pas pu connaître et son fils, et j’étais heureuse à l’idée que le climat tendu puisse enfin s’apaiser, et que les disputes puissent être enterrées.

J’étais heureuse, pas de la mort de ma grand-mère, mais qu’elle puisse enfin être en paix. Parce qu’on ne savait pas si elle souffrait finalement, on ne savait pas ce qui se passait dans sa tête. Pour moi, ma grand-mère était déjà partie depuis longtemps maintenant que ses yeux étaient ternes, que son visage devenait inexpressif. Ce n’était plus qu’une source de conflit, de peine et de colère, et les seuls sourires qui subsistaient encore, c’était ceux de nos souvenirs.

On ne peut pas se réjouir de la mort de quelqu’un, et je me sens coupable d’avoir été soulagée, mais je savais que ce serait la fin de trop de problèmes qui avaient fait souffrir tout le monde. Alors, entre le choc et le chagrin, s’ajoutait une pointe d’apaisement, de délivrance.

Ma mère a dû tout faire seule, soutenue par mon père. Nous étions là aussi avec ma sœur, mais pour autant, nous ne pouvions pas nous investir autrement qu’en nous occupant directement de mamie. Ma mère a dû travailler, chercher des aides soignantes seule, s’occuper de ma grand mère durant vacances et week-ends, rechercher des maisons de retraites (pas réellement par choix mais parce que ma grand-mère s’est faite renvoyer de son foyer à cause de sa maladie), gérer tous les aspects administratifs, seulement secondée par mon père.

En plus de cela, elle devait également aider ma sœur pour ses cours, m’aider pour les miens, supporter mon égoïsme, ma crise d’adolescence et mon absence d’implication pendant mes études. Je ne me suis rendu compte que récemment à quel point j’avais été infecte, à quel point elle avait souffert, mais surtout, à quel point ma mère avait été courageuse. C’est peut-être l’une des choses que je retiendrai le plus de cette maladie, et peut-être la chose que l’on oublie le plus souvent à son sujet, c’est à quel point il faut être courageux, brave, pour y faire face. »

Et comme Célia en témoigne, le soutien doit s’exercer à plusieurs niveaux :

« Au bout d’un dizaine d’année à surveiller celle qui était devenu un vrai enfant, mon grand-père a craqué. Il est tombé en dépression, en voulait à la terre entière. Nous avons donc pris ensemble la décision de placer ma grand-mère dans une maison de retraite, dans la commune où habite ma mère Elle se trouve dans une aile spécialisé pour les patients atteints d’Alzheimer, très sécurisée, avec du personnel très bien formé. Ils nous épaulent beaucoup lors de nos visites.

Depuis qu’elle se trouve dans ce centre, ma grand-mère ne nous reconnaît plus du tout, ils disent qu’elle a « basculé de l’autre côté ». C’est mieux, cela nous fait moins de peine. Elle est avec des gens qui la comprennent, si on peut dire ça. Elle s’est même fait une amie avec qui elle marche tout autour de la pièce centrale pendant des heures. Cela a été plus dur pour mon grand-père, le fait de voir sa femme, presque dans une cage… Et il faut juste attendre. Seulement, elle vit, elle.

Mon grand-père est entré un jour dans sa chambre à la maison de retraite et l’a trouvée nue avec une autre homme… Bien sûr, elle ne se rend pas compte, mais cela a fait beaucoup de peine à mon grand-père.

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Nos visites ont fini par s’espacer. Nous essayons tout de même d’y aller de temps en temps, mais c’est surtout pour notre conscience : elle ne se rend compte de rien.

Ce qui est compliqué aussi, c’est que ce genre de maison de retraite n’est pas donné. Disons qu’il faut payer 1 700€ par mois pour la nôtre. Mon grand-père perçoit quelques aides, mais cela reste difficile. Il ne peut plus trop vivre comme il l’entend. Le problème de l’argent est récurrent dans beaucoup de familles. »

Marianne, infirmière dont les grand-parents ont tous les deux été touchés par la maladie, tient à souligner  :

« Une des caractéristiques de la maladie d’un point de vue familiale est la culpabilité : les aidants naturels ont souvent beaucoup de mal à faire entrer en institution la personne malade. Pour ma grand-mère, cela s’est fait sur plusieurs années. Mon oncle et ma tante ont géré pendant de longues années le quotidien de mes grands-parents, l’un en étant sur place et l’autre en mettant en place la gestion des rendez-vous, des courses, de l’administratif.

Sans toute cette mise en place et la présence de chacun, il aurait été impossible de le garder aussi longtemps à domicile. J’ai rencontré en stage certaines familles dans l’impossibilité (pour cause de maladie, décès d’un aidant, ou quelque raison que ce fut) de continuer une prise en soins à domicile. C’est alors le sentiment de culpabilité qui prédomine. Ils craignent que la personne soit malheureuse, ils ont l’impression de la laisser tomber.

Et quelque part, c’est une nouvelle étape, qui rapproche de la mort. En tant que personnel soignant il faut réussir à accompagner au mieux la personne mais aussi la famille dans le deuil d’une situation qui ne sera plus.

Il faut savoir un point important sur l’aidant naturel. Toute maladie confondue, il y un aidant sur trois qui décédera avant la personne aidée. Pour la maladie d’Alzheimer et apparentées, il s’agit de 40% des aidants.

Je ne suis pas dupe. J’ai vu trop de patients atteints de la maladie et en mourir pour ne pas savoir ce vers quoi mon grand-père va. À chaque fois que je passe le voir, je me demande comment il sera la prochaine fois. Pour l’instant il peut encore lire, parler, marcher, manger. Vivre.

Mais la maladie n’a pas de traitement radical. Et je frémis en repensant aux personnes que j’ai prises en soins en tant qu’étudiante infirmière. Je ne veux pas que mon grand-père soit alité. Qu’il ne puisse plus s’exprimer, ni réagir à notre présence. Aujourd’hui même si ce n’est plus tout à fait l’homme que j’ai connu, je crains le jour où on ne pourra plus du tout l’accompagner dans ces petits moments qui font sa vie. Quand on ne pourra plus l’accompagner devant la fenêtre pour regarder les passants. Quand on ne pourra plus l’écouter lire les noms sur les portes dans le couloir.

Un des points qui rend la maladie d’autant plus difficile à vivre, autant pour le malade que pour la famille, est son caractère inéluctable. Il n’existe pas de traitement permettant de guérir. En fait le traitement le plus fréquemment utilisé convainc peu : il n’améliore pas les capacités cognitives, la mémorisation en rapport à l’état de la personne avant la prise. Il est frustrant de prendre/donner un traitement tous les jours sans noter d’amélioration. De mon expérience, c’est autant la famille que les soignants qui remettent en question l’utilité… Pourtant, il est important de savoir que la prise du traitement retarde de deux ans l’entrée en institution.

Bien sûr, je rêve d’un traitement. Pas d’un traitement allongeant l’espérance de vie ou faisant traîner encore plus les choses, mais qui permettrait de stabiliser la maladie, voire (soyons un peu fou, car pour moi c’est cliniquement impossible) qu’on puisse faire faire marche arrière à la maladie et retrouver la personne comme avant les premiers symptômes.

Je rêve d’un traitement.

Travaillant dans le milieu, j’ai vu beaucoup de maltraitance envers les personnes Alzheimer. Cette maltraitance est le plus souvent imputable à un manque de moyen financier, matériel et donc humain. Une personne Alzheimer en institution a besoin de stimulation, elle a besoin de présence. Dans beaucoup de services les effectifs ne sont pas alignés.

Il existe des services spécialisés Alzheimer, que je connais de réputation, mais où je n’ai jamais eu l’occasion d’aller. Les retours sont très positifs, avec du personnel en quantité et formé spécifiquement, une adaptation au rythme de chaque patient•e, une possibilité de déambulation contrairement à certains services avec porte fermé et code pour limiter les risques de fugue.

Mon grand-père est dans un établissement plus traditionnel et au vu de mes stages je n’étais pas rassuré pour la prise en soins en EHPAD de personne Alzheimer. Mais j’ai été surprise dans le bon sens. S’ils n’ont pas les moyens des unités spécialisées, la démarche d’établissement et la volonté mise en place par les équipes font plaisir à voir. Le personnel est présent, à la fois pour lui, et pour répondre à nos interrogations. »

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L’espoir en la recherche

De très nombreuses madmoiZelles qui ont témoigné ont évoqué le peu d’informations qu’elles ont eues sur la maladie. Pour beaucoup de personnes malades, le diagnostic met parfois du temps à se faire, du fait de la méconnaissance de certains symptômes. De la même façon, l’évolution d’Alzheimer, les possibilités de prise en charge et les éventuelles suites chez les descendants sont restées floues pour beaucoup.

L’incertitude renforce alors les peurs, ajoutant à la douleur de la perte du proche, de l’évolution de sa maladie, celle de voir que les médicaments ne freinent pas forcément le processus, et que le cauchemar va peut-être recommencer chez un autre proche.

Cassie souhaiterait en savoir plus sur Alzheimer — et qu’on puisse soigner la maladie :

« J’aimerais que la recherche apporte un miracle, atténue cette maladie ou l’éradique. C’est affreux pour le malade quand il prend conscience de son état. C’est affreux pour les amis, qui ne savent pas comment se comporter. C’est affreux pour la famille, qui est impuissante, qui essaye de tenir bon, de faire face au chagrin et à la douleur. C’est affreux de faire le deuil de quelqu’un qui est encore en vie, mais qui est condamné à ne plus jamais être lui-même.

Dans ma famille on en parle très peu aujourd’hui. Alzheimer, c’est un brouillard de silence qui enveloppe le malade et son entourage. »

Avec le recul, Coralie aurait elle aussi aimée être un peu guidée, et que sa grand-mère continue d’être considérée comme une personne à part entière :

« J’aimerais évidemment que la science comprenne cette maladie, au-delà du fait de trouver un traitement. Des progrès au niveau du dépistage seraient appréciables également : je ne sais pas à combien pèse la génétique mais trois cas dans ma famille, c’est assez inquiétant.

Mais à mon avis, c’est la prise en charge et les soins non médicamenteux qui pèche le plus. Parce que même si on trouve des traitements plus ou moins efficaces un jour, ça ne réglera absolument pas cet ensemble de problèmes. J’aurais beaucoup apprécié des informations sur ce qui allait arriver à ma grand-mère et comment gérer ça en tant que proche. Comment gérer le fait qu’elle ne me reconnaisse plus un jour, comment réagir si ça arrive.

De plus, ma tante, qui est infirmière à la retraite et qui s’est occupée de beaucoup de personnes en fin de vie, m’a expliqué que les personnes qui souffrent de maladies dégénératives du cerveaux se rendent parfaitement compte que leur cerveau déconne, et très souvent elles font une dépression. La réponse du médecin de ma grand-mère pour ça a été de lui prescrire des antidépresseurs… sans l’en informer. Ça m’a beaucoup choquée, d’ailleurs il me semble que c’est interdit par la loi, mais j’étais apparemment la seule dans ma famille à trouver ça anormal.

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Je pense que ce n’est pas parce ma grand-mère avait un début d’Alzheimer que c’était normal de la traiter comme un bébé de deux mois incapable de donner son avis et son consentement à propos de son traitement. Il n’y a peut-être pas de possibilité de guérison pour l’Alzheimer pour l’instant, mais il est certain que cesser de traiter les malades comme des personnes à part entière, sous prétexte que leur cerveau déconne, ne va en aucun cas aider à lutter contre la maladie. »

Mieux connaître la maladie permettrait de mieux prendre en charge les malades — et d’alerter les proches ou les médecins quand ce n’est pas le cas. Cette madmoiZelle, dont la mère de 55 ans est malade, aimerait sensibiliser la population pour ainsi mieux aider les malades :

« J’ai bon espoir dans la recherche, je sais que des sommes importantes sont investies. J’espère qu’il y aura prochainement un médicament qui sera véritablement capable de stopper l’avancée de la maladie, voire de la guérir mais cela me semble loin. À ce jour, il n’y a qu’un médicament qui est censé ralentir la profession de la maladie, et son efficacité reste limitée.

J’espère aussi que la prise en charge des malades jeunes va s’améliorer car peu de solutions s’offrent aux familles dont l’un•e des membres est atteint. Je n’ose pas imaginer le cas des familles où les enfants du malade sont en bas-âge, ou même les situations où les malades sont seul•e•s ! J’ai conscience d’avoir de la chance d’avoir une famille aussi unie.

J’ai aussi bon espoir que les gens apprennent à mieux connaître la maladie. Je sais que ma mère n’a pas l’air malade et les gens ne comprennent pas forcément quand elle a une réaction étrange dans un lieu public. Certains réagissent très bien et comprennent, d’autres la regardent bizarrement, voire lui font une réflexion.

J’ai bon espoir que les gens apprennent à connaître la maladie.

Je ne leur jette pas la pierre, mais sensibiliser la population à la maladie et à ses répercussions pourrait permettre d’éviter de telles situations et aiderait beaucoup les malades à être reliés avec l’extérieur, ce qui est primordial ! »

Tomi insiste quant à elle sur la prise en charge des malades comme de leurs proches :

« Aujourd’hui, j’espère réellement que la recherche pourra nous offrir de nouvelles perspectives, qu’elle pourra essayer, sinon de soigner cette maladie, d’au moins permettre de la détecter plus facilement. J’aimerais aussi qu’on puisse mieux prendre en charge les victimes, qu’il s’agisse des malades ou de leurs proches, qui voient lentement partir les êtres qui leurs sont chers, sans être accompagnés par un soutien psychologique, ou même d’aides administratives, de personnes pour nous aider avec les démarches. Peut-être que ce genre d’associations existe déjà, mais nous n’avons pas pensé à chercher à l’époque, et personne ne nous en a parlé.

J’espère aussi que la recherche sera capable de mettre en évidence, ou non, les facteurs génétiques. Aujourd’hui, lorsque je pense à cette maladie, je suis terrorisée à l’idée qu’elle puisse se transmettre génétiquement, que ma mère puisse tomber malade, que ma sœur ou moi puissions également en être victimes. J’ai peur, car je ne veux pas revivre ça, car je sais que je n’ai pas le courage que ma mère a eu, et que je ne veux pas faire subir cela à mes proches.

Je sais que ma mère a peur, que chaque fois qu’on lui signale qu’elle à oublié quelque chose, elle pense à cette maladie, elle pense à ce que cela pourrait être si elle aussi, était malade. Je n’ose pas y penser, mais au fond de moi, j’ai réellement peur de tout cela. »

Enfin, Hirondelle souligne l’importance du dépistage, et celle d’en savoir plus sur les éléments déclencheurs de la maladie :

« De la recherche, je n’attends pas grand-chose. Un dépistage plus précoce, et surtout de savoir si un événement traumatisant tel que le suicide de mon grand-père a pu accélérer le processus. Je sais qu’on ne peut rien faire contre cette maladie, mais je voudrais savoir s’il y a un facteur psychologique, si le cerveau cherche à se protéger face à une douleur psychique intense. »

— Un très grand merci aux nombreuses madmoiZelles qui ont témoigné !

Pour aller plus loin :

À lire aussi : « Des mots pour Alzheimer », une campagne pour sensibiliser à la maladie

À lire aussi sur madmoiZelle : un « Je veux comprendre… » sur les causes de la maladie d’Alzheimer, et les recherches médicales en cours.
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Les Commentaires

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Avatar de Nihua
17 décembre 2023 à 22h12
Nihua
Merci pour cet article et tous les témoignages, qui permettent de mieux comprendre la maladie, son évolution, les répercutions sur l'entourage.
On vient de diagnostiquer Alzheimer chez mon grand-père à 84 ans... C'était une personne tellement active jusqu'à il n'y a pas si longtemps. Il sortait presque tous les jours, il avait toujours quelque chose de prévu, quelqu'un à voir. Et il était en excellente forme, les gens étaient toujours étonnés de son âge.
On s'est rendu compte il y a seulement quelques mois qu'il avait changé. Il n'a jamais été très communicatif, et ça n'a pas aidé à déceler la maladie... Il y a quelques mois, on s'est un peu plus rendu compte de pertes de mémoire sur des petites choses, oublier de souhaiter les anniversaires, se perdre dans les jours, se mettre à tomber quelques fois... Puis (il n'a jamais été très bavard, ça a toujours été plus ou moins compliqué de discuter avec lui) il ne parlait quasiment plus du tout quand on allait le voir, il avait l'air ailleurs, il s'est mis à avoir des difficultés à marcher.
Ma mère l'a amené chez son médecin, qui lui a fait faire quelques tests de mémoire puis a dis que c'était juste une déprime. Mais ensuite, en le revoyant, il avait des moments (quelques minutes) où il était très troublé, il ne trouvait plus ses mots, il ne savait plus comment jouer au jeu de carte auquel on jouait depuis des années. Ma mère a du insisté auprès de son médecin pour lui faire passer les tests pour Alzheimer... et c'est bien ça.
Les médecins nous ont dis qu'il est au début de la maladie. On fait passer des infirmières deux fois par jour. Mais il est malade en ce moment, on se relaie pour l'aider chez lui, et en passant nos journées chez lui, on se rend compte qu'il est bien plus avancé que ce qu'on pensait... C'est un tel choc.
Ça me rends malade pour lui : ce doit être absolument horrible de se rendre compte qu'on déraille, et que ça va aller de pire en pire. De voir les gens autour de soi en ne sachant plus pourquoi il sont là, puis qui ils sont, se voir forcer à faire des choses qu'on a pas envie de faire (même si c'est manger ou se laver).
L'idée que nous allons devoir le placer en EHPAD à un moment donné me rends tellement malade... Devoir lui annoncer qu'il va partir de chez lui, le laisser dans un endroit inconnu, avec des gens inconnus, qui ne vont peut-être pas s'occuper correctement de lui...
C'est vraiment une des pires maladies qui soit. Et je n'avais jamais réfléchi plus que ça au suicide assisté ou à l'euthanasie médicale. Mais c'est le cas maintenant, et je pense profondément qu'une fois le verdict tombé (en l'état actuel des chose, où il n'y a pas de traitement et où les médicaments ne font que repousser l'inévitable), la personne malade devrait avoir le droit de choisir d'arrêter là (la vie).
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