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"Crédit photo : Marcin Jozwiak / Unsplash"
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Langage, sourire, socialisation : le masque aura-t-il un impact à long terme sur les bébés ?

Depuis le début de la pandémie, pas mal de parents et de professionnels s’inquiètent de l’impact du port du masque sur les bébés, en particulier à la crèche. Alors, faut-il paniquer ? On fait le point !

Ma fille est née pendant le premier confinement, autant dire que les adultes masqués en-dehors de sa famille, c’est sa norme. Depuis ses six mois, elle est gardée 50 heures par semaine à la crèche. Elle passe donc ses journées avec des puéricultrices qui sont obligées de porter le masque en permanence. Les assistantes maternelles et nourrices à domicile ne doivent, elles, porter le masque qu’en présence des parents.

Jusqu’ici, ma fille est comme un poisson dans l’eau à la crèche et n’a pas l’air de manifester de gêne particulière, même s’il lui arrive d’essayer d’arracher le masque de sa référente en se marrant. Mais bon, elle fait la même chose avec les lunettes de son père.

J’étais donc plutôt détendue sur le sujet du masque, contrairement à d’autres parents de la crèche qui s’inquiètent beaucoup de son impact potentiel sur le développement de leurs enfants.

Et puis je suis tombée sur une étude réalisée par des expertes françaises en décembre 2020 : elles ont demandé à des professionnelles de la petite enfance si le port du masque au sein des crèches et haltes-garderies avait eu, selon elles, des conséquences sur les bébés en termes de socialisation verbale et non verbale.

Je parle des « professionnelles de la petite enfance » au féminin dans cet article, car les femmes sont très largement majoritaires dans la profession.

Pour les pros de la petite enfance, le port du masque a des conséquences négatives sur les bébés

Sur près de 600 répondantes, un quart n’ont pas noté de problèmes particuliers liés au port du masque et pensent que les enfants se sont adaptés très facilement, mais les trois quarts des pros ont repéré des conséquences négatives.

Avant de vous les présenter plus en détail, rappelons tout de même que l’étude se base uniquement sur le ressenti des professionnelles et non sur une analyse de terrain, comme me l’explique celle qui a conçu le questionnaire, Anna Tcherkassof, chercheuse en psychologie sociale sur la communication émotionnelle non verbale, au laboratoire LIP/PC2S de l’université Grenoble-Alpes.

« Pour l’instant, il s’agit uniquement de témoignages qui nous sont rapportés. Nous sommes en train de mettre en place des études pour essayer de comprendre ce qui reste de l’ordre de la subjectivité et ce qui est observable. On veut par exemple faire des observations de terrain en filmant toutes les interactions verbales et non verbales, mais cela prend du temps d’obtenir les autorisations.

Les pros nous ont dit via ce questionnaire : les enfants sont moins attentifs, ils ont du mal à comprendre les consignes et à savoir quel adulte parle avec les masques, ça, ce sont des choses que l’on peut observer concrètement.

On a aussi des méthodologies qui permettent de travailler avec des touts petits : on peut leur présenter des visages adultes masqués / non-masqués et voir comment ils réagissent à ce changement. Est-ce qu’ils sont capables de reconnaître le visage d’une pro qu’ils ont toujours connu masquée ? On espère pouvoir mener ces recherches dans les prochains mois. »

Le port du masque pourrait gêner l’apprentissage du langage

Au-delà des difficultés d’attention des enfants, le masque aurait un impact sur l’apprentissage du langage, selon certaines professionnelles de la petite enfance. En effet, il étouffe les sons et empêche de voir la bouche : deux obstacles pour les touts petits qui apprennent à parler, selon Anna Tcherkassof.

« C’est très difficile de faire des prédictions sur les conséquences à long terme pour les enfants, mais les témoignages des professionnelles corroborent les connaissances scientifiques que nous avons sur le développement de l’enfant dans un monde où les gens ne sont pas masqués, notamment pour l’acquisition du langage chez les enfants en stade préverbal.

On ne fait pas qu’écouter le langage, on le regarde aussi : il y a tout un tas de phonèmes qu’on distingue en observant la bouche d’un autre interlocuteur. Beaucoup de professionnelles nous ont raconté qu’en voyant un enfant ne pas arriver à prononcer correctement un mot, elles retirent le masque pour montrer comment faire et là, l’enfant y parvient. Cela nous laisse présager qu’il y aura des problèmes si les professionnels ne parviennent pas à pallier le port du masque dans l’acquisition du langage. »

Les bébés sauront-ils reconnaître les sourires sous les masques ?

En plus du langage, le port du masque risque d’avoir des conséquences sur la socialisation des enfants et peut aussi entraîner une forme d’anxiété chez certains d’entre eux, d’après Anna Tcherkassof.

« Le sourire est le principal signal affiliatif : quand on s’approche de quelqu’un, généralement on fait un sourire pour rentrer en contact avec la personne et le maintenir. Si les enfants n’ont pas été habitués petits à ça, on peut se demander ce que ça va produire pour la suite.

Certaines pros nous ont dit que des enfants pleuraient le matin et que les pleurs ne cessaient que quand l’adulte retirait le masque. On a aussi des pros qui nous disent que l’inverse se produit parfois. Quand les pros retirent le masque, les enfants qui ne les ont connues que masquées sont assez effrayés de découvrir leur visage complet. »

Là, je peux facilement me mettre dans la peau des bébés. Moi aussi, je trouve ça plus difficile de reconnaître les gens avec seulement des demi-visages et lorsque j’ai découvert sur Zoom le visage de certains parents de la crèche que je n’avais vus que masqués, j’ai eu un petit choc : tiens, je ne l’imaginais pas du tout avec ce bas de visage-là !

Le port du masque n’empêche pas la reconnaissance des émotions

Concernant les sourires, je suis personnellement bluffée par la capacité de ma fille à repérer qu’on lui sourit malgré le masque. Le plissement des yeux et des sourcils semble lui suffire pour repérer que l’adulte en face d’elle lui sourit, afin de lui décocher son plus beau sourire édenté en retour.

D’ailleurs, une autre étude réalisée par l’Université du Wisconsin-Madison parue dans la revue Plos One en décembre semble montrer que les enfants (âgés de 7 à 13 ans) sont tout à fait capables de reconnaître les émotions (colère, peur, tristesse) sur un visage masqué. La conclusion de l’étude précise ainsi :

« Il apparait que les masques n’ont pas un impact plus négatif sur l’aptitude à décrypter les émotions des enfants que le port de lunettes de soleil. Par conséquent, la capacité des enfants à décrypter et répondre à l’émotion d’une personne et les interactions sociales qui en découlent ne devraient pas être dramatiquement perturbées par le port du masque pendant la pandémie de COVID-19.

De plus, au quotidien, il est peu probable que les enfants décryptent les émotions des autres en se basant uniquement sur leur visage. Les mêmes expressions faciales peuvent en effet être identifiées comme étant de la colère ou du dégoût, en se basant sur le contexte, la position du corps ou la coloration du visage. »

Le port du masque complique le quotidien des pros… et ça a un impact sur les bébés

Le port du masque

à la crèche a en tout cas des conséquences très concrètes sur la qualité de vie au travail des professionnelles de la petite enfance. Si vous aussi vous devez porter un masque huit heures par jour au boulot, imaginez maintenant le faire en berçant des bébés de neuf kilos à bout de bras, en chantant des comptines ou en animant un atelier baby-gym. Crevant, non ?

Les pros qui ont répondu au questionnaire d’Anna Tcherkassof sont en tout cas formelles : à cause du masque et de l’impact qu’il a sur leur respiration, elles ont tendance à chanter moins de comptines et à raconter moins d’histoires, mais aussi à faire moins d’activités physiques. Des choix qui ont bien sûr un impact potentiel sur la socialisation des enfants et leur motricité.

Certaines pros ayant répondu aux questionnaires déclarent d’ailleurs faire le choix d’enlever le masque temporairement (se plaçant ainsi dans l’illégalité) pour pouvoir continuer à pratiquer les mêmes activités qu’avant avec les enfants.

Les pros de la petite enfance, prioritaires pour la vaccination ?

Pour Anna Tcherkassof, c’est une des raisons pour lesquelles il serait bien que les pros puissent légalement retirer le masque pendant des moments définis lorsque les circonstances le permettent (en extérieur, à distance…) :

« Il faut trouver le bon compromis entre les risques sanitaires et les risques psychologiques et en termes de socialisation pour les enfants. »

C’est aussi l’une des préconisations d’un collectif de psychologues et pros de la petite enfance qui a publié une tribune, dans le journal Le Figaro début mars, Les bébés face aux masques : chronique d’une catastrophe annoncée.

En plus des moments sans masque en extérieur et en intérieur lorsqu’un adulte est seul avec les enfants, ils réclament également que le personnel de la petite enfance soit prioritaire pour la vaccination, au même titre que les personnels de santé.

Les bébés face aux masques : pas de panique !

Après avoir lu cette tribune et les conclusions de l’étude menée auprès des pros de la petite enfance en France, je vous avoue que j’étais assez inquiète, et j’ai donc demandé à Anna Tcherkassof ce qu’elle en pensait.

« Je ne veux surtout pas être alarmiste : on est déjà dans une situation suffisamment pesante pour ne pas en rajouter. Sur la base de ce que j’observe, on peut envisager des conséquences non négligeables, mais il est prématuré de parler de « catastrophe ». Si les masques sont supprimés à l’été, cela aura été un épiphénomène dont les conséquences pour les enfants ne seront pas irrémédiables. Ce sont des éponges, ils apprennent vite et ils pourront rattraper le retard.

Le conseil que je donnerais aux parents, c’est d’être conscients que le masque a des effets potentiellement négatifs et donc qu’il faut privilégier au maximum de temps d’interaction avec leurs enfants sans masque. »

La chercheuse en psychologie sociale pense d’ailleurs que les inégalités entre les touts petits que la crèche corrigeait en partie pourraient se creuser à cause du port du masque.

« J’ai l’intime conviction que ça va renforcer les inégalités entre les enfants qui baignent par ailleurs dans un environnement très stimulant riche d’échanges verbaux et non verbaux, et les autres. »

Les masques inclusifs : pas la solution miracle pour les bébés

Pour pallier ces problèmes, les caisses d’allocations familiales ont doté les crèches et autres établissements d’accueil des jeunes enfants de masques transparents, dits « inclusifs ». Mais à en croire les retours des professionnelles les ayant testés dans le cadre du questionnaire réalisé par Anna Tcherkassof, ce n’est pas une solution miracle.

D’abord parce qu’ils impliquent une certaine logistique en termes de lavage, mais aussi parce qu’ils coûtent cher et s’avèrent peu agréables à porter. Assez rapidement, les pros se plaignent de la buée qui recouvre le rectangle transparent au niveau de la bouche et qui finit par couler dans le cou. Miam !

Bref, en attendant que la pandémie se calme et qu’on puisse retirer les masques sans mettre personne en danger, je vais continuer de chanter tous les soirs à ma fille des comptines en articulant exagérément : « PETIT ESCARGOT PORTE SUR SON DOS SA MAISONNETTE ». On n’est jamais trop prudente.

 

 

 


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