Live now
Live now
Masquer
depression-poeme-patrick-roche
Culture Web

La dépression personnifiée, le poème de Patrick Roche qui prend aux tripes

Patrick Roche revient sur la scène des Button Poetry avec un nouveau poème très touchant sur sa relation avec… la dépression. Donnez un visage humain à la maladie, et vous verrez un monstre.

Après avoir ému tout l’Internet avec son poème sur l’alcoolisme, Patrick Roche dévoile une nouvelle ombre de son intimité.

À lire aussi : Un poème sur l’alcoolisme qui va vous flinguer

Il souffre de dépression. Au micro des Button Poetry, il en parle comme d’un amant abusif, et manipulateur. D’une relation dont il voudrait s’affranchir, sans savoir s’il en serait capable.

Voici son poème, intitulé Couples Therapy.

Patrick Roche - Couples Therapy

Conseil Conjugal

« Chaque jeudi, je vois une conseillère conjugale, avec mon compagnon : la dépression.

Il me chuchote à l’oreille de rester au lit un jour de plus. Il presse sa main sur ma poitrine, fébrile à l’idée que je puisse m’évader des couvertures.

Après m’être extrait de la douche, son odeur me colle toujours à la peau. Comme les crises d’angoisses à minuit, comme tutoyer le pharmacien, comme l’appétit que je n’ai pas, mais ça va, j’ai déjà mangé une barre de céréales aujourd’hui.

Nos sessions chez la conseillère conjugale durent 50 minutes. Nous avons passé ce temps à ressasser les mêmes problèmes devant lui. On a eu des hauts et des bas, depuis le lycée, mais cette fois-ci, on a tenu une bonne année. Ça doit vouloir dire qu’entre nous, ça devient sérieux.

Elle me demande si j’ai de l’appétit. Non, je ne mange pas, mais il me préfère maigre, c’est plus facile pour lui d’être la grande cuillère, c’est comme si je disparaissais en lui, comme si son corps avalait le mien.

Elle me demande si j’ai vu mes amis récemment. Non, pas depuis un bout de temps, on reste souvent à la maison. Mes amis sont un peu la troisième roue du carrosse quand nous sortons ensemble. C’est ce qui arrive quand on est en couple avec la même personne depuis longtemps.

Elle me demande s’il y a eu du changement entre nous, depuis que j’ai commencé le Zoloft. Il plante ses ongles dans l’accoudoir, grince des dents, elle me repose la question. Il en devient jaloux, mais Zoloft me fait du bien. Il m’emmène petit-déjeuner le matin, me fait manger du pain perdu.

Il a perdu son sang-froid, m’a accusé de lui être infidèle, a menacé de sortir les ciseaux, alors j’ai menacé de prendre plus de Zoloft — tout le Zoloft. D’un seul coup. J’ai failli le faire.

Elle me demande si c’est le soir où un ami m’a emmené aux urgences. « Oui, mais c’était juste cette fois-ci ». Et l’infirmier a interdit les visites, m’a coupé du Zoloft ; ça nous a rapprochés, de passer du temps en tête-à-tête, comme un couple.

Notre conseillère pense que je reste avec lui uniquement parce que mon père traitait ma mère de pute, ou parce que parfois, il m’arrive encore de souhaiter d’être hétéro, ou parce que je n’ai jamais eu de relation sérieuse. Elle ne comprend pas que cette relation est la plus sérieuse que j’ai eue.

Elle nous dit que le temps est écoulé, revenez la semaine prochaine. Il murmure « d’accord », à travers mes lèvres, claque la porte derrière nous. Notre conseillère dit qu’il y a eu des progrès ces dernières semaines. Que lui et moi resteront probablement toujours ensemble, mais que j’aurai un peu plus d’indépendance, bientôt.

Dernièrement, j’ai commencé à réfléchir à cela. Aux matins où je me réveille, et j’ai faim. Mon corps se souvient comment se lever de lui-même, comment laisser ses bras s’éloigner de sa taille pour quelques heures, pour que je puisse finir un poème.

Regarder Parks and Recreation.

Manger un sandwich.

Faire le lit sans y ramper à nouveau, même lorsqu’il me dit que sans lui, je serais une coquille vide, grinçante, une ruine à l’abandon.

Parfois, je pense encore qu’il a raison, mais la semaine dernière, je suis monté sur la balance, et j’ai pris un kilo.

Ce n’est qu’un kilo, mais c’est le mien. C’est entièrement moi. »

À lire aussi : Les TED de la semaine − La dépression

Les Commentaires
8

Avatar de Selinde
30 avril 2015 à 17h33
Selinde
Un poème émouvant sur un sujet souvent trop tabou ; la dépression. Il s’exprime avec ses tripes et c’est ça qui est beau.
0
Voir les 8 commentaires

Plus de contenus Culture Web

Stylé ou ridicule le pape en doudoune ? En vrai, c'est pour de faux, merci l'intelligence artificielle // Source : Capture d'écran Twitter
Actualité mode

Stylé, le pape en doudoune ? Merci l’intelligence artificielle ! Mais comment bien la reconnaître ?

Pop Culture

Redécouvrez les origines des super-héroïnes Marvel à travers une collection de comics inédite

Humanoid Native
Source : Pexels
Culture Web

Cyprien, Squeezie… des influenceurs se désolidarisent d’une tribune polémique sur l’encadrement de leurs activités

5
Romy Mars sur TikTok // Source : Romy Mars
Pop culture

Romy Mars : avec son TikTok viral, la fille de Sofia Coppola devient notre nepo baby préférée

influenceurs_juridicisation_V
Télé-réalité

Dylan Thiry, PA7, Marc et Nadé Blata… Les influenceurs de télé-réalité enchaînent les scandales judiciaires

4 archétypes féminins, une même misogynie véhiculée
Culture Web

Vous êtes plutôt girl boss, féminin sacré, ou that girl ? Comment ces archétypes nourrissent la misogynie

14
Rencontre avec Jenifer Prince, l’artiste qui redonne des couleurs saphiques à la pop culture
Pop culture

Rencontre avec Jenifer Prince, l’artiste qui redonne des couleurs saphiques à la pop culture

housse-de-couette
Humeurs & Humours

J’ai testé cette astuce TikTok pour mettre une housse de couette et mon verdict est sans appel

12
L'équipe du podcast sexo Hot Line
Conseils sexe

Le podcast sexo « Hot Line » déconstruit avec humour notre éducation sexuelle et intime bancale

1
Lena Situations crée 4 sneakers pour adidas, et c'est une première canon
Baskets

Lena Situations crée 4 sneakers pour adidas, et c’est une première canon

2
Bianca est la première héroïne grosse de Disney
Culture Web

Disney révèle sa première héroïne grosse dans le film d’animation Reflect

10

La pop culture s'écrit au féminin