- Prénom ou pseudo : Christelle
- Âge : 35 ans
- Lieu de vie : Paris
- Orientation sexuelle et/ou romantique : bisexuelle
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Huit ans de célibat, je compte cela depuis la dernière fois que j’ai été officiellement en couple. Je ne compte donc pas les « situationships » (une situationship est une relation floue, qui ne rentre dans aucune case, et qui est souvent subie par l’un·e des partenaires, ndlr).
J’ai toujours été hors normes, tout en essayant de rentrer dans la norme.
L’intérêt pour les relations m’est venu plus tard que mes amis, je n’ai commencé à m’y intéresser qu’à 16 ans. Dès cet âge, j’ai senti que c’était compliqué pour moi de relationner. À cette époque, j’étais dans un état d’esprit très très différent : pour moi le but ultime était de me mettre en couple, de me marier et d’avoir des enfants. J’ai voulu cela pendant des années.
J’ai donc eu un premier copain « tard », à 18 ans, en relation à distance. Avec le recul, c’était une relation totalement toxique, mais la moi de vingt ans ne s’en rendait pas vraiment compte. Je pensais que c’était ça l’amour : les disputes, le chantage, l’intensité. Ce premier amour a duré deux ans (mais six dans ma tête).
Après cela, j’étais lancée : j’ai vite enchaîné sur une autre relation qui a duré neuf mois. Je n’ai pas écouté mon instinct qui me disait que j’avais besoin de m’aimer plus pour être en relation. Puis j’ai eu un an de célibat, reboot du first love pendant six mois, un an de célibat à nouveau, puis une autre relation de deux ans à distance encore. J’avais alors 26 ans. Et depuis… que des situationships !
À 26 ans, après deux gros échecs amoureux qui m’ont fait très mal, j’ai compris que j’avais quand même un travail à faire sur moi et que je ne voulais plus accepter n’importe qui, je voulais choisir plutôt qu’être choisie, je n’ai à ce jour pas réussi. Je suis partie dans l’autre extrême, n’acceptant plus la moindre personne qui ne correspondait pas à mes critères. Je pense que j’ai été trop rigide et je regrette cette période. J’étais trop dans le but de trouver LA personne alors que j’aurais pu vivre des relations qui auraient certes connu une fin, mais qui auraient été de bonnes expériences à vivre. Ce manque de validation masculine pendant des années m’a en tout cas rendue très mal dans ma peau, j’ai commencé à sentir que je ne plaisais à personne, que j’étais nulle et moche. Toujours à me comparer à mes copines qui elle avaient de belle relations longues.
Bref, il m’a fallu beaucoup beaucoup de temps pour comprendre que je n’avais pas besoin de la validation de quelqu’un d’autre, qu’il fallait que j’arrête de chercher le partenaire idéal, que je sorte de la vision autocentrée du couple ou je cherchais à ce que l’autre apporte quelque chose à ma vie sans penser à l’échange. Aujourd’hui, je comprends le vrai sens de « relation » : c’est un lien entre deux personne, un va et vient, de la communication.
J’ai aussi consulté une coach amoureuse car je me sentais totalement bloquée à ce niveau. J’ai arrêté de chercher la personne idéale, ce qui m’a permis de vivre des situationships. J’adore le fait d’avoir pu être célibataire pendant des années, cela m’a permis d’explorer tellement de choses, des partenaires différents, je me suis découverte sexuellement, et je ne pense pas que j’aurais pu le faire en couple. La clé de cette découverte était d’explorer différents partenaires. J’ai aussi fini par comprendre que je n’aimais pas forcément que les hommes. C’est en sortant de ce mythe et de l’image des films que je me suis remise sur le chemin qui m’emmènera à trouver un·e partenair·e. Je n’y suis pas encore mais aujourd’hui, je me sens bien plus prête. L’envie de partager sa vie avec quelqu’un est naturelle, l’être humain n’est pas un animal solitaire, mais aujourd’hui je suis encore craintive du couple, aucun couple autour de moi ne me donne envie, il faut que j’arrive à créer ma propre version avec quelqu’un qui sera sur la même longueur d’onde.
Comment décririez-vous votre célibat ?
En huit ans, il y a eu des hauts et des bas mais une constante certaine : je qualifierais ce célibat plutôt comme subi.
Ce que j’entends par là, c’est que j’ai manifesté une forte envie depuis six ans (je ne m’inquiétais pas trop les deux premières années) de trouver quelqu’un, mais je n’y suis pas parvenue. Inquiétant serait une autre qualification : c’est une situation qui m’a causé beaucoup de stress et d’anxiété.
Votre célibat a-t-il une incidence sur votre vie amicale ou familiale ?
Oui, définitivement. Côté famille, je ressens que mes proches se demandent pourquoi je suis célibataire. C’est la pique qui fait mal lors de disputes du genre: « ça ne m’étonne pas que tu trouves personne, tu es trop égoïste. » J’ai aussi droit à des remarques désobligeantes sur mon physique : « Quand est-ce que tu vas prendre soin de toi pour trouver quelqu’un et t’épanouir ? » (phrase authentique prononcée par des personnes de ma famille au bout de trois ou quatre ans de célibat).
Mes amis me donnent des conseils dans tous les sens pour mettre fin à mon célibat alors qu’ils n’ont jamais connu ma situation. Globalement, ça à mis une distance avec mes amis en couple qui n’arrivent pas à comprendre. La distance s’est particulièrement creusée dernièrement avec mes copines les plus proches, car elles ont toutes suivi le chemin classique du mariage et des enfants. Petit à petit, nos vies deviennent très différentes et on n’arrive plus vraiment à se comprendre. La maternité a particulièrement creusé le fossé, ma vie de personne qui n’a pas d’attaches semble facile et peu importante à leurs yeux. C’est un ressenti à travers des petites remarques du style « Ah tu t’es levée à 10 heures ? Le luxe de ne pas avoir d’enfants ». Je me sens infantilisée car je n’ai pas les mêmes responsabilités.
Résultat, cela m’a poussé à me faire d’autres amis, célibataires comme moi et souvent plus jeunes du coup. Je me sens beaucoup plus à l’aise avec des gens qui sont dans une situation similaire à la mienne.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur votre moral, au quotidien ?
Ça dépend des périodes. En huit ans, je suis passée par plein de moments, des moments où j’étais bien seule. Les deux premières années, ça ne me dérangeait pas vraiment.
Puis j’ai eu une période ou ça m’a beaucoup pesé, par recherche de validation. Le tout est d’atteindre l’endroit où l’on se sent assez bien pour se dire que ce statut n’est pas un indicateur de notre valeur. Ce n’est pas tous les jours facile de se le rappeler. Aujourd’hui, je dirais que ça n’affecte pas mon moral au quotidien. Mais j’ai parfois la peur irrationnelle que cette période ne prendra jamais fin.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Seule on décide de tout, on ne fait aucune concession. C’est une liberté mais je ne suis pas certaine qu’avec la bonne personne, on ne ressente pas la même liberté.
En revanche, je trouve que le célibat m’a rendue forte sous pleins d’aspects. Il y a tant de choses que beaucoup de gens n’osent pas faire seuls. Le célibat m’a rendue indépendante, débrouillarde et plus combative. Je n’hésite pas à aller à des événements seule, je me débrouille pour mon bricolage, ou autre activités associées au masculin… Je pense être pleine de ressources par rapport à des gens qui ont peut-être l’habitude de se reposer sur quelqu’un d’autre pour certaines tâches.
À l’inverse, pensez-vous qu’être célibataire vous empêche de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?
J’ai plutôt cette impression-là : je trouve qu’à deux, il y a beaucoup de choses plus simples car notre société est pas mal construite autour du couple. Ce n’est pas tant qu’il y a des choses que ça m’empêche de faire, car il y a toujours des solutions, mais plutôt qu’il y a plein de choses que j’aimerais faire et qui sont plutôt accessibles à deux.
Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ?
Oui, surtout via les applis. J’ai compris que les amis ne sont pas utiles dans ce cas, et je fais peu de nouvelles rencontres car on a passé le stade des fêtes où on rencontre de nouvelles personnes. Aujourd’hui dans les soirées, il n’y a plus de célibataires. Et les quelques fois où il y en a eu, ça n’a pas matché.
À l’heure ou je parle, je ne suis plus vraiment en recherche de couple sur appli mais j’ai fait beaucoup de dates ces trois dernières années. J’étais sur les applis tous les jours plusieurs fois par jour, surtout quand je discutais bien avec quelqu’un. Je pense qu’au maximum, je faisais un date par semaine. Aujourd’hui, on est plutôt sur un date par mois
Comment décririez-vous votre rapport aux rencontres ?
Au début de mon usage des applis, dater me faisait teeeeeeeeellllemeeeent cringer, ça me faisait si peur ! Aujourd’hui, j’y vais comme si j’allais faire mes courses, ça ne me fait vraiment plus rien. Je n’ai vraiment plus aucune attente.
J’utilise souvent cette métaphore : c’est comme un jeu de Mario Kart, tu roules en essayant d’attraper les boîtes point d’interrogation en espérant tomber sur un truc stylé, mais la plupart du temps c’est juste une pièce ou une banane et le but c’est de trouver l’éclair (le coup de foudre) ou l’étoile invincible.
Le célibat amoureux a-t-il un impact sur votre vie sexuelle ?
Pour sûr ! D’ailleurs, en ce moment, je suis en phase de recherche de partenaire sexuel·le car je ne crois plus réellement dans la rencontre amoureuse par appli, mais j’ai quand même des envies.
Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Oui. Pourtant, on ne m’a jamais vraiment dit des choses concrètement, les remarques désagréables sont ponctuelles et viennent de personnes assez traditionnelles dans leur vision de la vie.
Mais je trouve que la société est orientée vers le couple : les séries et films sont centrés là- dessus, les réseaux sociaux aussi. Les discussions entre amis tournent souvent autour de ce sujet. Ce qui est compliqué, c’est quand on a pas eu de relation de couple depuis longtemps et que les gens ne posent même plus la question car le statut n’as pas changé depuis longtemps, ce silence est aussi une pression.
Estimez-vous que le célibat a un impact sur vos finances ?
Dans une ville comme Paris oui, surtout par rapport au logement, c’est compliqué d’être célibataire. Récemment j’ai emménagé dans un deux pièces non meublé, j’assume donc le loyer en entier quand des personnes en couple pourraient avoir le même appartement et payer chacun la moitié. J’ai acheté tous les meubles de ma poche, sans diviser le coût. C’est un choix de ma part certes, car je n’ai pas envie de me sentir frustrée à vivre dans un mini appartement sans jamais rien acquérir en attendant… Résultat, ma capacité à épargner est divisée par deux alors que je gagne bien ma vie. Je ne me vois donc pas réussir à acheter avant la quarantaine alors que si j’étais en couple, j’aurais déjà un apport pour acheter un appartement à l’heure qu’il est.
Avez-vous un budget « dating » ?
Non, vraiment pas, si je suis short au moment du date, je n’hésite pas à laisser le mec payer. Je ne fais rien de spécial niveau fringues et make-up.
Quels sont vos projets pour le futur ?
Pendant très longtemps, je faisais des projets qui incluaient une autre personne, j’étais dans l’attente d’être en couple pour construire. Puis j’ai fini par comprendre que si je continuais comme ça, la vie me passerait sous le nez.
Donc non, aujourd’hui le célibat n’a pas d’impact sur mes envies et projections, c’est plutôt le contraire. Désormais, j’ai des plans assez solides, que l’arrivée d’une relation pourraient perturber.
À l’heure où je réponds à cette question j’ai déposé et validé mon dossier pour une PMA seule, je prévois d’avoir mon propre studio de création artistique. J’espère pouvoir acheter un appartement d’ici trois à cinq ans dans le sud, d’où je suis originaire.
À plus grande distance, je compte avoir une maison autosuffisante. Dans tout ce scénario, je ne prévois pas de partenaire, si quelqu’un·e arrive, ce sera un bonus.
Avez-vous une anecdote sur le célibat à partager ?
Je pense que j’étais célib depuis quatre ans quand j’ai lu un article sur une personnalité qui était célibataire depuis dix ans ou plus. Dans cet article, elle disait être heureuse ainsi et avait totalement renoncé à chercher quelqu’un, même au niveau sexuel. Je me souviens avoir lu cette article très perplexe, me disant deux choses : d’une, que j’espérais ne pas être célibataire aussi longtemps ; de deux, que je ne veux pas être comme elle et en venir à penser comme ça.
Cet article m’avait vraiment effrayée. Je croyais surtout que cette femme se mentait à elle même, que c’était très triste d’être dans sa situation. Aujourd’hui, je ne suis plus très loin d’arriver à son stade et je comprends complètement ce qu’elle disait désormais. Je m’en veux beaucoup de l’avoir jugée.
Ce qui me rend un peu triste malgré tout, c’est que si j’ai pensé ça il y a quelques années, cela veut dire que beaucoup de gens peuvent penser la même chose. Les gens seront toujours sceptiques que je puisse être heureuse ainsi car peu de gens ont été ou se retrouveront dans mon cas.
Autre anecdote plus légère : aujourd’hui j’ai développé un espèce de snobisme célibataire, quand une personne me dis qu’elle est célib « depuis longtemps », je ricane intérieurement en me disant qu’il y a vraiment peu de chance que cette personne soit réellement célib depuis plus longtemps que moi. Je me sens comme supérieure dans mon célibat. Pour moi, quelqu’un célib depuis quelques mois ne compte pas vraiment. Je commence à considérer quelqu’un de vraiment célibataire à partir de deux ans. Oui, même dans le célibat il y a du snobisme, comme les couples qui sont ensembles depuis dix ans et regardent les couples de trois ans comme des babies.
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