La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
J’ai une famille géniale, adorable et brillante. Mes parents sont en couple depuis presque 40 ans et ont monté de nombreux projets ensemble. Pourtant, chaque année, je sors des fêtes en famille avec un cafard monstrueux. Je suis l’aînée de trois enfants et nous nous entendons très bien. Mon frère et ma sœur ont tous les deux des carrières prestigieuses qui semblent les épanouir. Ils sont en couple depuis plusieurs années avec des partenaires adorables et cette année, ma petite sœur nous a annoncé sa grossesse. Je suis très heureuse pour elle, mais…
Moi, je n’ai rien de tout ça. J’ai 33 ans, je suis célibataire, sans enfants, et je n’ai jamais réussi à trouver un travail dans ma branche qui me permette de vivre correctement. J’enchaîne donc les jobs inintéressants ou mal payés. J’habite en colocation comme il y a 10 ans et si je m’entends bien avec mes colocs, j’ai l’impression de vivre comme une ado et d’être vraiment la minable de la famille. Mes parents me répètent qu’ils sont fiers de moi, mon frère et ma sœur m’aiment comme je suis, mais comparé à cette famille de la win, je me sens merdique et ça ressort encore plus aux fêtes.
Help
Sandra
La réponse de la Daronne
Ma petite fraise,
Déjà, permets-moi de te souhaiter une bonne année !
Les fêtes représentent un moyen aussi efficace que cruel d’évaluer notre niveau de réussite sociale. Ceux qui ont coché toutes les cases de la win, s’y amusent follement, les autres, not so much.
Les comédies romantiques adorent nous régaler d’un tonton mesquin prenant un malin plaisir à rappeler à l’héroïne que Tic Tac Tic Tac, la date de péremption approche. Attention ! Si elle ne se maque pas dans la seconde, elle finira bouffée par ses chats. Alors qu’elle est allergique aux poils de chat. Un comble !
Dans la vraie vie, le rôle de cet oncle trop extrême pour être réellement blessant est souvent incarné par notre petite voix intérieure et par un entourage dont la délicatesse vire rapidement à la condescendance. Et pourtant…
Je déteste lorsque des lieux communs se révèlent exacts puisque cela me contraint à débiter des platitudes : la vie ce n’est pas une compétition, chacun son rythme, comme il peut et comme il veut. Ton existence vaut tout autant que celle de tes frères et je suis certaine qu’elle est toute aussi cool ou pourrait le devenir.
Sur le pommier de la vie, les bourgeons côtoient les pommes blettes
Dans le dessin animé de Disney Mulan, la susnommée échoue lamentablement au test de la vie et est déclarée inapte au mariage. Son père tente de la consoler et lui tient à peu près ce discours : les fleurs qui éclosent en dernier sont les plus belles.
Cette métaphore n’a aucun sens. La beauté des fleurs n’est en rien influencée par leur date d’éclosion. Sur l’arbre de la vie, il n’y a pas de saison. Tout le monde bourgeonne et flétrit à son rythme, autant de fois que nécessaire.
Néanmoins, je pense que les personnes qui trouvent leur voix sur le tard sont bien plus nombreuses que l’on croit. Tout concentré que l’on est sur leurs pairs lancés depuis le lycée sur les voies de l’excellence, on ne les voit pas venir ces trentenaires jadis abonnés à la lose. Et pof, un jour, ils débarquent avec un prix Nobel de la paix, la formule du vaccin universel contre la gastro, ou simplement la sérénité au cœur.
Les mille vies de la vie
La moitié des couples se séparent et les enfants ne sont jamais ceux qu’on attendait. Tous ces succès professionnels sont généralement le fruit de décisions prises très tôt dans une vie qui dure longtemps, Leur pérennité n’est pas garantie et même plus souhaitée. Je veux dire, nous vivons quand même à une époque où les cadres rêvent collectivement de planter leur job et leur vie confortable pour aller cultiver des légumes racines.
Cela ne signifie pas que tes proches vont se planter, ni même qu’il faut se rassurer en imaginant leurs difficultés futures, le bonheur, ce n’est pas quelque chose qu’on peut prendre aux uns pour donner aux autres. Cela signifie seulement qu’on a souvent plusieurs vies, et que celle que tu mènes aujourd’hui, sera peut-être menée par ta sœur dans quelques années. Même si je lui souhaite vivement de ne pas en souffrir.
Ici encore, c’est littéralement avéré. Il suffit parfois d’une rencontre ou d’un événement pour révolutionner une existence.
Et toi dans tout ça ?
Chaque famille possède sa propre mythologie, et de fait son propre « vilain petit canard ». C’est généralement inconscient, il n’empêche qu’une fois que les rôles sont distribués, il devient difficile d’en réchapper. Je ne peux que te conseiller de démêler tout ceci avec un psychologue et de t’interroger sur ce que toi, tu veux vraiment. Un bon boulot et une vie sentimentale épanouie, ça ne veut pas dire grand-chose, tant ces deux termes sont vagues.
Il vaut mieux commencer par définir des objectifs concrets : quelles valeurs, quel secteur, quelles formations disponibles à ton âge ? Les grands succès, ce n’est jamais rien d’autre que des petites étapes qui s’ajoutent les unes aux autres. Idem pour la vie sentimentale : quel type de configuration te plairait ? Exclusive ? Libre ? Et quelles sont les qualités que tu recherches chez un/une/des partenaires ? Voilà des questions auxquelles répondre pour mieux appréhender tes besoins réels et pas ceux qui surgissent sous prétexte que ta famille a coché toutes les cases d’un bingo élaboré par des carcans sociétaux.
Quant à moi, pour cette année, voici la bonne résolution que je t’impose : explore deux nouveaux hobbies qui pourraient te convenir. Macramé, box thaïlandaise, ski de fond, cuisine, peu importe, tant que tu y prends du plaisir. L’idée n’est pas de monétiser ces loisirs, ni de trouver la passion de ta vie, juste d’élargir tes horizons et te faire du bien.
Je te laisse, je dois finir mon scoobidoo,
La bisette,
Ta Daronne
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
En gros, l'adage est bon, "on choisit pas sa famille", on peut passer des bons moments, mais à condition de ceinturer ces moments dans le temps et l'espace.
Bon perso je garde une belle amertume de ces fêtes et attend au tournant mon frangin et sa carrière et famille parfaite alors que sa compagne attend le second bébé. J'espère qu'il comprendra enfin ce que c'est d'être jugé indésirable car trop bruyants (aka, j'ai des jumelles de trois ans...). Niark Niark Niark.