« Dans un pays comme la France, il est inquiétant de voir qu’une journaliste comme Mme Diallo [fait] l’objet depuis des années de si fréquents incidents de diffamation, de procédures judiciaires ou d’intimidation ». Ces mots sont ceux de Mary Lawlor, rapporteuse spéciale des Nations unies pour les défenseurs des droits humains.
Interrogée par Mediapart, cette femme, qui est habituée à prendre la plume pour défendre des personnalités attaquées par des régimes non démocratiques, s’est inquiétée du traitement de la journaliste, essayiste et réalisatrice antiraciste Rokhaya Diallo.
Une « vive inquiétude »
Dans un communiqué publié jeudi 1er février et cosigné par plusieurs autres expertes des Nations Unies, elle a exprimé sa « vive inquiétude face aux poursuites judiciaires, [à] la surveillance, [aux] intimidations et diffamations signalées contre Mme Diallo ».
Et pour cause, Rokhaya Diallo est (très) souvent la cible de campagnes de cyberharcèlement de la part de la droite, l’extrême droite, et des personnalités issues de mouvements dits « laïcs ».
Car plusieurs actions en justice ont été conduites à l’encontre de Rokhaya Diallo, comme, entre autres, une plainte en diffamation lancée par le philosophe Raphaël Enthoven, que Rokahya Diallo avait qualifié sur X (anciennement Twitter) de « harceleur », l’homme très médiatique l’ayant mentionnée 478 fois sur le réseau social entre 2017 et 2022. Rokhaya Diallo a par ailleurs été d’être relaxée.
Déjà une première lettre envoyée au gouvernement
Selon les expertes, les attaques à l’encontre de Rokhaya Diallo sont directement liées aux causes qu’elle défend, dénonçant notamment le racisme systémique ou encore l’islamophobie en France. Elles dénoncent : « Elle est l’une des rares femmes noires et musulmanes françaises visibles et la seule journaliste qui aborde la race et le genre à un niveau grand public (…) En raison de son travail, elle a été confrontée à la discrimination et à des menaces pour sa sécurité », poursuivent-elles.
Ce n’est pas la première fois que Mary Lawlor et des expertes des Nations Unies alertent sur le sort de Diallo. Déjà le 25 septembre 2023, elles ont adressé une lettre de cinq pages à la mission permanente de la France auprès de l’ONU, souhaitant « attirer » son « attention » sur « différentes formes de harcèlement et de diffamation à l’encontre » de Rokhaya Diallo.
Ce à quoi le gouvernement a rétorqué que ceci relevait de « faits et des circonstances très diverses », avec « un nombre important de procédures judiciaires » qu’il ne saurait commenter, « en vertu du principe de séparation des pouvoirs ».
Un « soulagement » pour Rokhaya Diallo
De son côté, Rokhaya Diallo a évoqué auprès de Mediapart son « soulagement » d’être soutenue via ce communiqué, après des années de « disqualification systématique, de tentatives d’intimidation récurrentes et d’entraves à [s]a prise de parole, qui se déroulent d’ailleurs dans une certaine indifférence ».
« J’ai l’impression d’avoir deux vies, continue-t-elle. À l’étranger, où je travaille beaucoup, on considère que j’ai une expertise sur la France. En France, il est rare que je m’exprime sans contradiction. Comme s’il y avait toujours une précaution, une distance à prendre avec moi », a-t-elle déploré.
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