Publié le 2 mars 2016
Les préjugés sur les viols sont toujours tenaces et ça fait peur. Une étude publiée ce matin par l’association Mémoire Traumatique et victimologie révèle de nombreux préjugés sexistes validant des agressions sexuelles sont toujours présent dans notre société.
À l’heure où, en France, une femme sur six (et un homme sur vingt) déclarent avoir subi un viol ou une tentative de viol au cours de leur vie, de telles idées sont graves et touchent directement des millions de victimes.
Cette étude a été menée auprès de 1001 Français•es, âgé•es de 18 ans ou plus, entre le 25 novembre et le 2 décembre 2015. Les participant•es ont répondu sur Internet.
Les femmes ont « besoin d’être amoureuses » alors que les hommes ont « toujours envie »
J’aurais également pu appeler cette partie « comment le sexisme ordinaire peut faire appréhender différemment la sexualité »…
Dans le domaine sexuel, les femmes ne sauraient pas vraiment ce qu’elles veulent par rapport aux hommes
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Ces chiffres posent plusieurs problèmes. De telles idées placent les hommes en victimes de leur désir, que les femmes ne peuvent pas forcément combler. On peut aussi avoir l’impression que cela animalise les hommes qui auraient plus de mal à se maîtriser.
De plus, ce genre de pensées culpabilisent les hommes qui ont une faible libido… Et les femmes qui en auraient une « trop forte » ! Et si l’on pourrait croire que ces affirmations sexistes ne sont l’oeuvre que d’hommes méconnaisseurs de la cause féministe, l’étude nous prouve malheureusement que les femmes sont aussi concernées par ce genre de pensées.
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Difficile de trouver une étude sérieuse sur la différence de désir entre femmes et hommes… Mais il l’est moins de trouver des exemples autour de nous qui infirment ces clichés ! Considérer les hommes comme incapables de maîtriser leur désir, c’est un premier pas vers l’excuse : « ce n’est pas ma faute si je n’ai pas respecté son consentement, c’est ma libido, c’est biologique ».
Alors au nom de toutes les victimes de ces stéréotypes, s’il vous plaît, stoppons les idées reçues.
La culture du viol, ce fléau
La culture du viol était définie sur madmoiZelle de la sorte :
« Un environnement social et médiatique dans lequel les violences sexuelles trouvent des justifications, des excuses, sont simplement banalisées, voire acceptées. »
En théorie, je pense qu’on est tou•tes d’accord pour dire que forcer quelqu’un à un acte sexuel, c’est pas bien. Le viol… c’est mal. Sauf que comme dans beaucoup d’affirmations, il y a la théorie et il y a la pratique. Et dans cette pratique, de très nombreuses personnes n’hésitent pas à ajouter des exceptions.
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Beaucoup de femmes qui disent non voudraient en fait dire oui.
Un « malentendu » qui peut prendre forme de zone grise. Comme l’expliquait Clémence Bodoc en décembre 2014, ce fameux entre-deux prend la forme suivante :
- Une personne qui n’est pas à l’aise dans la situation, mais ne s’y oppose pas verbalement ni physiquement
- Une personne qui, n’ayant pas rencontré d’opposition verbale ni physique, présuppose que l’autre est d’accord.
La première personne est très souvent une femme, la deuxième est très souvent un homme.
Le problème, c’est que cette zone grise (ou ce « malentendu ») est l’un des symptômes de la culture du viol. Car si les gens agissent ainsi, c’est souvent car ce sont les rôles qu’on leur a appris à prendre : d’un côté une personne qui ne doit jamais trop exprimer son désir, doit rester passive, sous peine d’être mal considérée. De l’autre, un partenaire viril, qui ne doute pas et qui fonce. Le serpent qui se mord la queue…
Pourtant, le consentement, c’est sexy !
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Les femmes, des victimes désignées coupables
J’aurais aimé hausser des épaules en voyant les résultats de cette étude, me dire que tout va bien. Je suis du genre à aimer faire la fiesta, porter des mini-jupes et même (oh mes aïeux) aller draguer de nuit dans des bars, un peu alcoolisée.
Pour 15% du panel, la victime est en partie responsable
Du coup, si un jour je suis victime d’un viol en soirée, ce sera vu par un nombre non négligeable de gens comme un peu de ma faute. Merci bien.
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La culpabilisation des victimes ne s’arrête pas à la « cause » du viol, mais aussi à leur réaction. Ainsi, quatre personnes sur dix pensent que si l’on se défend vraiment autant que l’on peut et que l’on crie, on fait le plus souvent fuir le violeur.
On ne peut pas prévoir la réaction d’une victime pendant un viol
BREAKING NEWS : dans tous les cas, un viol n’est JAMAIS de la faute de la victime. Qui est coupable ? La personne qui viole. Point.
Les mythes sur le viol… ne sont que des mythes
90% des viols sont commis par des proches
Près de la moitié des sondé•es (44%) pensent que c’est par un inconnu que l’on risque le plus de se faire violer alors que… 90% des viols sont commis par des proches.
Un•e sondé•e sur quatre pense que forcer une personne à faire une fellation n’est pas un viol mais une agression sexuelle. Pour rappel, la loi nous dit qu’un viol est un « acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». La fellation forcée est un viol.
Tristement optimistes, 65% des personnes interrogées pensent qu’il y a moins de 50 000 viols par an en France. Un premier chiffre estime à 98 000 le nombre de viols ou tentatives de viol par an… Mais il ne compte pas les mineur•es.
Le viol est une réalité, pas un mythe
Pour toutes les victimes qui ont vécu un viol, il s’agit pas d’une idée reçue mais d’une réalité. Elles ne l’ont pas cherché, ne l’ont pas mérité, n’ont pas mal réagi, n’auraient pas pu l’éviter. Elles ont simplement subi ce crime.
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Cette étude est à la fois un coup de poignard au moral… et une chance, celle d’informer. Depuis ce matin, de nombreux sites publient les chiffres les plus alarmant de ce sondage en pointant du doigt les aspects erronés de ces idées reçues. Nous ne sommes pas seul•es à nous indigner, et ça, c’est déjà beaucoup.
Faire évoluer une pensée collective est un travail de longue haleine, mais c’est possible !
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