De l’hôpital, on ne connaît bien souvent que les guichets d’accueil, les salles d’attente gonflées d’angoisses et de douleurs, l’effervescence des couloirs aux heures de visites et la pudeur des chambres. Hippocrate, c’est un accès « backstage », de l’autre côté du miroir, mais sans le vernis design et futuriste des belles cliniques américaines à la Dr House, Scrubs & cie.
L’hôpital, en coulisses
D’ailleurs, la visite commence par l’envers du décor. On suit Benjamin, « le nouvel interne », qui se perd dans les méandres du sous-sol à la recherche de la blanchisserie. Le temps d’enfiler son costume, et en scène, rideau. On est propulsé-e-s avec lui sous les projecteurs blafards d’un service fourmillant de soignants.
La blouse est un peu grande, elle flotte vaguement sur les épaules pas encore taillées, endurcies pour le job. D’ailleurs, médecin, est-ce « un job » ? La jeunesse, l’empathie, sont-elles des qualités, des handicaps ou des compétences ? Et comment apprend-on lorsque le droit à l’erreur n’existe pas ?
On apprend des autres, ou plutôt grâce à eux. Pour Benjamin, ce sera surtout avec le docteur Rezak, médecin en Algérie, mais interne seulement à Paris… Parce qu’il faut à nouveau passer par des stages pour ces médecins que la France considèrent comme étrangers avant de les considérer comme des professionnels.
Reda Kateb, a.k.a. le docteur Abdel Rezak
Le docteur Abdel Rezak, ami et mentor de Benjamin dans le film, est inspiré des véritables rencontres du réalisateur, lorsqu’il était lui-même jeune interne, livré à la réalité de l’hôpital public. C’est aussi l’histoire de ces médecins étrangers, de leur exil et de leurs parcours du combattant que ce film raconte.
Car Thomas Lilti, scénariste et réalisateur d’Hippocrate, est également médecin. Il a mené de front ses études, sa carrière et sa passion, en les cloisonnant parfois, parce qu’être artiste ne fait « pas sérieux », confie-t-il. Avec Hippocrate, il a voulu dépeindre un instantané réaliste et sincère du quotidien d’un service hospitalier, en se focalisant du côté du personnel soignant, cet envers du décor auquel on n’accède (quasiment) jamais.
De l’erreur aux doutes
Il arrive un peu trop sûr de lui, pour sa première semaine, ce jeune interne à la blouse un peu lâche, campé par Vincent Lacoste. Son père, le chef du service interprété par Jacques Gamblin, recadre vite fait cet enthousiasme déplacé : « tu ne sais rien ».
Vincent Lacoste est surprenant dans ce rôle très sérieux, loin de ses personnages adolescents et comiques dans Les Beaux Gosses ou plus récemment dans Jacky au Royaume des Filles. Et pourtant, il donne parfaitement corps et chair aux doutes et aux angoisses du jeune interne amené à prendre et supporter de lourdes décisions, et leurs graves conséquences.
« Ses doutes, son manque de confiance, son questionnement sur sa légitimité me parlaient directement », confie l’acteur.
Avec Reda Kateb, qui interprète le docteur Abdel Rezak à ses côté, ils ont passé une journée dans un service de médecine interne, en compagnie du personnel soignant. Pour Vincent Lacoste, cette journée a été « un tournant dans la préparation » de son rôle, comme il l’explique dans le dossier de presse du film :
« Nous nous sommes retrouvés en condition. Nous portions des blouses et nous accompagnions les médecins lors des visites. Les malades pensaient que nous étions de vrais étudiants.
Pour la première fois de ma vie, je me suis retrouvé du côté des soignants. J’ai vu la maladie de près. C’est assez impressionnant. »
Un tableau de contrastes
En une heure quarante, Thomas Lilti nous raconte six mois d’internat de Benjamin, une projection de sa propre expérience. Il aborde, sans forcer le trait, des problématiques auxquelles sont quotidiennement confrontées les équipes médicales : les horaires et le rythme de travail, la gestion des patients et de leurs familles, la souffrance, la fin de vie.
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Les rapports hiérarchiques et la question du coût de la santé sont omniprésents, en filigrane, comme une contrainte permanente qui se fait plus pressante lorsque la tension monte, et que des décisions difficiles doivent être prises.
Le contraste est saisissant, entre les savoirs et le doute, entre le collectif et les caractères individuels, entre la froideur technique, experte, et l’empathie dans les relations humaines entre soignants et patients, entre les chambres aseptisées et le délabrement de l’internat.
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Ni satire, ni plaidoyer, Hippocrate est une photographie vivante, un bilan subjectif de l’hôpital public français, que l’on sait mal en point.
Mais bien loin des chiffres et des statistiques, c’est à travers ses acteurs que l’on explore ses coulisses, à la rencontre de celles et ceux qui soignent au front, en première ligne. Ceux dont les grèves sont invisibles parce qu’ils travaillent, mais dont les moindres erreurs peuvent entraîner des drames. Ces thèmes-là aussi sont abordés dans le film.
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Il n’y a pas de petites erreurs, seulement des décisions, et leurs conséquences.
Hippocrate sort aujourd’hui, le 3 septembre 2014 !
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