Par Victor Fernandez
Alors que la lutte contre le Covid-19 fait désormais partie des préoccupations du personnel médical, certaines femmes alertent sur les risques que pourrait comporter une telle pratique.
« Je n’imaginais pas mon accouchement comme ça, c’est une violence faite aux femmes ! ». Alors qu’elle porte son enfant depuis maintenant 8 mois, Nathalie angoisse à l’idée de devoir porter un masque pendant son accouchement.
« J’ai l’habitude de porter le masque lors de mon travail. Mais l’accouchement est un moment assez sportif. On a besoin d’oxygène ! C’est comme si vous demandiez à un joueur de football en pleine action de porter un masque ! » s’indigne-t-elle.
Cette inquiétude, elle n’est pas la seule à la ressentir. Le 23 septembre 2020, le collectif Tout.e.s contre les violences obstétricales et gynécologiques (TCVOG) signait une tribune sur le site auféminin pour alerter sur ce phénomène et demander à ce que cette pratique soit bannie des maternités françaises.
Quatre mois plus tôt, ce groupe de militantes féministes avaient en effet lancé une grande enquête sur les naissances pendant la pandémie de Covid-19.
Après avoir récolté 2727 réponses, le collectif remet sérieusement en doute la légitimité de cette pratique. Difficultés respiratoires, augmentation des complications médicales, anxiété, autant de problèmes qui pourraient, selon elles, être aisément évitées, et ne justifient pas qu’on impose aux femmes de porter un masque durant leur accouchement.
Pour permettre aux femmes d’accoucher le plus sereinement possible, tout en minimisant le risque de contamination au Covid-19, le collectif a une solution : généraliser le port de masque FFP2 pour les soignants, au lieu du masque chirurgical dont ils sont actuellement dotés.
Une solution qui se heurte à la sous-dotation en masque pour les personnels des maternités mais également aux réticences de certains professionnels.
Des recommandations qui sèment le trouble
Dans le viseur du collectif, figure notamment le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français.
Le 30 septembre 2020, ce groupement de professionnels qui se donne notamment pour but « d’évaluer les pratiques professionnelles du secteur », recommandait le port du masque pour les femmes et le personnel médical pendant l’accouchement, y compris durant l’acte expulsif.
Une décision incompréhensible pour Sonia Bish, fondatrice et porte-parole de TCVOG : « C’est une déception totale. Toute notre mobilisation et tous les témoignages des femmes montrent qu’il n’est pas possible d’accoucher avec un masque ».
De son côté, Cyril Huissoud, secrétaire général de cette organisation de gynécologues, justifie cette décision par la nécessité de protéger le personnel médical mais aussi les femmes qui accouchent.
Il tient également à rappeler qu’il ne s’agit que de recommandations : « Elles peuvent être adaptées aux différentes situations. En présence des soignants, nous recommandons que les patientes portent le masque à chaque fois que cela est possible mais en aucune manière il ne peut être imposé.
Par ailleurs, très tôt nous avons proposé des visières aux patientes connaissant des difficultés avec le masque. Celles-ci ont l’avantage de permettre à la patiente de respirer tout à fait normalement même si elles apportent une moindre protection.
Enfin, si la patiente n’a ni masque, ni visière, il est demandé aux soignants de porter des masques FFP2 quand il n’y a pas d’autre possibilité. Nous en avons désormais à disposition, ce qui n’a pas été le cas pendant très longtemps, mais nous ne sommes pas prioritaires. ».
Interrogé sur les risques de complications médicales liés au port du masque, suggérés par le collectif de Sonia Bish, il balaye ces accusations : « le rapport de ce collectif s’apparente davantage à un sondage mais n’est pas valide scientifiquement. Nous n’avons pas observé de telle augmentation. Ce sont des indicateurs que nous suivons dans les maternités et nous n’avons pas constaté de changements ».
Difficile de rencontrer son bébé avec un masque
Si pour ces professionnels, le port du masque ne comporte pas de risques médicaux, beaucoup de patientes témoignent de la difficulté d’établir un premier contact avec son bébé lorsqu’on est masquée.
Fanny, qui a accouché au mois de mars, en plein confinement, raconte : « avoir un masque qui nous cache la vue, ça casse toute la beauté du moment, on ne peut pas bien voir notre bébé ».
Elle a heureusement pu profiter d’une équipe médicale compréhensive qui a cherché à s’adapter. « Ils sont sortis de la pièce le plus vite possible pour que mon mari et moi puissions enlever nos masques » explique-t-elle.
Pour toutes les femmes interrogées, accoucher en pleine pandémie mondiale n’a de prime abord pas été une perspective des plus réjouissantes.
Pour Laura*, sage-femme dans une maternité normande, la communication est un élément clé pour qu’un accouchement se passe bien : « dans mon service, 95 % des femmes acceptent de porter un masque sans problème. Mais pour celles que cela dérange, il faut leur expliquer pourquoi cela est nécessaire. Une fois qu’elles savent pourquoi elles le portent, cela ne leur pose souvent pas de problème. Cela ne m’est arrivé qu’une seule fois qu’une femme s’y oppose catégoriquement », raconte-t-elle, avant de rappeler : « une femme qui va accoucher est souvent angoissée et c’est bien normal car elle doit à la fois penser à sa propre santé mais aussi à celle de son enfant ».
Pour rappeler à l’ordre les établissements qui ne respecteraient pas les femmes qui accouchent, le collectif de Sonia Bish, a décidé d’élaborer une carte permettant aux femmes de signaler les cas de maltraitances gynécologiques.
Dans ses recommandations, le collectif demande désormais à ce qu’un questionnaire spécifique pour les femmes ayant accouché et leur accompagnant, soit mis en place.
Une manière de remettre le bien-être des femmes enceintes au centre des pratiques gynécologiques et obstétricales.
*le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée
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