« Bienvenue à l’École hôtelière de Lausanne, rebaptisée ‘EHL Hospitality Business School’ il y a quelques mois, et sacrée pour la quatrième année consécutive meilleure école au monde de sa catégorie au classement mondial des universités QS », écrit Le Point dans un article issu de son numéro du 22 mai 2022, fraîchement repartagé en ligne . Dans son enquête autour de cet établissement qui forme les futurs dirigeants de l’industrie du luxe, un point vestimentaire chiffonne le magazine : « Le campus de l’école où, depuis peu, la cravate n’est plus obligatoire », écrit-il dès le troisième paragraphe.
Si ce n’était qu’une remarque en passant, cela pourrait être anecdotique, mais le média ne peut résister à l’envie d’élaborer quelques lignes plus loin :
« Il y a quelques mois, l’EHL a connu une petite révolution de palais. Certaines règles du ‘guide de l’apparence professionnelle’ – ce bréviaire distribué à tous les étudiants semblait immuable – ont été revues pour coller à l’air du temps. Le port de la cravate, jugé trop genré, n’est plus obligatoire. De même les boucles d’oreilles masculines (si elles sont discrètes) sont désormais tolérées, mais les socquettes et le velours côtelé restent proscrits. « Nous sommes plus coulants sur la question du genre », se félicite M. Laurent. L’EHL semble avoir cédé à son tour à un wokisme soft. Un cours intitulé « Diversité et inclusion » est proposé depuis peu et les signes religieux, « s’ils ne cachent pas les yeux et le sourire », sont désormais admis. »
Des hommes sans cravate mais avec boucle d’oreille : du « wokisme soft » ?
Personnellement, j’aurais plutôt salué la décision d’interdire les socquettes apparentes salutaires (rien de plus laid que des soquettes censées être invisibles qui dépassent de l’encolure de mocassins, selon moi, mais c’est très subjectif, je vous le concède). Ou déploré l’interdiction du velours côtelé (parce que ça peut être chic, j’adore le velours !). Mais rien n’y fait, le magazine préfère plutôt s’insurger que la cravate n’y soit plus obligatoire et que les boucles d’oreilles soient désormais tolérées sur les lobes de ces messieurs, oulala. Stupeur et tremblement au Point qui y lit donc un symptôme de « wokisme soft ».
Vous savez, cette chose dont toute la droite (ainsi qu’une partie de ce qui se croit encore être la gauche…) parle comme une menace pour tout l’Occident mais que personne ne prend le temps de définir (sauf les dictionnaires Le Robert et Larousse, désormais).
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Tout le monde a peur du grand méchant woke, présent jusque dans les vêtements
Face à cette panique morale irrationnelle, l’essayiste Alex Mahoudeau vient quand même d’écrire un livre accessible et salutaire, pour remettre les points sur les i et la droite à sa place, comme l’explique sa quatrième de couverture :
« Né des luttes antiracistes des Afro-Américains dans les années 1950, il revêt alors un sens positif : celui d’être « éveillé », conscient politiquement. Mais il est aujourd’hui utilisé péjorativement pour attaquer toute forme d’engagement contre les discriminations. Pour ses détracteurs, la prétendue « idéologie woke » serait un nouvel avatar du « politiquement correct » ou de la « cancel culture » et infiltrerait les centres de pouvoir, des médias aux grandes entreprises, encourageant une déconstruction du monde par la bouche d’une génération radicalisée. »
La Panique woke, anatomie d’une offensive réactionnaire, de Alex Mahoudeau
Bref, pendant que le Point s’étouffe devant une absence de cravate et l’apparition de boucles d’oreille sur des lobes masculins, on peut s’interroger sur le degré zéro du débat public qui cherche tant à binariser l’allure vestimentaire de ces messieurs et mesdames. Car il ne faudrait surtout pas les confondre, sinon ce serait la fin de la civilisation. Horreur et damnation, les femmes portent déjà des pantalons. Mais ne demandons pas l’avis du Point sur cette question, il pourrait bien accuser une forme de « wokisme hard ».
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Crédit photo de Une : pexels-cottonbro-7653720
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