Qui, en 2022, demande encore aux hommes leur opinion sur le corps des femmes ? Réponse : le site de rencontre libertin Wyylde et l’IFOP, pour une enquête qui n’est pas sans intérêt, puisqu’elle porte sur les « hommes déconstruits ».
L’expression est vague, mais évocatrice. Le terme de déconstruction, concept philosophique complexe initialement pensé par Jacques Derrida, a en effet été largement diffusé dans le discours féministe de cette dernière décennie.
L’étude le résume comme :
« Un processus de réflexion et de prise de recul vis-à-vis de son schéma d’éducation, permettant de s’affranchir petit à petit des normes qui régissent les relations entre hommes et femmes sous le prisme de la domination masculine. »
Un homme déconstruit, ce serait donc un homme qui se serait défait de ses préjugés sexistes, de ses attentes normées… Et peut-être même de ses privilèges ?
Plus de la moitié des hommes s’estiment déconstruits
L’étude s’ouvre sur ce chiffre : 70% des femmes hétérosexuelles et bisexuelles affirment vouloir être en couple avec un homme déconstruit, et plus de la moitié des interrogés masculins souhaitent l’être — déconstruits, pas en couple avec un mec déconstruit, vous suivez, hein.
C’est chez les 18-24 ans que ce désir est le plus élevé, puisque 63% des hommes de moins 25 ans souhaitent être déconstruits.
Tous âges confondus, les hommes sont par ailleurs 54% à s’auto-évaluer comme tels… et 54% à avoir conscience que c’est ce qui attire les femmes de leur génération.
Mais si ces statistiques ont l’air encourageantes, certaines des réponses ne font pas rêver d’un monde meilleur.
Se défaire des normes, plus facile à dire qu’à faire ?
La suite de l’étude s’intéresse plus particulièrement à cette « remise en cause des schémas traditionnels associés à la domination masculine » par les hommes interrogés.
Elle calcule donc leur propension à remettre en question les modèles traditionnels au sein de la famille et du couple, les injonctions vestimentaires ou esthétiques pesant sur les femmes, les symboles de domination masculine au sein du couple, et les injonctions corporelles pesant sur les femmes.
Et si dans les domaines du partage des tâches ou de la vie familiale, les hommes sont tout de même une grande majorité à déclarer être en mesure de remettre les inégalités en cause, le son de cloche est assez différent sur le plan de sexualité, et surtout sur celui des injonctions corporelles.
32% des hommes refuseraient la contraception masculine
Parmi les chiffres étonnants, 17% des hommes de moins de 25 ans refuseraient de partager avec leur compagne les frais liés à la contraception et à son cycle menstruel. Soit 4% de plus que leurs aînés, un écart que le rapport analyse comme un signe d’immaturité sur les questions de sexualité.
Tous âges confondus, ils sont 32% à déclarer qu’ils refuseraient de prendre à leur charge la contraception au sein du couple en prenant des traitements réguliers tels que la pilule masculine ou le slip chauffant.
Par ailleurs, près de la moitié des hommes (47%) refusent de demander de l’aide psychologique en cas de difficultés, par exemple en suivant des séances de psychothérapie ou des groupes de paroles.
Des exigences physiques pas si déconstruites
Sur la question des caractéristiques physiques de leurs partenaires, les chiffres changent : c’est un homme sur deux, selon l’étude, qui refuserait de remettre en cause au moins une des injonctions corporelles pesant sur les femmes.
30% d’entre eux affirment qu’ils refuseraient d’être en couple avec une femme en surpoids, 20% refuseraient d’avoir pour partenaire une femme plus grande qu’eux en taille.
Et puis, il y a l’éternelle question des poils… 45% des hommes déclarent lors de l’étude qu’ils refuseraient d’avoir un rapport sexuel avec une femme qui aurait l’habitude d’avoir du poil aux jambes. Si les poils sont situés sur les aisselles, cette proportion augmente à 47%, et descend à 40% concernant les poils sur le pubis.
Est-ce que cette information a un intérêt ? Presque aucun — l’avis des hommes sur la désirabilité du corps des femmes n’étant clairement pas au programme des actualités à traiter chez Madmoizelle — si ce n’est un point.
Elle révèle que les hommes estiment avoir des comportements plus égalitaires que ce qu’ils ne le sont réellement.
Le discours VS la pratique
C’est d’ailleurs ce que souligne l’étude, qui — au regard des réponses reçues — calcule un pourcentage de 46,6% d’hommes déconstruits, contre les 54% qui déclarent l’être.
Et la gente masculine n’est pas la seule à surestimer sa propension à remettre les inégalités de genre en question, puisque 61% des femmes en couple avec un homme estiment avoir un mec déconstruit pour partenaire !
Les choix de l’étude, toutefois, nous laissent songeuses. Mesurer la « déconstruction » — terme par ailleurs remis en question par certains militants et militantes pour sa portée très individualiste — en interrogeant un panel de préférences masculines, sans jamais avoir de statistiques sur leurs actes (la manière dont son partagées les tâches domestiques, ou les réactions face aux comportements sexistes de leurs pairs, au hasard) semble être un choix un peu trop limité…
Parce qu’on les connaît, ceux qui s’empressent de se dire féministes sans jamais faire leur part du boulot. On les voit. Et on ne leur touche pas le zob. Faut pas pousser.
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Photo : Andrea Piacquiadio / Pexels
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