La musique, tu en écoutes peut-être partout, toute la journée. Et dans ce domaine, ce ne sont pas les femmes qui manquent, tous styles, toutes voix et tous talents confondus ! Mais entre les vocalises de Céline Dion, les chorégraphies ultra-souples du bassin de Beyoncé, les chansons engagées de Lesley Gore, et les tonnes d’artistes trop cool qu’on te présente chaque semaine en session acoustique, il y a des femmes qu’on ne connaît pas forcément très bien.
Et pourtant ! Certaines d’entre elles ont été des pionnières dans leur spécialité musicale, par les prix qu’elles ont remportés ou pour ce qu’elles représentaient à leur époque. En voici donc cinq qui ont fait leur révolution (« porte tooooon nom », comme dirait une certaine Jenifer) à leur façon, et qui méritent qu’on parle d’elles au moins autant que du dernier album de Kendji.
La première femme noire à remporter un Grammy Awards
Si tu étais en culottes courtes (ou en dentelle, c’est comme tu veux) dans les années 1990, tu te souviens peut-être de Pata Pata, le méga-tube de Miriam Makeba. La chanteuse sud-africaine est à la fois une méga star, une icône de l’indépendance et la première chanteuse noire à avoir remporté un Grammy Awards !
Tout ceci est d’autant plus impressionnant que la vie de Miriam Makeba a démarré comme un conte pas très joyeux. De son vrai prénom Zenzi, elle est née en 1932 à Johannesburg, peu avant que l’apartheid, c’est-à-dire la politique de séparation entre les colons et les populations locales, ne fasse rage dans son pays. En 1948, à partir de ses 16 ans, elle n’a donc plus pu aller à l’école. Son père est décédé alors qu’elle avait cinq ans.
Elle a fait des ménages chez les colons pour gagner sa vie, puis a commencé par accompagner The Manhattan Brothers, un groupe de chanteurs sud-africains, avant d’être connue pour son tube en 1956, repris en Europe par Sylvie Vartan. Après la gloire internationale, est arrivée la reconnaissance des pros : en 1965, Miriam Makeba a remporté un Grammy Award, qui récompense les meilleurs artistes musicaux aux États-Unis, avec Harry Belafonte, pour leur disque en duo, An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba.
La chanteuse s’est aussi positionnée explicitement politiquement contre l’apartheid, en participant au film Come Back To Africa. Pour cela, elle a été déchue de sa nationalité par l’Afrique du Sud : sa musique a été interdite dans son propre pays, et elle n’a pas pu venir assister à l’enterrement de sa mère. Elle a aussi été mariée à un des chefs des Black Panthers, collectif militant pour les droits des noirs en Californie dans les années 1970, et a perdu sa fille unique.
Après avoir été citoyenne temporaire dans plusieurs pays pendant ses années d’exil, et s’être installée en Guinée, Miriam Makeba a finalement obtenu la nationalité française en 1990, et est retournée en Afrique du Sud pour soutenir Nelson Mandela.
Miriam Makeba est décédée d’une crise cardiaque en 2008. Elle a été retrouvée évanouie après un concert de soutien à Naples au réalisateur Roberto Saviano, menacé par la Mafia.
À lire aussi : Cinq grandes femmes noires qui m’ont redonné confiance en moi
La première femme compositrice de musique électro (ou en tout cas connue comme telle)
La musique électro, tu connais ? Je ne te cause pas de Grimes et autres Fakear. Bien avant d’en arriver aux titres qui se dansent en boîte, la musique électronique a ressemblé à de la composition plutôt abstraite. Et les femmes sont présentes dans cette histoire. Johanna Magdalena Beyer, née en Allemagne en 1888, est d’ailleurs la première femme qui est connue pour avoir signé une composition célèbre pour instruments acoustiques et électroniques !
En 1988, le magazine Essential’s Music a tenté d’en savoir plus sur sa vie, qui est restée bien énigmatique. La future compositrice a quitté l’Allemagne en 1924, à l’âge de 35 ans, un an après avoir été diplômée du conservatoire. Elle a alors posé ses valises aux États-Unis. Elle y a passé deux diplômes, au Mannes College of Music, et a intégré le Composer’s Forum, un cercle de compositeurs avant-gardistes américains. Malgré cela, elle a dû affronter les préjugés sexistes selon lesquelles la musique moderne n’était pas compatible avec la féminité…
En 1938, elle a composé Music Of The Spheres, à qui elle doit donc ce qui fait sa particularité, mais qui n’a jamais été enregistrée de son vivant. Son travail a en fait été redécouvert à partir de 1977, et certains critiques estiment même aujourd’hui qu’il a influencé la musique minimaliste américaine des années 1970 !
Johanna Magdalena Beyer a gagné sa vie en donnant des cours de piano. Elle a aussi bossé pour Henry Cowell, un célèbre compositeur et éditeur de musique américain. Elle aurait peu composé lors des dernières années de son existence, et ses dernières oeuvres ne sont pas rédigées de sa main. Elle est décédée en 1944, d’une maladie dégénérative, la sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot).
À lire aussi : Électro : les femmes de plus en plus (re)connues
La première femme qui a rappé sur une compil hip-hop en France
Diam’s ou Kenny Arkana : des femmes dans le rap en France, il y en a. Si elles ne sont pas toujours mises en avant par rapport aux hommes, les filles du rap ont pourtant toujours été là, raconte le site Fragil.org.
Une certaine Saliha, notamment, a marqué l’histoire du rap français, parce qu’elle a été la première femme à figurer sur Rapattitude, avec le titre Enfant du ghetto. Cette compilation de musique était la première du genre en France. Sortie en 1990, elle a déniché quelques futures célébrités du rap, comme NTM, Assassins ou Tonton David, et regroupait essentiellement des noms masculins. Le CD a donc fait grand bruit, parce que le rap français à l’époque restait assez confidentiel.
Malheureusement, Saliha n’a pas eu le succès de ses compères. De son boulot dans l’industrie musicale, on trouve très peu de traces sur le Web. Elle a sorti deux albums, d’abord un premier en 1992, puis Résolument Féminin, en 1994, alors qu’elle avait 24 ans. Dans le livre Rap ta France, elle a raconté à José-Louis Boquet et Philippe Pierre-Adolphe à quel point il avait été difficile d’être une femme rappeuse en France à cette époque, rapporte Hétéroclite :
« si tu montais sur scène et que tu n’assurais pas, on te balançait des chaises, on t’insultait. […] le public a plus d’idées préconçues, de préjugés […] tu as intérêt à te battre deux fois plus, à ne pas t’endormir sur scène. »
À lire aussi : Nicki Minaj évoque le machisme dans le rap
La première femme à voir son opéra interprété au Metropolitan Opera de New York
On peut être compositrice de musique et avoir une conscience politique. Mieux, on peut avoir été la première femme en classe de composition, mais aussi avoir été une suffragette ! Voilà quelques mots le curriculum vitae d’Ethel Smyth, une Anglaise née en 1858 à Londres. Elle commencé à se battre très tôt, et pour cause : son père, général dans l’armée britannique, n’avait aucune envie que sa fille soit compositrice. Mais Ethel Smyth, qui a appris la musique avec sa gouvernante, s’est opposée à l’autorité parentale.
En 1877, elle a donc débarqué au conservatoire de Leipzig, en Allemagne, dont elle est devenue la première femme à faire partie de la classe de composition. Ethel Smyth a été encouragée à développer des talents par quelques compositeurs célèbres, notamment Johannes Brahms et Piotr Tchaikovsky. Elle a donc composé et composé, et a fini par se tailler un petit succès : un de ses opéras a été présenté à Leipzig en 1906.
Elle était déjà du genre à mettre le bazar, puisqu’elle allait dans les fosses d’orchestre pour épingler des consignes diverses et variées au pupitre des musiciens, selon The Telegraph. En 1902, c’est la consécration à l’international : elle devient la première femme compositrice à présenter un opéra au Metropolitan Opera de New York, avec sa pièce Der Wald !
Ethel Smyth a surtout été une femme engagée ! Elle est devenue une suffragette en adhérant au Women’s Social and Political Union, qui militait en faveur du droit de vote des femmes au Royaume-Uni au début du XXème siècle. En 1911, elle leur a même composé un hymne, The March of Women. C’était une militante active, et cela lui a d’ailleurs valu de faire de la prison en 1912 : pendant une manifestation, elle avait lancé une pierre dans la fenêtre de Lewis Harcourt, le secrétaire d’État aux colonies, en représailles de sa remarque condescendante sur les femmes.
Pendant la première guerre mondiale, Ethel Smyth a travaillé à l’hôpital militaire de Vichy. Elle a ensuite continué à composer, et s’est vue décerner plusieurs titres honorifiques pour son oeuvre. À la fin de sa vie, la compositrice a entrenu une amitié avec la célèbre écrivaine Virginia Woolf. Elle est décédée en 1944, à 86 ans.
À lire aussi : La propagande anti-suffragettes du début du XXème siècle en images
La première femme qui a remporté le prix de Rome
Le prix de Rome ne te dit peut-être rien. Il s’agit d’un concours organisé par l’Académie Royale des Beaux-Arts en France, qui permettait aux élèves qui le remportaient d’obtenir une bourse d’études pour aller se former à l’Académie de France à Rome. Au départ, il récompensait des spécialités des arts plastiques et arts appliqués, puis la musique est rentrée dans les catégories primées.
Même s’il est aujourd’hui obsolète, à l’époque, décrocher le prix de Rome montrait que tu pesais grave artistiquement parlant. Et la première femme à avoir relevé ce défi a été Lili Boulanger.
Née en 1893, en France, elle a toujours baigné dans une famille de musiciens, puisque son propre père a aussi été lauréat du prix de Rome et que sa soeur, Nadia Boulanger, est la première femme à avoir conduit l’orchestre philharmonique de Londres ! Lili Boulanger a d’abord appris le piano quand elle était petite, puis est rentrée au conservatoire national de Paris, ce qui constitue déjà un beau parcours.
En 1913, à 19 ans, la jeune musicienne s’est lancée à la conquête du prix de Rome, où elle a présenté Faust et Hélène, une de ses compositions pour voix, choeur et orchestre, qui s’inspire du Faust de l’écrivain allemand Goethe. Grâce à cette pièce, elle a été la première femme à remporter le fameux concours, dont elle est aussi l’une des plus jeunes lauréates !
Avec la bourse, Lili Boulanger est partie composer en Italie, mais l‘arrivée de la Grande Guerre de 1914-18 l’a vite obligée à rentrer en France. Ses oeuvres ont d’ailleurs été marquées par la tristesse de cette période. Mais elles ne sont pas nombreuses, car la jeune compositrice a eu une fin tragique…
Elle est décédée de la tuberculose à 25 ans à peine, alors qu’elle composait encore et encore, et a même dicté à sa soeur sa dernière oeuvre. Aujourd’hui, les maisonnettes des deux soeurs, achetées par leur mère pour qu’elles puissent travailler, sont des lieux classés par le ministère de la Culture et de la Communication.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Il y a une ou deux semaines, je suis tombées en cliquant de lien en lien sur Youtube sur une interview de Soral. Dans cette dernière il expliquait que dès que les femmes se sont appropriées ou lancées dans un domaine culturel (musique, art), elles ne font au final que d'imiter les hommes (elles ne savent pas créer) et que c'est le signe que ce domaine cesse d'évoluer... sa m'a TELLEMENT mise en rage que je n'ai pas pu finir l'écoute de cette interview.
Je m'y connais pas assez en histoire de la musique pour trouver beaucoup de contre exemple, mais cet article fourni déjà quelque piste