Même si les sensibilisations sur la question sont nombreuses, les violeurs sont associés à une bonne dose de clichés : nombreuses sont les personnes qui les imaginent « fous », en marge de la société, totalement repérables, en somme, et surtout « pas comme nous ».
Le Tumblr dont on a décidé de vous parler aujourd’hui prouve le contraire. Sur Je connais un violeur, des femmes qui ont été violées décrivent celui qui les a agressées. Elles parlent de leurs passions, de leurs centres d’intérêt, de leur métier ou leurs études. Du fait qu’ils ont des ami-e-s, qu’ils ont une vie « normale », qu’on ne devine pas forcément qu’ils seraient capables d’agir de la sorte.
Ce Tumblr nous remet surtout face à une réalité : non, les violeurs ne sont pas majoritairement des inconnus instables, mis sur notre chemin par hasard. Les chiffres le prouvent : dans 80% des cas, l’agresseur et la victime se connaissent au moment des faits. « Ils étaient nos amis, nos partenaires, des membres de notre famille ou de notre entourage. Nous connaissons des violeurs : laissez-nous vous les présenter
», peut-on ainsi lire dans la description du blog.
Et le résultat, ce sont des textes plus ou moins succincts mais néanmoins poignants : en te (re)prenant cette réalité de la face, il y a peut-être bien des chances pour que tu sentes tes tripes se tordre. De l’oncle à l’ami, du petit ami au collègue, ces quelques lignes foutent un coup. Quelques exemples :
« S., 13 ans, bout-en-train, sportif, un sourire éclatant et un regard pétillant. Très doué pour construire des cabanes, allumer des feux et faire fuir les guêpes.
C’était le fils adoptif du meilleur ami de mon père, chez qui ma famille a passé l’été quand j’avais 7 ans. »
« Ils étaient censés êtres des parents de cœur faute d’en avoir des vrais à mes côtés, un homme de 21 et une femme de 40 ans. J’avais 11 ans. Ça a duré pendant 3 ans, il me disait que c’était le rôle d’un père d’apprendre ces choses à sa fille, elle voyait tout mais ne disait rien. »
« M., jeune Espagnol, aime sortir à Madrid le samedi soir et rentrer le lendemain matin. Social, amène, très gentil, plutôt mignon, pas très grand, pas très costaud.
Il m’a aidée alors que j’étais perdue dans Madrid après une soirée un peu trop alcoolisée. Il a aussi profité de ma faiblesse, et ne m’a pas écoutée quand je lui ai dit d’arrêter. Il a cherché à me recontacter ensuite, persuadé de n’avoir rien fait de mal. Je me suis esquivée plusieurs fois et je n’ai plus eu de nouvelles de lui. »
C’est d’autant plus révoltant quand on remarque que certaines victimes ont toujours l’impression d’être responsables parce qu’elles ont accepté de partir en week-end ou de poser nue. Une petite piqûre de rappel fait toujours du bien : il ne faut jamais culpabiliser quand on est violé-e. L’entière responsabilité revient à l’agresseur, pas à la longueur du short de la victime, et dire le contraire, c’est minimiser cet acte.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Je connais quelqu'un qui peut sans doute être, selon vos définitions, qualifié de "violeur". Ce n'est pas moi qu'il a agressée.
La personne en question est un jeune homme qui va avoir 16 ans. Sa cousine, à peine plus jeune, a porté plainte contre lui pour viol il y a un an et demi (ils avaient donc 14 ans).
Ça a détruit sa famille; ça l'a détruit. Il s'est senti trahi, n'a pas compris ce qui arrivait. Nous, nous étions choqués: jamais nous n'aurions imaginé que ces deux "enfants" avaient ce genre de relations. Comme j'aime ce garçon, j'ai fait comme ses parents: j'ai dit que c'était une menteuse, qu'elle n'assumait pas d'avoir fait des choses qu'on lui interdisait. Puis la justice a (extrêmement lentement) commencé à faire son travail et on a pu comprendre un peu l'histoire. Depuis déjà un an, ils avaient fait à plusieurs reprises des petits "jeux sexuels", et un jour où le garçon dormait chez la fille, c'est allé plus loin et ils sont passés à l'acte. Le lendemain, elle a dit à sa mère qu'ils avaient fait "une bêtise", sans doute en pleurs. Bref, il y a eu discussion dans la famille, il y a eu une plainte de déposée: la cousine a expliqué qu'elle n'avait pas dit non, mais qu'elle ne voulait pas.
1 an et demi plus tard, rien n'est résolu, personne ne "sait" comment traiter cela. Les deux enfants n'avaient pas leur majorité sexuelle, ils sont donc automatiquement considérés comme "non-consentants".
Mais moi, quand je pense à cette histoire, et quand, depuis, j'ai découvert ce qu'on appelle la culture du viol, j'ai autant de peine pour le garçon que pour la fille. Cet acte a bouffé son adolescence, détruit sa famille, entrainé une grande dépression, un sentiment d'incompréhension, de trahison, et dans la foulée il a perdu contact avec sa cousine qu'il considérait aussi comme une amie précieuse. C'est pour ça que pour ses proches, c'est difficile à accepter comme un viol. Pourtant, c'est tout à fait cela: il a du prendre un silence pour un consentement. Mais est-ce que c'est réellement lui qui est à blâmer? Est-ce qu'un enfant de 14 ans qui a été élevé dans un univers sexiste, qui a (fort malheureusement) accédé très tôt à des films pornos, et à qui on n'a jamais dit que si le consentement n'était pas explicite il ne fallait pas avoir de rapports sexuels, est réellement mauvais?
Ce que je blâme, ce que je hais depuis, ce n'est ni la jeune fille, ni le garçon, mais l'éducation qu'ils ont reçu et la société dans laquelle ils ont grandi.
Alors quand je lis des articles comme celui-ci: http://jeconnaisunvioleur.tumblr.com/post/91444312184/famille-vous-dites
J'ai mal. Jamais je ne renierai ce jeune homme de ma famille pour cet incident qui a eu lieu pendant son adolescence. Je veux qu'il apprenne tout ça, le féminisme, la culture du viol. Et je veux qu'au contraire, ça l'aide à surpasser l'incompréhension et à se reconstruire. Je ne veux pas qu'on lui jette la pierre. Je veux qu'on accuse et condamne son environnement, pas lui.