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Lettre à mon père pour qui le patriarcat n’existe plus

Blanche est féministe, lutte pour ses droits, et a tenu à écrire une lettre à son père pour lui montrer que le patriarcat est encore bien présent, dans sa vie et dans celle de tous et toutes.

Blanche a 18 ans, et elle a écrit cette lettre à son père après la marche #NousToutes contre les violences faites aux femmes.

Si tu n’as pas eu l’occasion de participer à la marche et que tu veux en voir des images, je t’invite à regarder le reportage d’Esther Reporter !

Papa,

Ce soir je veux t’écrire une lettre.

Tout à l’heure au téléphone, je t’ai dit que je voulais résister contre le patriarcat, et tu m’as répondu, triste, que je n’avais plus à résister contre le patriarcat parce qu’il n’existait plus et qu’on vous avait déjà bien écrasé les couilles.

Papa, le patriarcat existe encore

Je suis en colère parce que tu n’es pas le premier homme que j’estime que j’entends dire ça.

Peut-être parce que les hommes que j’estime ne rentrent pas dans le jeu du patriarcat et qu’il se sentent donc agressés lorsque que nous parlons de manière trop générale « des hommes » qui freinent notre accès à la vie.

Papa, si le patriarcat n’est plus visible dans les lois aujourd’hui il reste bien ancré dans la société, pour notre malheur à tous et à toutes.

Oui à tous et à toutes, et pas que à toutes.

Papa, vivre dans notre société aujourd’hui demeure une expérience bien différente pour un homme et pour une femme, et ce au-delà de nos évidentes différences biologiques.

Si j’estime qu’il faut encore résister aujourd’hui ce n’est pas pour me battre contre du vent mais contre un système de pensée et d’éducation qui empoisonne nos enfants, et pousse nos garçons à violer, à tuer, à mépriser les femmes une fois devenus hommes.

Et cela très souvent sans s’en rendre compte.

À lire aussi : Léo, 4 ans, a déjà bien intégré le sexisme, et c’est loin d’être anodin

Papa, moi aussi j’ai été violée

Papa, le garçon qui m’a violée ne savait pas ce qu’il faisait. Je m’en suis moi-même rendu compte un an plus tard, et ça m’a rendue malade, littéralement.

J’ai eu de la fièvre, j’ai vomi. Parce que j’ai réalisé qu’un jour j’avais laissé quelqu’un utiliser mon corps comme un simple objet de son désir.

Alors non, je n’ai pas crié, je ne me suis pas débattue, mais même après avoir expliqué que ce n’était pas le moment et que je préférais rentrer, ce garçon que je pensais aimer ne m’a pas écoutée.

À lire aussi : Comprendre la sidération, qui empêche de se débattre pendant un viol

J’ai arrêté de parlementer, et je me suis laissée faire en me disant que dans tous les cas ça ne durerait pas longtemps et qu’après je pourrais rentrer chez moi tranquillement.

Alors oui, je me suis laissée faire et mon corps est devenu un objet qu’on utilise.

Et quand un an plus tard j’en ai parlé à ce garçon, lui disant que ce qui c’était passé ce soir-là n’était pas normal, que dans la mesure où un viol est un rapport non-consentant et non-désiré, il m’avait violée, il n’a rien nié.

Il m’a juste dit qu’il ne s’en était pas rendu compte.

Je lui avais dit :

« Non, pas maintenant, on a pas le temps, je dois rentrer. »

Il ne m’avait pas écoutée.

Papa, c’est notre responsabilité à tous et à toutes

Papa, c’est contre cela qu’il faut lutter.

Ce ne sont pas les hommes louches dans les parkings le risque, le risque ce sont les jeunes hommes à qui on n’a pas appris qu’il fallait avant tout écouter et demander.

Des jeunes hommes qui ont vu dans tous les films un homme plaquer une femme contre un mur par surprise pour l’embrasser, qui ont vu que dans tous les cas la femme en question ne serait pas un obstacle à l’assouvissement de leur désir.

À lire aussi : 6 films pour comprendre la culture du viol

Que dans la mesure où ils désiraient, la femme désirerait aussi.

Le risque aussi, papa, ce sont ces jeunes femmes qui ont vu ces mêmes films, et ces publicités, partout sur les murs de nos villes où d’autres femmes sont uniquement des objets de désir, des appâts à la consommation.

Elles se disent, ces jeunes femmes, que c’est leur rôle d’accepter toujours et ne s’écoutent plus quand elles ne veulent pas.

Et la litanie des excuses qu’on donne au violeur lorsqu’il nous viole est longue :

« Après tout je l’aime, il a bien le droit de se faire plaisir. »

« C’est un homme, c’est normal qu’il en ait plus envie. »

« J’aurais dû refuser plus expressément, ce n’est pas sa faute, c’est la mienne. »

Et à cela s’ajoute la culpabilité qui nous ronge :

« J’aurais dû l’arrêter. »

« Je ne suis même pas capable de protéger mon corps. »

La question du viol, surtout dans le cas des viols au sein du couple qui sont très fréquents, ce n’est pas :

« Comment a t-il pu me faire ça ? »

Mais plutôt :

« Comment avons-nous pu le laisser me faire ça ? »

Moi, finalement, ce que je me dis c’est que je m’en veux de l’avoir laissé me violer.

Et ce garçon est tout ce qu’il y a de plus normal, il est même sensible aux questions de féminisme, mais on ne lui a pas appris à écouter les désirs ou l’absence de désir chez les personnes qui l’entourent.

Ça me donne l’impression que « c’est pas sa faute » ; que ce serait à nous, les victimes, d’éduquer les violeurs, de leur enseigner qu’il faut écouter l’autre, ce que tout le monde devrait apprendre, comme on apprend à regarder avant de traverser.

Que ce serait à nous de le faire, si on le veut et si on le peut, parce que les victimes d’un violeur sont bien souvent les seules à savoir qu’il est un violeur.

Ça me donne l’impression, oui, que ce serait aux victimes d’agir pour changer les choses — surtout sachant que 9% des personnes violées portent plainte, et qu’1 plainte sur 10 seulement aboutit sur une condamnation…

Il serait donc plus efficace pour moi d’éduquer mon violeur que de porter plainte, je commence à le croire.

À lire aussi : Les chiffres du viol en France sont toujours terrifiants : voici comment changer les choses

Papa, mon histoire et mon ressenti ne sont pas une exception

Alors Papa, si j’estime que le patriarcat pèse encore sur la vie des femmes de manière traumatisante, c’est parce que lorsque j’en parle autour de moi… l’expérience que j’ai vécue est effroyablement banale.

Parfois on parle d’une femme sur deux. Mais je vis avec des jeunes femmes qui connaissent les droits qu’elles ont sur leur corps. J’appartiens à un milieu largement privilégié.

Et j’ai quand même l’impression qu’il s’agit de bien plus d’une femme sur deux.

Papa, il ne s’agit pas d’écraser les couilles des hommes, il s’agit de leur apprendre au plus vite à s’en servir dans le respect de l’autre, et c’est pour cela qu’il y a un combat à mener.

Nous ne voulons pas que d’autres générations de femmes souffrent de ce qui nous a fait souffrir, encaissent et acceptent tout ce qui est une agression à leur intégrité physique et morale.

Je ne veux pas accuser bêtement, je veux réussir à montrer que le problème existe, je veux participer au long processus que sera sa résolution par l’éveil des consciences.

Cette lettre évoque de nombreux sujets liés au féminisme, au sexisme, aux violences faites aux femmes, etc.

Si tu as besoin de plus de ressources pour t’informer, te forger une opinion, et argumenter sur ces thématiques, ces articles peuvent t’intéresser :

À lire aussi : Lettre à mon papa, qui vote désormais FN

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Les Commentaires

8
Avatar de Bleu pastel
26 novembre 2019 à 17h11
Bleu pastel
@Cococinulle @grenouilleau Ah .
Merde c'était elle ? Ok je vois le genre J'aurais du mieux me renseigner
Et j'adore : "j'ajouterais tout de même qu'elles ne connaissent ni la pitié ni le pardon, sans même parler des règles de la justice et de la prescription." Oui contrairement à ce cher Popol qui a été TELLEMENT compatissant et respectueux envers cette fille (DE 13 ANS) et envers la justice. Tellement respectueux qu'il s'est barré pour pas avoir de procès
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Voir les 8 commentaires

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