Un activiste contre un nom de quartier controversé.
Jeudi 3 décembre, l’éditorialiste, essayiste et consultant franco-sénégalais Karfa Diallo comparaissait devant le tribunal correctionnel de Bayonne pour « rébellion ».
A la tête de l’association Mémoires et Partages, ce petit-fils d’artilleur sénégalais lutte contre les symboles esclavagistes encore présents en France.
Pendant le G20 de Biarritz, le 22 août 2019, il manifestait, accompagné de quatre militants, contre le nom de Négresse donné à un quartier de la ville, nommé en référence à une femme noire emblématique du quartier du 19e siècle, aubergiste qui servait les soldats de Napoléon Ier.
Or la société a évolué : l’expression « nègre » est aujourd’hui reconnue comme étant raciste et xénophobe.
Pourtant, la police était alors intervenue, procédant à l’arrestation de Karfa Diallo.
Menottes aux mains, le militant avait passé une nuit en garde à vue. Une réponse qui a donné lieu, par la suite, à la capture et à la diffusion de la scène sur les réseaux sociaux.
Karfa Diallo est soutenu par des élus et figures médiatiques
A l’ouverture du procès, plusieurs personnalités et d’élus de la région ont apporté leur soutien au militant, dont l’autrice Marie Darrieussecq et Danièle Obono du parti La France insoumise.
Sur les bancs du tribunal se trouvaient également le député girondin Loïc Prud’homme (LFI) ainsi que la candidat à la présidentielle de 2017 Philippe Poutou (NPA). Karfa Diallo risque jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
En dehors de ce procès, Karfa Diallo a précisé ne pas vouloir « monter les Français les uns contre les autres, ni diaboliser les Biarrots ou les Basques. Ce que nous tentons de faire, c’est de nous rendre le plus sensibles possible aux injustices et humiliations. »
Mais l’activiste ne compte pas lâcher l’affaire sur son combat.
Il a déclaré notamment que le tribunal administrative de Pau a été saisi pour la suppression du nom.
Quant à Maider Arostéguy, maire de la ville, elle a déclaré au micro de l’émission Quotidien que « cette problématique n’est pas au cœur de sa préoccupation de maire. » Message plus ou moins reçu, donc.
Un combat de longue haleine
Depuis vingt ans, Mémoires et Partages se bat pour que certaines rues et quartiers portant un nom de trafiquants d’esclaves soient débaptisées. Une action menée dans les villes ayant des ports au passé négrier, comme Nantes et Bordeaux.
Des panneaux explicatifs ont été accrochés dans les rues en question. L’idée : en faire des lieux d’histoire.
Pas suffisant pour les associations, pour qui il faut carrément débaptiser ces rues, pour que « les symboles tombent », le dispositif d’accompagnement venant après.
Faut-il déboulonner les statues ?
Suite aux manifestations contre les violences et le racisme au sein de la police au mois de juin en France et dans le monde, le débat a été ouvert sur la question des symboles racistes, et notamment de la statue de Colbert, instigateur du Code noir, texte qui réglementait la servitude des esclaves dans les colonies françaises.
Mieux vaut tard que jamais… mais l’effet a été de courte durée.
Lors d’une allocution le 14 juin 2020, Emmanuel Macron a tranché la question en déclarant :
« La République n’effacera aucun nom ou aucune trace de son histoire. »
La question des symboles racistes et des statues l’apologie de figures violentes envers les personnes racisées touche plusieurs pays, dont notre voisin le Royaume-Uni.
À Bristol, la statue du marchand d’esclaves Edward Colston avait été déboulonnée par des manifestants en juin dernier.
Malgré l’indignation du gouvernement, le maire de la ville a décidé de la placer dans un musée. Une initiative impossible en France ?
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Les Commentaires
Je comprends mieux l'obstination à garder ce nom avec une telle mentalité, le racisme est totalement décomplexé.