Si je vous dis « ce mec qui mange steak-patates, steak-pâtes, steak-riz, et reprend au début », ça vous parle ?
Quid de « ce type qui demande son kebab sans légumes » ? Ou de « celui qui finit toujours son assiette, sauf la salade » ?
Vous les connaissez, ces gars ? Parce que moi oui.
Dans mon entourage, il y a plusieurs hommes qui ne mangent pas, ou presque pas, de légumes. Qui sont réfractaires à de nouvelles expériences culinaires. Qui n’ont pas croqué dans un fruit depuis leurs 14 ans.
Il y a des hommes qui n’ont jamais cuisiné au-delà de faire bouillir de l’eau, mettre un cordon-bleu tout préparé dans une poêle ou enfourner une pizza surgelée.
Et il y a aussi des femmes dans ce cas — mais moins, beaucoup moins…
Ces hommes qui mangent comme de petits garçons
Quand j’ai vu passer l’article The Men Who Eat Like Boys sur MEL Magazine, j’ai donc compris immédiatement de quoi il s’agissait.
Le titre n’est pas un jugement de valeur : l’article parle littéralement de ces hommes qui ne sont jamais sortis de leurs habitudes culinaires de petits garçons.
Ils mangent toujours un menu enfants, en somme — ils ont juste augmenté les quantités.
L’auteur fait intervenir plusieurs mecs.
Bruce, bientôt 60 ans, ne supporte pas les légumes. Brad, 28 ans, aime à faire descendre ses nuggets avec un lait chocolaté. Evan, 22 ans, mange une saucisse dans du pain à chaque déjeuner.
Ces hommes se trouvent quelque part entre le menu enfants et l’amour pour la viande de Ron Swanson, dans Parks & Rec, qui refuse d’ingurgiter de la salade parce que « je suis pas un lapin ».
L’auteur de l’article fait également intervenir leurs compagnes, qui se retrouvent dans un rôle maternel, à essayer de leur faire manger des légumes en les planquant dans des sauces ou en négociant avec eux.
« [La petite amie de Brad] a lentement élargi ses horizons culinaires, en l’aidant à comprendre que ces aliments qu’il « n’aime pas » étaient ceux qu’il n’aimait pas quand il avait 7 ans.
« Goûte, juste une fois » est devenue sa devise. »
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Les habitudes alimentaires des hommes en France
L’article de MEL Magazine se base sur des hommes américains, où la culture culinaire est différente : il est moins courant de manger à table (et à heures fixes), le fast-food y est plus répandu…
Mais en France aussi, les hommes mangent moins « bien » que les femmes. Selon l’INSEE :
- Les hommes dépensent, par an, 300€ de moins que les femmes pour leur alimentation
- Les hommes achètent moins de légumes, de fruits, de lait, d’œufs, mais plus de pain, de riz, de pâtes, de viande et d’alcool que les femmes
- Parmi les légumes, les hommes achètent plus de pommes de terre et de plats préparés, transformés, que les femmes (qui achètent plus de légumes frais)
- Les hommes consomment moins de viande blanche et de poisson (sauf s’il est pané) que les femmes
- Les hommes consomment davantage de boissons gazeuses (non-alcoolisées) que les femmes (qui consomment plus d’eau minérale)
- Les hommes mangent plus souvent à l’extérieur ou à la cantine de leur entreprise que les femmes
- Les hommes consomment plus aux bars ou cafés, et y achètent plus d’alcool que les femmes
En recoupant tout ça, on a donc une plus grande proportion d’hommes qui s’envoient des nuggets-potatoes ou des steak-pâtes à chaque repas que de femmes.
Et qui sortent de cours ou du boulot pour aller vider quelques pintes, plutôt que de siroter un thé.
La santé des hommes VS la santé des femmes
En France, les hommes meurent toujours plus jeunes que les femmes.
Ils recourent moins aux soins et déclarent moins de maladies. D’après l’INVS, ils se déclarent en meilleure santé !
Pourtant, il y a plus d’hommes en surpoids ou obèses que de femmes.
Les hommes meurent plus souvent de maladies liées à la surconsommation d’alcool ou à la consommation de tabac que les femmes.
Ils sont plus nombreux à décéder de maladies cardio-vasculaires que les femmes.
Les taux d’écarts entre hommes et femmes se réduisent… mais c’est souvent parce que les femmes adoptent des habitudes « masculines » (fumer, boire de l’alcool, manger « mal ») et se rapprochent donc de leur groupe social.
De nombreux autres marqueurs différencient les espérances de vie : la catégorie socio-professionnelle, le niveau d’éducation, l’origine géographique…
Mais en vue d’ensemble, la disparité hommes-femmes est une réalité.
Des blocages dans l’enfance qui continuent à l’âge adulte
Comment peut-on expliquer que les hommes mangent plus « mal », dans le sens « moins équilibré », que les femmes ?
L’article de MEL Magazine évoque des enfants « difficiles » qui n’aiment pas grand-chose et n’ont jamais été encouragés à élargir leurs horizons culinaires.
Être curieux de nouvelles saveurs, de textures et d’épices inédites, ça s’apprend, et un garçon qui a grandi aux hot-dogs et frites n’a pas pris cette habitude.
À l’inverse, certains ont été « trop » forcés. Bruce explique avoir été forcé de rester des heures à table devant ses petits pois, incapable de les manger, en bras de fer mental avec sa mère.
Ces blocages psychologiques mènent à un régime habituant le corps à un certain type d’aliments, et rendant le système digestif moins efficace pour assimiler des éléments différents, comme des légumes ou des céréales complètes.
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Les femmes dans la cuisine, les hommes au barbecue
Une piste d’explication se trouve aussi au niveau des codes genrés.
De nombreux aliments « sains », comme les légumes verts, sont considérés comme féminins. Un mec, un vrai, ça mange du bœuf, ça ne fait pas rôtir des brocolis !
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De plus, la société attend des femmes qu’elles sachent cuisiner plusieurs repas différents et équilibrés. Au niveau de la cuisine, les hommes, on les relègue plutôt du côté du barbecue.
Les meufs font plus attention à ce qu’elles mangent, à leur poids, à leur apparence. De nombreuses femmes font des régimes, ce qui les mène à se renseigner sur la nutrition, l’équilibre alimentaire, les apports en calorie…
Stéphanie témoigne dans MEL Magazine :
« Ce que je remarque le plus, c’est que les hommes sont beaucoup plus nonchalants en matière de nourriture. […]
Je sais que les hommes aussi ont des complexes, mais en règle générale, je trouve qu’ils ne se prennent pas la tête au moment de décider quoi manger. Ça a l’air chouette. »
Cette « nonchalance », cependant, entre en conflit avec la fermeté qu’expriment certains des hommes interviewés : ils ne mangent PAS de légumes. Ils ne supportent PAS les légumes.
Manger des nuggets chez Mc Donald’s au moins une fois par semaine, est-ce nonchalant… ou un blocage ?
Les troubles du comportement alimentaire chez les hommes
Ameli, le site de l’assurance maladie, décrit les troubles du comportement alimentaire (TCA) comme :
« Des conduites alimentaires différentes de celles habituellement adoptées par les personnes vivant dans le même environnement. Ces conduites alimentaires perturbées sont à l’origine de troubles somatiques et psychologiques. »
Les deux troubles les plus courants sont l’anorexie mentale et la boulimie, qui touchent en majorité des femmes.
Cependant, certains des témoignages de l’article, ou des comportements que j’ai pu observer parmi les hommes de mon entourage, pourraient être indicateurs de TCA.
Bruce, l’homme de 56 ans qui ne mange jamais le moindre légume, dit dans MEL Magazine :
« Je n’ai jamais considéré mes préférences alimentaires comme un trouble. Je suis bien plus difficile que la plupart des gens, mais je ne vois pas le souci avec ça. »
Loin de moi l’idée de diagnostiquer quelqu’un sur la base de quelques lignes !
Mais sans forcément parler de TCA, je ne peux m’empêcher de trouver que rejeter tout un groupe d’aliments allant du radis à l’aubergine en passant par l’avocat, c’est inquiétant.
Surtout en sachant que les hommes se déclarent en meilleure santé que les femmes, alors que c’est faux. Évidemment que s’ils trouvent leur « régime » alimentaire « pas bien grave », ils ne vont pas consulter…
Comment améliorer les régimes alimentaires des hommes ?
Changer d’habitudes, ça ne se fait pas en un jour — surtout quand on parle de nourriture, un élément important de la vie, intrinsèquement lié à des émotions, des zones de confort, des souvenirs.
L’incorporation de légumes dans un régime qui en est dénué peut se faire petit à petit. Ajouter quelques fleurettes de brocolis à des pommes de terre sautées, remplacer les chips par des carottes ou radis…
Les soupes sont aussi un bon moyen d’avaler plein de légumes sans avoir de soucis avec la texture ou les goûts individuels.
Au niveau social aussi, des avancées sont possibles. Ne pas « chambrer » un mec qui commande une salade au lieu d’un steak, ne pas remettre en question sa masculinité pour un bête choix de repas, ça normalise la diversité alimentaire !
Si Gordon Ramsay reste viril en préparant un délicieux déjeuner végétarien, c’est bien que la viande n’est pas indispensable pour être UN MEC UN VRAI.
Et vous, dites-moi, vous connaissez des mecs bloqués au menu enfants ? Peut-être en faites-vous partie ? Ou peut-être que vous êtes une femme allergique à la verdure ?
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