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J’ai testé pour vous… aller dans un collège de filles

Cette madmoiZelle était dans un collège de filles aux règles très strictes. Elle nous raconte l’ambiance particulière de ces années pas très épanouissantes.

Quand je raconte que j’étais dans un collège de filles, en général les yeux s’arrondissent et les questions fusent : « Un quoi ? Ça existe encore ? ». Et si je précise qu’il s’agissait d’un collège privé catholique, j’ai droit aux regards compatissants ou aux sourires vaguement choqués.

Je finis toujours par relativiser, comme pour me raccrocher à la « normalité » : « Enfin bon, ça aurait pu être pire, il y en a qui sont non-mixtes jusqu’au lycée ! ». En effet, j’étais dans un collège-lycée parisien qui faisait partie d’un grand groupe d’établissements scolaires sévissant aussi dans deux banlieues proches (les rescapé-e-s se reconnaîtront sans doute), mais le mien était (heureusement) mixte à partir de la seconde.

Bon, je crois que vous avez saisi : je n’ai pas vraiment apprécié l’expérience. Mais je pense qu’elle mérite d’être racontée.

Tronc commun « pression » avec option « frustration »

Enfermer les membres d’un même genre dans un contexte non-mixte en pleine adolescence, c’est s’assurer que les choses partent en vrille au bout d’un moment. Mais si, rappelez-vous vos vacances entre copines, quand Marie-Louise faisait la tronche tout du long et qu’elle a fini par péter un câble ?

Imaginez maintenant l’ambiance sur quatre ans, avec ses hauts et ses bas. Si l’atmosphère était souvent aussi tendue qu’un string, c’était également dû à un esprit super compétitif. Dès la sixième, on nous a fait bien comprendre qu’on avait intégré un établissement qui affichait 100% de réussite au bac et qu’il ne fallait pas décevoir… sinon, dehors !

En sixième et en cinquième, nous étions dans un bâtiment totalement indépendant, uniquement entre filles. Mais à partir de la quatrième, même si on n’était toujours qu’entre filles pour les cours, ceux-ci se déroulaient dans un bâtiment que l’on partageait avec le lycée — et qui était donc mixte. Il n’y avait pas énormément de garçons (ils étaient à peine un tiers des élèves, un peu plus en S et zéro en L) mais on les croisait aux récréations et à la cantine.

L’hystérie a alors atteint des niveaux records.

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Tout l’œstrogène dans l’air s’enflammait au moindre contact (réel ou fantasmé) avec le peu de testostérone qui traînait. Les déjeuners à la cantine devenaient parfois dignes des plus grandes quêtes amoureuses de l’histoire de la littérature (de gare).

Alors, oui bien sûr, je me suis fait de super amies que je vois encore aujourd’hui, et on partage un millier de souvenirs et d’anecdotes. Mais je suis convaincue qu’on se serait plus marrées si les classes avaient été mixtes. Et puis, à cet âge-là, être séparées des garçons, ce n’est pas anodin.

Clairement, si tu ne côtoyais pas de mec dans ta vie privée, tu pouvais vivre dans une bulle féminine pendant quatre ans, et ça, c’est pas bon pour la santé mentale. Ni pour la vie sentimentale. Par contre, si vous vous attendez à ce que je vous parle d’amour lesbien à tout va, vous allez être déçues : vu la tendance catho, l’hétéronormativité était omniprésente…

Il y avait bien quelques couples au sein du lycée, mais la plupart des filles avaient soit un copain à l’extérieur, soit étaient célibataires. Il faut dire qu’avec si peu de choix et une ambiance si pesante, il n’était pas évident de trouver chaussure à son pied… Ni de le prendre, donc.

Une ambiance tendue jusqu’en terminale

Quand c’est (enfin) devenu mixte à partir de la seconde, l’ambiance était clairement différente, plus relax. Bizarrement, je n’ai pas de souvenirs vraiment marquants. Les deux premières semaines étaient assez étranges pour tout le monde, entre excitation et prise de repères (pour les mecs aussi puisqu’ils débarquaient dans un univers totalement nouveau, où ils étaient vraiment en minorité), mais globalement l’ambiance s’est assez vite « normalisée », et c’était plus détendu que lorsqu’on était seulement entre filles.

Ce qui est drôle, c’est que certains profs se comportaient différemment aussi. Une prof d’allemand qui nous impressionnait énormément au collège était manifestement gaga des garçons, et nous a donc laissés tranquilles au lycée, pour notre plus grand plaisir !

C’était assez surprenant, parce qu’en général, la plupart des profs respectaient l’esprit strict du lycée, voire l’encourageaient. On a eu des profs complètement barrées, des prodiges de la frustration. Vous voulez un exemple ? Une responsable de niveau était tellement folle qu’elle a balancé toutes les affaires d’un mec à la poubelle… parce qu’elles étaient sur sa table (à lui), et qu’elle, ELLE VOULAIT QUE TOUT SOIT RANGÉ ENTRE CHAQUE COURS.

Quant à moi, j’ai été collée parce que j’avais oublié mon sac de sport dans ma classe. En seconde, une prof de maths nous terrorisait tellement que les délégués ont été obligés de lui dire et d’en parler à l’administration. Sa réaction ? Le cours suivant, elle nous a demandé un à un, devant toute la classe, si on avait peur d’elle. À la seule qui a osé dire oui, elle a demandé, vu ses résultats, si ce n’était pas plutôt les maths qui lui faisaient peur.

Et la liste est longue (mais bon j’ai d’autres trucs à faire et vous aussi alors on s’en tiendra là).

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Ils sont tous fous ici, putain !

C’est pour ça qu’au final, c’est plus l’esprit du collège que simplement le fait d’être entre filles qui a joué sur l’atmosphère. Déjà, la dimension religieuse. Alors, ok, le collège était ouvert à toutes les confessions (il y avait d’ailleurs pas mal d’élèves juifs-ves et musulman-e-s), ce qui était plutôt cool, mais il y avait une chapelle. UNE CHAPELLE DANS UN COLLÈGE.

La violence symbolique du truc m’a toujours frappée. Quant à nos responsables pédagogiques, c’étaient généralement des vieilles dames qui se faisaient appeler « mademoiselle ». Pas les fans de madmoiZelle, non, la version bonne sœur, le déguisement en moins. Du genre à te convoquer quand t’avais enfin réussi à convaincre tes parents d’arrêter le catéchisme, pour essayer de te remettre dans le droit chemin.

Ah ça, elles se préoccupaient beaucoup de notre vertu : elles étaient capables d’appeler nos parents si elles nous voyaient embrasser un garçon devant le lycée. Les cours d’éducation sexuelle ? Que nenni, ça pourrait nous donner des idées ! À part quelques petits schémas d’utérus et de testicules, nada.

En revanche, un couple marié d’anciens élèves était venu pour nous vanter les mérites de l’abstinence jusqu’au mariage… enfin, surtout pour les femmes. Quant à la bonne sœur qui les accompagnait pour l’occasion, âgée d’au moins 70 ans, elle s’était écriée, la joie divine dans les yeux : « Moi, j’ai attendu toute ma vie ! ». Traumatisme collectif.

Mais ce qu’on redoutait toutes le plus, c’étaient les conseils de classe. À partir de la seconde, ils étaient publics. Et obligatoires. Donc en gros, toute la classe y assistait, et quand c’était ton tour, tu te levais, tu écoutais les professeurs et la directrice débattre de ton cas (on n’avait pas le droit à la parole) et tu te rasseyais. Sympa ce petit exercice d’humiliation, non ?

Même pour moi qui ai toujours été plutôt bonne élève, c’était horrible, mais pour celles ou ceux qui avaient des difficultés, au lieu de les aider et de les soutenir, ça pouvait les briser complètement. Pour notre dernier conseil de classe en terminale, chaque prof donnait son pronostic sur la note ou mention qu’on allait obtenir au bac, en général bien en-deçà de la réalité, histoire de nous mettre en confiance…

Et maintenant ?

Avec du recul, c’est clair qu’on a été bien préparées à faire face à la pression, et celles qui ont fait une prépa ensuite étaient rodées ! Par contre, en terme d’épanouissement personnel, y a encore du boulot. Le plus étrange, c’est que ce collège justifie la non-mixité par la volonté de nous laisser nous épanouir chacun de notre côté, « pour mieux nous préparer à la vie future ». Mais… la vie future est mixte, elle !

Et la séparation est le meilleur moyen de créer des préjugés, en coupant tout contact. Elle ne fait que cristalliser les différences sexuées et occulte aussi le fait que meufs et mecs peuvent simplement être potes. Parce qu’en nous faisant croire qu’on avait besoin d’être éloignées, protégées des garçons, quelle image ça nous donnait d’eux ? Et de nous ?

À la rigueur, exiger de nous de bons résultats, c’est une chose, et d’une certaine manière, c’est pour notre « bien ». Que les méthodes employées pour y parvenir soient la pression, voire la peur et l’humiliation, c’est un autre débat, mais qui est révélateur d’un problème plus profond. Parce qu’au final, faire fonctionner les élèves à la peur, ça existe un peu partout dans le système éducatif français…

Pour nous, la tendance était juste poussée à l’extrême. Par contre, qu’en plus de tout ça, on nous impose des règles moralisatrices et inutiles, je pense encore aujourd’hui que c’est profondément stupide. Ça biaise les relations filles/garçons en créant des barrières qui n’ont pas lieu d’être, et ça nous apprend à ne jamais remettre en question ce qui émane d’une quelconque forme d’autorité (esprit critique et créatif, bonjour !).

En gros, c’est un modèle hypocrite et déconnecté de son temps. On dirait que ce genre de collège cherche à préserver un mode de vie dépassé, qui serait menacé par la nouveauté, comme si elle était nécessairement porteuse de dangers, de régression. Je me demande comment ils ont réagi à la loi sur le mariage pour tous…

Non, en fait je crois que je ne préfère pas savoir.

Ce qui est sûr, c’est que les règles qu’on nous a imposées laissent des traces. Après le lycée j’ai enchaîné sur une prépa, et il m’a fallu plusieurs mois pour perdre l’habitude de regarder furtivement mon portable dans mon sac pendant les pauses en jetant des regards de chaque côté pour vérifier que je ne m’étais pas faite griller.

À part ça, j’avais beau être en prépa, je ne m’étais jamais sentie aussi libre ! Bien sûr, on avait la pression en termes de résultats, mais au moins on nous laissait tranquilles pour le reste. C’est même là que j’ai découvert les joies du séchage de cours. Oui, oui, en prépa… même si c’était que deux ou trois fois par semestre, quel bonheur !

Mais au-delà des habitudes, déconstruire les idées moralisatrices peut aussi prendre du temps, notamment dans le rapport au corps ou à la sexualité. C’est bien sûr une affaire personnelle, donc il m’est impossible de généraliser, mais je pense que ça a pu être difficile à gérer, surtout pour celles qui étaient dans les établissements non-mixtes jusqu’à la terminale, et qui baignaient également dans une ambiance stricte au sein de leur famille.

J’ai donc un message à toutes et à tous : si vous avez des enfants ou si vous prévoyez d’en avoir, par pitié ne les mettez pas dans une école non-mixte. C’est certain qu’il y a encore des progrès à faire dans les classes mixtes pour que filles et garçons soient vraiment traités de manière égalitaire, mais la non-mixité n’est pas solution : c’est un retour en arrière.

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Les Commentaires

33
Avatar de Marie N
7 juin 2014 à 00h06
Marie N
Bonjour,

après avoir lu ce témoignage j'ai envie de vous faire partager l'inverse:  Je me serais très bien, mais alors vraiment très bien passé de côtoyer des mecs pendant mon collège!!

Parce-que pour être tout à fait honnête les souvenirs que j'ai de mon collège c'est peut-être les pires de mon enfance.
Bon je vais pas entrer dans les détails mais les mecs à cet âge là c'est vraiment; comment dire ça sans donner l'air d'être bêtement sexiste: Disons que ça réagis en groupe et qu'un groupe de mecs de cet âge c'est rarement intelligent...

En plus, certaines filles, le fait que ce soit mixtes ça les rend pas plus ouvertes vers les autres.

Bref tout ça pour dire que ça ne m'aurais pas déplu de n'être qu'avec des filles, du moins à cet âge là.

Enfin j'ajoute une toute petite remarque: J'étais dans un lycée PUBLIC qui possédait une chapelle.... Je vois pas où est le souci, on l'utilisait avec l'aumônerie et puis voilà.
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