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Ayant arrêté l’alcool le 8 janvier 2022, je saute sur l’occasion pour vous raconter un peu mon parcours d’alcoolique, n’ayons plus peur des mots, car les dire à voix haute libère.
« La gueule de bois est très acceptée, voire glorifiée dans notre société »
J’ai commencé à boire « normalement » au lycée, en soirée, j’étais une bonne fêtarde et je le suis restée pendant ma vingtaine. Je n’ai jamais su boire avec modération et j’aimais bien la sensation d’ivresse. À cette époque, je ne le savais pas encore, mais j’avais un trouble de la personnalité borderline : la vie, les émotions, les relations, tout était douloureux. J’avais mis en place quelques systèmes de survie qui consistaient en gros à être dans le contrôle extrême quand je ne buvais pas, et à boire à outrance pour enfin pouvoir lâcher prise.
J’étais alcoolique fonctionnelle, c’est-à-dire que ça ne m’empêchait pas de travailler, de « fonctionner », et comme la gueule de bois est très acceptée, voire glorifiée, dans notre société, je faisais des petites blagues dessus et ça passait très bien.
Quand boire ne s’est plus avéré aussi « fun »
Au début de la trentaine, je me rendais bien compte qu’il y avait quelque chose qui clochait. Certes, je ne buvais pas le matin, ni tous les jours, mais je buvais seule : ça a commencé avec le petit verre de vin devant un film, puis toute la bouteille, deux fois par semaine, en semaine, puis boire avant/pendant/après une soirée, puis le dimanche midi en éteignant mon téléphone pour que personne ne capte que je buvais seule le dimanche.
Puis l’été, c’était gueule de bois tous les deux jours. Boire n’était plus du tout fun.
Entre le moment où j’ai percuté qu’il fallait que j’arrête et le moment où j’ai arrêté, il s’est passé plusieurs années, le temps de me renseigner sur les mécanismes de l’addiction, de lire et d’écouter des témoignages de femmes alcooliques, de me rendre compte de la réalité de ma consommation, de me rendre compte que j’avais un trouble de personnalité borderline et donc d’aller en thérapie pour me rétablir et enfin de lâcher à voix haute à ma psy « Je crois que je suis alcoolique. »
J’avais fait une prise de sang et les résultats étaient nickel, je me suis dit « ok mais pour combien de temps ? Combien de temps mon corps va tenir ? ».
J’avais bien picolé aux fêtes de Noël, qui s’étaient d’ailleurs pas très bien passé, et au 1er janvier, je me suis promis de ralentir, mais pendant la semaine, je suis sortie tout le temps et en gueule de bois un jour sur deux. Le 8 janvier à 14h, j’ai fini une bière brune de la fête de la veille et je me suis dit « Bon. On va tester de refaire un Dry January… ou au moins une semaine sans alcool. »
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Pour Laurie, tout débute par un dry january
Une semaine est devenue un mois, puis deux mois, puis six, puis un an, puis deux et aujourd’hui, 32 mois.
J’ai arrêté « seule » mais j’en ai surtout parlé tout de suite à tout le monde : famille, ami.e.s, collègues, tenanciers de bar, et bien sûr ma psy. Qu’est-ce que ça a changé ? Tout. Mon anxiété a considérablement baissé, je ne fais plus d’insomnies, je gère beaucoup mieux mes émotions et j’ai plus d’argent.
Arrêter l’alcool, c’est remettre en question son identité, ses relations et ses choix
Mais la sobriété, c’est aussi un changement profond de son identité (qui on est sans alcool quand on a passé sa vie d’adulte à boire ?), ses relations, ses choix. La sobriété, ce n’est que le début du chemin. J’ai conscience que je peux rebasculer à tout moment, je suis hyper vigilante, peut-être trop pour l’instant, mais si je n’ai plus ma sobriété, je n’ai plus rien. Je pourrais écrire dessus pendant des pages et des pages tellement ça me passionne.
J’ai ouvert un petit compte Instagram @jesaispasquoiboire pour faire découvrir aux personnes qui veulent ralentir ou arrêter leur consommation d’alcool qu’il y a plein plein plein d’alternatives, et je témoigne aussi.
Même après plus de deux ans, je pense toujours à l’alcool, j’en rêve parfois et je me réveille le cœur battant, le temps de me rendre compte que non, je n’ai pas flanché.
Je pense souvent à cette phrase d’addict : « La mauvaise nouvelle, c’est qu’on a perdu la guerre. La bonne nouvelle, c’est que la guerre est terminée. »
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Le regard des autres sur l’alcoolisme et l’arrêt de l’alcool
Lorsque j’ai annoncé mon alcoolisme, cela a été le plus dur pour mes parents : ma mère a mis du temps avant de comprendre et d’accepter que j’étais alcoolique, principalement parce que je ne « ressemble » pas à l’idée qu’elle se fait d’un.e alcoolique.
Je ne suis pas totalement sûre qu’elle me croit encore aujourd’hui, mais elle me soutient dans ma démarche, et c’est le plus important. Mon père me soutient aussi, mais jusqu’à un certain point, ma sobriété a déclenché quelques disputes qui ont finalement plus à voir entre lui et lui, plutôt qu’entre moi et lui.
Globalement, j’ai été soutenue par mon entourage, en tout cas sur le principe, mais ça a modifié mes relations avec quelques personnes, notamment les relations qui étaient basées sur les sorties et les soirées.
J’ai fait le deuil de mes relations avec certaines personnes et/ou de me dire que la relation qu’on avait avant la sobriété ne reviendra pas, cela m’a rendue très triste et ça a été un passage difficile, mais je l’accepte aujourd’hui.
Peu de personnes se sont moquées ou m’ont poussé à la consommation, et je ne les vois plus. Surtout, le fait de parler ouvertement de mon alcoolisme a permis à des ami.e.s une réflexion sur leur propre consommation, et certain.e.s ont réduit, voire arrêté.
Globalement, les gens qui tiennent à vous vous soutiennent, car ils veulent que vous alliez bien, mais ils vous soutiennent jusqu’à leur propre limite, ce qui est déjà pas mal. Et je ne vois plus les gens qui ne me soutiennent pas, ils sont une minorité. J’ai moi-même été cette personne qui pousse les gens à boire, à en prendre un dernier, à dire « oh t’es pas drôle », parce que je n’arrivais pas à m’arrêter et je ne voulais pas être la seule victime dans ma chute. Du coup, je les comprends, quelque part.
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Arrêter l’alcool et préserver le lien social
Dès mon arrêt, j’ai continué à sortir dans les bars pour ne pas me couper du lien social. La seule différence, c’était la boisson que je prenais, et l’heure à laquelle je rentrais. Ensuite, j’ai trouvé moins d’intérêt à juste sortir pour aller dans un bar. Je pense (j’espère) que les gens m’ont perçu de façon positive.
J’ai connu des personnes après ma sobriété, des personnes qui ne m’ont jamais vu saoule, et naviguer entre ces deux identités a été assez complexe, mais être reconnue comme la personne qui ne boit pas m’a beaucoup aidé. Aussi je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup plus de gens qui ne buvaient pas ou peu que ce que je pensais.
Comme j’étais happée en permanence par ma propre consommation, je pensais que tout le monde buvait autant que moi.
Pour les pots au travail, je ramenais des boissons sans alcool un peu sympa (vins, bières, sirops, pétillants…) que je me mettais sur une table dédiée et clairement identifiée. On m’a déjà dit que j’étais trop extrême ou trop intransigeante dans ma sobriété parce que je ne consomme que des boissons « 0.0 », c’est-à-dire sans aucune trace d’alcool, et je ne mange pas de plats cuisinés avec de l’alcool (« Mais l’alcool s’évapore pendant la cuisson, il ne reste que le goût ! » Justement :-)) Au final, il n’y a que moi qui sait ce que l’alcool m’a fait, et il n’y a que moi qui sait ce que je risque.
Je m’estime très chanceuse, car mon arrêt a été globalement bien accepté et j’ai été soutenu par mon entourage. Cela n’est pas le cas de tout le monde, par exemple, dans les familles où l’alcool est une institution, ou quand on s’est fait un groupe d’ami.e.s ou des relations lié uniquement par l’alcool, avec qui on ne partage pas grand-chose d’autre. Il existe des groupes de paroles, en dehors des AA, mais aussi une communauté qui prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux.
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