Publié initialement le 30 mai 2011
Mon tatouage : une plume
J’ai toujours voulu être tatouée. C’est la faute de mon père, dont j’ai “découvert” les tatouages vers l’âge de quatre ans, quand j’ai compris ce que c’était que ces dessins sur ses bras. A partir de ce moment là, je n’ai plus cessé d’en parler, et de réfléchir au combo motif/emplacement, pendant presque vingt ans, jusqu’à ce que je me décide enfin.
Avant ça, j’ai voulu :
- une panthère noire dans le bas du dos (quand j’avais cinq ans, ça va hein),
- une tête de puma sur le bras (manque de bol, vu mon gabarit, j’aurais même pas pu caler une moustache),
- un “Jack” sur le poignet (mais bon, faut pas non plus trop déconner)…
Bref, je suis passée par une tonne d’idées toutes plus intelligentes les unes que les autres (j’ai même tenté de créer un blason à l’image de mes origines mélangées, puis j’ai repris mes esprits).
Et l’été dernier, je me suis enfin décidée pour un motif, le plus évident qui soit, un truc qui ne risquerait pas de perdre sa signification au fil des années : une plume de paon. Il faut savoir que mon prénom signifie “paon” en kabyle, et que la symbolique de cet oiseau est extrêmement riche, et intéressante.
J’ai la chance d’avoir mon meilleur pote pierceur dans une boutique de tatouage, ce qui m’a permis de faire connaissance avec mon tatoueur avant de me lancer, et de le faire dans un environnement vraiment convivial. J’y passe d’ailleurs la moitié de mon temps, c’est un peu comme une deuxième famille. De plus, je me suis décidée la semaine de mon anniversaire, ce qui a permis à mon meilleur pote de m’offrir mon premier tatouage. J’étais partie pour faire une petite plume sur l’omoplate, mais le jour de mon rendez-vous, mon tatoueur m’a expliqué qu’au fil des années, ma plume se transformerait en gros pâté informe et qu’il valait mieux viser plus grand. Il a sorti un feutre, m’a gribouillé sur la moitié du dos (donc un motif environ 70 fois plus gros que ce que j’avais prévu) et j’ai à peine le temps de respirer que c’était parti.
Mon tatouage de plume et la douleur
Au début j’ai fait la fière, ça ne faisait absolument pas mal, je faisais des micro-siestes sur la table en attendant que ça passe et je ne sentais pratiquement pas l’aiguille – un régal. Je me moquais des clients qui pleuraient parce que je me sentais super balèze, et je paradais dans la boutique avec un sourire reposé après chaque séance.
Puis, au bout de 7 ou 8 séances, on a fini par attaquer la couleur. Et là, j’ai mordu le fauteuil, serré la mâchoire, retenu mes larmes, crispé tous mes membres – j’ai compris ce que c’était d’avoir MAL. J’avais l’impression que l’aiguille venait titiller toutes mes terminaisons nerveuses en insistant bien dessus pour me faire bondir. Heureusement, les séances ne duraient pas plus d’une heure et j’avais toujours droit à une gorgée de whisky avant et après pour m’aider à tenir debout (ou pour me faire taire, je sais pas trop).
Mon tatouage de plume et l’ambiance du salon6
L’ambiance de la boutique a beaucoup aidé à faire passer la douleur : un film sur grand écran, le chien du tatoueur qui jouait avec moi plus que je ne jouais avec lui, les potes qui viennent squatter et qui apportent à boire et à manger, la musique à fond – je pense que je l’aurais moins bien vécu si j’avais été entourée d’inconnus dans une ambiance froide et austère. Surtout que tout le monde passait son temps à venir squatter l’arrière boutique pendant que je me faisais piquer, j’avais plutôt intérêt à être à l’aise, vu que j’étais à moitié à poil.
Mon tatouage plume de paon
Aujourd’hui, huit mois après la première séance, mon tatouage est enfin fini. J’ai passé une phase de déprime parce que le résultat final ne me plaisait pas, tout simplement parce que les deux dernières séances ont complètement transformé le tatouage, et je me suis retrouvée devant un motif complètement différent de celui avec lequel j’évoluais depuis quelques mois. J’ai mis du temps à m’habituer, me dire que ça y est, c’était fini – mais j’ai encore une séance de retouches réglementaire à faire, ce qui me console un peu. Même si les dernières séances ont été extrêmement éprouvantes, je pouvais entendre mon corps hurler “NON MAIS ÇA VA BIEN LÀ ÇA SUFFIT MAINTENANT, AU DÉBUT C’ÉTAIT RIGOLO MAIS LÀ VOUS FAITES CHIER HEIN !”.
Ce tatouage, en dehors de ce que représente le motif, a une signification toute particulière pour moi – comme pour chacun – et est également le symbole d’une étape très importante de ma vie, et de mon rapport à moi, à mon corps, et à mon identité. Maintenant le plus dur va être de me retenir de repasser sur la table à chaque pulsion, je commence à croire les gens qui me disent que c’est une maladie et qu’une fois qu’on commence, on ne peut plus s’arrêter. Et ceux qui répondent “euh, bah, nooon, mais… ça dépend… enfin tu verras”, à ceux qui demandent si ça fait mal. Ça dépend tellement de tellement de choses différentes, qu’il est impossible de formuler une réponse claire à cette question.
Mise à jour : suite à votre demande dans les commentaires, je vous livre donc le secret ultime : l’identité et l’adresse de mon tatoueur. C’est donc Goran, de la boutique Anomaly à Paris, métro Rambuteau ! N’hésitez pas à aller les voir pour une envie de tatouage ou de piercing (là j’fais de la pub pour mon meilleur pote qui est doué et doux comme un agneau) et dites que vous venez de ma part (ça changera rien, mais ils seront contents que je leur envoie des gens). La boutique est ouverte 7j/7, ça aide aussi.