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Parentalité

Handiparentalité : « Aux yeux de la société, on est déjà incapable de s’occuper de soi… »

Avoir un enfant en ayant un handicap physique, c’est devoir s’adapter, être inventive et faire face aux préjugés de la société. Des mères concernées et engagées nous racontent.

« Nous avons les mêmes interrogations que les autres parents, sur les pleurs, l’allaitement ou le sommeil », raconte Florence Méjécase, fondatrice de l’association Handiparentalité, qui aide à la parentalité en situation de handicap. « Mais il y a les spécificités du handicap, qui peuvent majorer les problèmes ». Avec son association, Florence aide les parents dans la préparation de leur vie quotidienne avec un bébé :

« Par exemple, une maman se demandait comment porter son bébé en étant en fauteuil roulant, ou comment aménager son logement, donc je me suis rendue chez elle pour organiser ça avec l’ergothérapeute. »

Trouver du matériel adapté pour un bébé et son parent en situation de handicap

Très vite, c’est la question d’un matériel adapté qui se pose : lit avec porte latérale, plan de change accessible, baignoire où l’on peut se glisser en dessous, siège auto adapté… il faut penser à tout ! Or, le matériel « officiel » de puériculture n’est la plupart du temps pas adapté.

« Du coup, les parents et leur entourage se doivent d’être hyper astucieux et de créer eux-mêmes des solutions », explique Florence Méjécase. Comme cette maman de l’association qui a fabriqué une chaise haute adaptée. Un objet qui pourra ensuite être transmis de parent en parent, grâce à la « puériculthèque » de Handiparentalité. « Non seulement on prête le matériel, mais on s’enrichit les unes les autres avec un listing de ce qui pourrait être pratique. On partage nos idées et on se demande “Et ça, qu’est-ce que vous en pensez?” », raconte Florence.

À Bergerac, en Dordogne, la toute jeune structure Lily.belle (également association de soutien à l’handiparentalité), a aussi un projet de puériculthèque. Sa présidente, Valérie Lachaud, est malentendante sévère appareillée, et a dû chercher des outils spécifiques à son handicap quand elle est devenue mère il y a 7 ans :

« Mon plus gros souci a été de pouvoir répondre aux besoins de ma fille quand je ne l’entendais pas, notamment la nuit. J’ai pu utiliser un babyphone vibrant et lumineux qui a été un outil très rassurant pour moi. Il m’a fallu mettre en place des alternatives pour être au plus près de ma fille comme installer son tapis d’éveil, transat, etc., de manière à ce que je puisse la voir. »

Par la suite, elle a utilisé la langue des signes pour communiquer avec son bébé, et fait suivre sa fille par une psychomotricienne, car elle « cragnai[t] de ralentir son développement moteur ». Des inquiétudes qui n’étaient pas fondées, puisque sa fille était finalement « plutôt en avance ». Mais ses craintes traduisent tous les questionnements qui se posent avant même de prendre la décision de devenir parent, estime Valérie Lachaud :

« Je dirais que la principale question qu’on peut se poser au début est celle de la transmission de son handicap à son enfant. Puis la crainte de ne pas pouvoir assumer la grossesse, de la façon dont les professionnels et professionnelles de santé vont nous accompagner, etc. »

Devenir mère : un projet mûrement réfléchi en cas de handicap

« Avant un projet de grossesse, les gens prennent le temps de réfléchir », renchérit Charlotte Puiseux, psychologue et docteure en philosophie. « Moi, j’ai mis un an à me lancer ». Elle est aujourd’hui maman d’un enfant de 5 ans. Elle-même en fauteuil roulant, elle raconte les réflexions qui l’ont traversée :

« Qui va m’accompagner ? Quel soignant ou soignante ? Qui sera assez au courant de mon handicap ? Quand on est enceinte, on veut être entourée de gens avec qui on se sent à l’aise, et encore plus quand on a un handicap. Or, le milieu médical est imprégné de validisme (la discrimination ou les préjugés qui touchent les personnes handicapées, NDLR). »

Elle explique que le handicap est stigmatisé : socialement, la mère handicapée peut difficilement être considérée comme un bon parent, « surtout avec cette vision sexiste d’une femme forcément pourvoyeuse de soins… Aux yeux de la société, elle est déjà incapable de s’occuper de soi, alors de quelqu’un d’autre… »

Florence Méjécase s’attelle avec son association à travailler les représentations des professionnels et professionnelles qui gravitent autour des personnes handicapées : le secteur social, médico-social, les gynécologues, les ergothérapeutes… Elle soutient les mères qui subissent leurs stéréotypes :

« Une maman nous a appelés en pleurant au téléphone, car l’assistante sociale remettait en question sa capacité à être mère. Des gens de l’équipe sont venus la voir, l’écouter, replacer les compétences parentales au cœur de la discussion. On rencontre les pros et on voit avec eux et elles quand, oui, il faut être vigilant, ou quand, au contraire, ce sont leurs représentations qui les biaisent. »

Valérie Lachaud estime que notre société « consommatrice de la personne dite “parfaite” ne cautionne pas qu’une femme en situation de handicap puisse être mère », que cela reste « tabou ».

Handiparentalité : l’ignorance des institutions

Pour ces premières concernées, ces préjugés sont liés à un impensé général sur l’handiparentalité, notamment de la part de la loi et des institutions. En témoignent les aides à la parentalité des personnes handicapées… inexistantes jusqu’à janvier 2021. Alors que l’achat de matériel adapté est « un budget conséquent », d’après Valérie Lachaud, et que les parents peuvent avoir besoin d’une aide humaine, aucun soutien financier n’était prévu de la part de l’État.

Charlotte Puiseux a besoin d’une aide humaine presque à plein temps pour elle-même, en partie financée par la PCH (Prestation de Compensation du Handicap). Elle y a recours pour les gestes du quotidien avec son enfant :
« Beaucoup de parents handicapés utilisent leur PCH en lien avec leur enfant. Mais ce sont des arrangements en individuel. Il fallait une aide dédiée ».

Elle regrette que cette loi de janvier 2021, qui reconnaît pour la première fois juridiquement l’handiparentalité et le besoin d’aide qui en découle, ne soit qu’une maigre avancée :

« Il s’agit d’un forfait en fonction de l’âge de l’enfant, par exemple 900€ par mois pour un enfant de moins de 3 ans. Or, il aurait été plus logique de faire en fonction du handicap. Si on est handicapé à 30 ou 100%, on n’a pas les mêmes besoins. Surtout, il faut être déjà bénéficiaire de la PCH pour avoir cette aide, alors que des gens autonomes par ailleurs pourraient avoir besoin d’aide spécifiquement pour s’occuper de leur enfant. »

Les associations de personnes handicapées, dont Handiparentalité, luttent pour une meilleure reconnaissance et œuvrent à l’information et la sensibilisation autour du sujet. Le seul moyen pour aller vers une handiparentalité plus sereine et mieux accompagnée, selon Valérie Lachaud :

« Il faut sensibiliser et former davantage pour une meilleure approche autour de l’accompagnement et accueillir avec bienveillance le bébé. »

Le handicap, l’occasion de repenser toute la parentalité

Pour Charlotte Puiseux, être confrontée aux spécificités de l’handiparentalité invite à repenser la parentalité tout court : elles soulèvent les questions de ce qu’est un bon parent, ce que c’est d’être autonome, ce que c’est d’être une bonne mère.

« Ce qui anime les parents handicapés serait bénéfique à tous et toutes : la charge mentale, la façon de prendre soin des enfants, les solutions pour décharger les femmes, la question de pourquoi on stigmatise les gens qui ne sont pas capables de faire à manger, de faire le ménage… Au fond, pourquoi ne pas envisager plutôt une société avec une prise en charge plus collective des enfants ? »

Charlotte Puiseux travaille sur le mouvement Crip (qu’elle définit comme un mélange de disability studies et de théorie queer) et considère qu’il s’agit aussi, en repensant l’handiparentalité, « de sortir de la famille stricto sensu et du cadre hétéronormatif ». Il invite selon elle à réfléchir aux communautés hors familles et à créer de la solidarité et des réseaux d’entraide.

L’organisation communautaire des associations, la « pair-aidance », comme l’appelle Florence Méjécase, est déjà un premier pas en ce sens. Et pour Valérie Lachaud, ce soutien est « primordial » :

« Si une femme se sent en confiance, car elle a des personnes qui la soutiennent dans son désir d’enfant, si elle se sent en capacité d’assumer, car elle a connaissance de tout ce dont elle a besoin, on peut dire que cela facilite l’envie de devenir maman. »

À lire aussi : Vis ma vie d’institutrice en fauteuil


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Les Commentaires

3
Avatar de adita
22 juillet 2021 à 19h07
adita
Sujet super sensible pour moi
Contenu spoiler caché.
5
Voir les 3 commentaires

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