Cette semaine, le podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, s’attaque à l’effrayant documentaire L’arnaqueur de Tinder, disponible sur Netflix. L’article ci-dessous est la retranscription du podcast.
Avant d’être en couple avec un homme splendide que j’ai choisi pour sa très belle nature de cheveux, j’étais comme vous autre les gueux : célibataire.
Alors, j’en ai passé des heures à pratiquer la chasse à la teub confortablement assise sur les toilettes, à uploader mes plus belles photos retouchées pour faire croire à qui mieux mieux que j’étais un mélange de Néfertiti et de Penélope Cruz époque Vanilla Sky !
La vie sur les applis de rencontre
J’ai swipé pendant des mois comme si ma vie en dépendait. J’ai swipé le matin, le midi, le soir, dans le métro, en boite, au supermarché, à la salle (bon en vrai j’ai surtout swipé sur mes heures de travail), jusqu’à avoir des cloques aux doigts, des cors aux coudes et de la corne au cul.
Alors au début j’étais grisée par mon succès sans précédent sur Tinder, où j’ai affolé la gente masculine au point d’envisager une carrière de mannequin internationale de type liane sauvage, mais j’ai vite déchanté…
Faut dire que la médiocrité est l’apanage des hommes, et qu’ils ne l’étalent jamais autant que sur les applis de rencontre. C’est pourquoi mes histoires d’amour se sont globalement arrêtées après des « slt sa va ? » mal orthographiés.
Alors peut-être que si moi aussi, j’avais rencontré Simon Leviev sur Tinder, j’aurais succombé au charme discret de ses lunettes Gucci et à son air de bourge en dépression nerveuse. Ou peut-être que je l’aurais swipé à gauche car il a vraiment le charisme d’une semelle Mephisto.
Vous ne savez pas qui est Simon Leviev ? C’est que vous n’avez pas encore regardé l’effrayant documentaire Netflix The Tinder Swindler.
Un film de presque deux heures qui depuis sa sortie, le 2 février dernier, plafonne au top des tendances de Netflix, au point de faire la une de tous les médias Internet.
Laissez-moi vous raconter l’histoire de The Tinder Swindler.
The Tinder Swindler commence comme une histoire d’amour
Cecilie, une norvégienne ultra-romantique qui a été biberonnée à La Belle et la bête et autres Disney, est persuadée qu’un « prince charmant » va venir la sauver.
Alors la sauver de quoi, j’en ai aucune idée parce qu’elle m’a tout l’air d’être une zouz bien privilégiée, mais bon si elle le dit.
Absolument persuadée que le grand amour se cache au détour d’un swipe Tinder, entre Igor de la salle de sport, et papa ? Putain ! elle flashe sur Simon, un type aux airs de blaireaux à polos rayés dont les photos crient « je suis un gros connard à la recherche d’un utérus », mais bref, il plaît à Cecilie et qui suis-je pour juger les goûts des gens ?
Sitôt matché, Simon joue sa sérénade à Cecilie.
Il l’invite à dîner au Four Seasons, commande du caviar et se pare de son plus beau costard de vieux mec de droite pour la séduire. Moi je lui aurais jeté des tabourets au visage, mais c’est simplement parce que ma mère m’a appris à me méfier des hommes qui portent des vestons. Surtout quand ils s’appelle SIMON LEVIEV.
Après un dîner prometteur, pendant lequel Simon sort le grand jeu, il lui propose de lui faire faire un petit voyage en jet privé.
Les copines de Cecilie la mettent en garde : peut-être que ce type est Xavier Dupont de Ligonnès ou simplement un bon vieux pervers narcissique. Mais Cecilie vit la Yolo life, et embarque avec Simon, la mère de son enfant (WTF) et son garde du corps dans un jet. Moi là je comprends, j’y serais allé à fond. Déjà que je dis oui pour un Jet 27.
Une fois rentrée de son périple, et après avoir partagé une nuit de sexe torride avec Simon, qui avait sans doute trouvé son « point Jet », Cecilie rentre chez elle, des rêves d’amour plein la tête.
Au bout de quelques semaines d’une mission séduction réussie, Simon propose à sa douce de s’installer avec lui.
C’est l’extase pour Cecilie qui a hâte de fonder un vrai foyer avec son cher et tendre, jusqu’au soir où Simon lui fait parvenir des photos de son garde du corps ensanglanté, blessé par des « ennemis ».
L’Arnaqueur de Tinder, ou la descente aux enfers de Cecilie
Comme Simon est le fils de l’un des plus gros diamantaires du monde, il est en effet poursuivi par des méchants messieurs qui veulent lui faire la peau. Il est donc obligé de bloquer ses cartes de crédit, dont se servent ses détracteurs pour le localiser.
Alors Simon demande de l’argent à Cecilie, pour qu’il puisse se mettre à l’abri.
C’est le début de l’enfer pour la pauvre jeune femme qui contracte 9 prêts et ment aux banques pour aider son petit ami.
Vous vous en doutez, Simon n’est pas plus diamantaire que je suis gagnante de Koh-Lanta et n’est pas plus riche que je suis Denis Brogniart. AH !
L’escroc israélien, qui s’appelle en réalité Shimon Hayut, vit depuis des années de fraudes émotionnelles, grâce aux femmes qu’il séduit sur Tinder et auxquelles il fait miroiter le grand amour.
Le système sur lequel il s’appuie est celui de la pyramide de Ponzi. Alors Jamie, la pyramide de Ponzi, c’est quoi ? consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. En d’autres termes, c’est en escroquant des femmes qu’il parvient à en séduire de nouvelles, qui payeront pour les suivantes, etc.
Mais l’infect Shimon, dont on savait bien qu’il avait trop une dégaine à participer aux Marseillais à Cancun pour être honnête, n’aurait jamais dû sous-estimer le pouvoir de la sororité.
En effet, et après une lourde face dépressive, Cecilie décide de prendre son destin en mains et de faire tomber Shimon Hayut. Pour ce faire, elle contacte un magazine, leur confie les 400 pages de textos WhatsApp qu’elle a échangées avec Simon ainsi que d’autres preuves incriminant l’homme.
L’Arnaqueur de Tinder va vous dégouter de l’espèce humaine
Le magazine enquête, contacte Pernilla, une autre victime de l’arnaqueur, et sort un long article dont la résonance est immédiate.
Résultat, Ayleen, une autre « petite amie » de Simon, découvre le pot aux roses et décide, de concert avec Cecilie et Pernilla, de coincer celui qui lui a tout fait perdre, précipitant sa vie dans l’enfer des dettes.
Alors autant vous le dire tout de go : The Tinder Swindler ne donne ni confiance en les applis de rencontre ni en l’amour. Ni non plus en l’espèce humaine finalement, qui s’empresse de faire du victim blaming sitôt que l’affaire paraît.
Parce que, et comme il est coutume de faire dans notre société misogyne, Internet a pointé du doigt la vénalité des femmes qui avaient succombé à l’arnaqueur, plutôt que l’arnaqueur lui-même.
Et c’est en partie là que le documentaire donne envie de péter des tables. Il montre combien QUOI QU’IL ARRIVE, ce sont les meufs, et les victimes, qui plus est, qui s’en prennent plein la gueule. Déjà qu’on leur a volé tout leur pognon, à ces jeunes femmes, en plus on leur dit : « Bah c’est ta faute ma vieille ! T’avais qu’à pas vouloir voyager en jet privé»
Bref, vous allez sans doute sortir sinon ruinée, contrairement à Cecilie, au moins écoeurée, révoltée, choquée, ulcérée, effarée, tourmentée, de The Tinder Swindler, comme je l’ai été moi-même pendant le visionnage, et c’est un bon indicateur de l’excellente qualité du documentaire, qui prend grand soin non seulement de multiplier les intervenants et de muscler sa mise en scène, mais aussi de faire la lumière sur le courage impressionnant de Cecilie, Pernilla et Ayleen, qui passent, grâce à Netflix, de victimes à héroïnes.
Netflix un documentaire impeccable et glaçant
Netflix enregistre leur histoire sans dédain ni misérabilisme, et leur permet de prendre leur revanche, quelque part, sur l’infecte Shimon Hayut.
Netflix prouve donc encore une fois qu’elle a le nez creux pour les sujets brûlants, de ceux qui mettent les foules vent debout et animent les apéros.
En tout cas, et même si le documentaire ne diabolise en aucun cas les applis de rencontre, j’ai personnellement aucune envie d’aller repointer le bout de mon grand nez sur Tinder.
Déjà parce que j’aimais pas trop avoir des cloques aux doigts et de la corne aux coudes, ensuite parce que je tiens trop aux 34 € qu’il reste sur mon compte pour les filer au premier connard à veston qui passe.
Judith Duportail, autrice de Dating Fatigue, où elle explore les turpitudes de la rencontre 2.0, dit que politiquement, le swipe est un geste de droite. Mais moi, je connais un geste qui ne vous la mettra jamais à l’envers : la branlette.
Voir u003cemu003eL’Arnaqueuru003c/emu003e de Tinder sur Netflix
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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