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"Crédit : La théorie des petits pas / Instagram"
Travail

Je me suis engagée en politique pour améliorer mon petit village !

Emilie, une Rockie engagée, vient d’être élue au conseil municipal de son village. Marie l’a interviewée pour connaitre son quotidien et il est bien loin du cliché de la gestion des querelles de voisinage pour des problèmes de haies qui dépassent !

« Quand je trouve qu’il manque un truc, je le fais. »

Emilie a l’engagement dans le sang et me bluffe par sa sagesse et sa détermination. Depuis juin dernier, elle est conseillère municipale dans sa petite commune de la Sarthe, à une vingtaine de kilomètres du Mans.

« D’autres Rockies qui se présentent aux Municipales pour échanger ? »

À 32 ans, elle raconte son parcours comme une évidence, une suite de déclencheurs naturels qui l’ont amenée, petit à petit, à s’intéresser de plus près à la politique locale.

En France, les maires sont les élus qui rassemblent le plus la confiance des citoyens, avec un taux de soutien à 71%. Pourtant, sur le terrain, l’indifférence se creuse et les équipes municipales peinent à se renouveler et à attirer de jeunes profils.

Alors que je creusais un sujet sur les élections municipales, un message d’Emilie sur le forum de Rockie m’a mis la puce à l’oreille : elle y demandait si des lectrices se présentaient en 2020.

 « J’ai rejoint la liste unique de mon village de 600 habitants en me disant qu’il serait ainsi plus facile de « faire entendre » ma voix et celle de ma génération qui espère plus d’écologie au quotidien et plus de démocratie participative. Je suis d’ailleurs contente car beaucoup de colistiers partagent ces valeurs

D’autres Rockies qui se présentent pour échanger ? »

Parce que la vie politique souffre de pas mal de clichés et d’a priori, je lui ai proposé de nous raconter son chemin… sans me douter qu’il était aussi riche d’enseignements.

Au commencement, une asso pour faire ses courses auprès de producteurs locaux

Originaire du Maine-et-Loire, Emilie s’est installée à Fercé-sur-Sarthe, un village de 600 âmes, pour se rapprocher de son travail et de la famille de son mari. Avec son église et ses jolies balades à vélo, Fercé-sur-Sarthe ressemble à beaucoup de villages français où la vie s’écoule en douceur.

Il y a 6 ans, Emilie déplore le manque de petits commerces locaux et décide de créer une association pour mettre en place un marché de producteurs dans le village.

« À la base, c’est un peu égoïste, j’avais envie de faire mes courses auprès de producteurs locaux. Et je me suis dit : pourquoi ne pas en faire profiter d’autres familles ? »

Tous les mercredis entre 18h30 et 19h30, Le Petit Marché investit une salle près de la mairie et propose des produits fermiers. Progressivement, des liens se tissent avec d’autres associations du coin et des ateliers verts s’organisent pour accompagner les habitants vers des pratiques zéro déchets.

En 2018 et après quelques années dans la com’ d’un site touristique, elle est recrutée par une communauté de communes pour assurer des missions de communication. Là, elle prend toujours plus conscience des intérêts qui se jouent au niveau démocratique local.

Un pied dans la porte de la mairie

En fin d’année 2019, elle envoie un mail au maire au sujet de son association et glisse en PS qu’elle se verrait bien s’investir sur sa liste municipale aux prochaines élections. Quelques semaines plus tard, alors qu’elle désespère de n’avoir aucune nouvelle à sa proposition, elle croise son maire. Décontracté, il la rassure : elle est déjà prise en compte sur la liste !

« J’ai été accueillie à bras ouverts alors que je suis arrivée avec mes gros sabots dans le conseil, haha ! Les gens me connaissent comme « la nana du Petit Marché », ils avaient déjà entendu parler de moi et savaient que je suis quelqu’un de dynamique. Quand j’ai un truc en tête, je le fais ! »

Début février, la liste du maire qui se représente est presque complète et les colistiers se réunissent pour discuter des envies de chacun. Avec une seule liste en lice, la concurrence n’est pas à craindre dans le village, mais cela n’empêche pas le débat ! La liste se clôt finalement sur une belle parité : 8 hommes et 7 femmes de 30 à 68 ans la composent.

Tous Elus est un mouvement sans couleur politique lancé par une poignée de citoyen·nes au printemps 2018.

Il a pour objectif d’accompagner des milliers de jeunes citoyen·nes, issu·es des zones rurales ou péri-urbaines pour que ces personnes s’investissent en politique, défendent leur vision de la société et fassent entendre leur voix aux municipales !

Comment ? Par des méthodologies et outils innovants, Tous Elus souhaite booster leur confiance et leur donner toutes les informations techniques et les compétences pratiques pour mettre un maximum de chance de leur côté.

Emilie ne connaissait pas l’initiative Tous Elus mais elle aurait pu en bénéficier. En 2020, Tous Elus a formé et accompagné 213 jeunes candidates et candidats aux élections municipales, dont 40% de femmes.

Découvrir l’initiative Tous Elus

Une liste élue au premier tour

« Dans un village avec une seule liste, il n’y a pas un suspense fou ! »

La liste est effectivement élue dès le 1er tour des élections mi-mars, avec un taux de participation à 49,53% et un plébiscite du maire à 99,51%.

Emilie me précise :

« Dominique Dhumeaux est un maire hyper apprécié, très actif, il vendrait sa chemise pour son village. Il porte une vraie parole sur la ruralité et est vice-président de l’Association des maires ruraux de France, ce qui donne une autre dimension à son mandat. »

Pas besoin de passer par la case ENA ou par SciencesPo pour être légitime à adresser les sujets qui parcourent le conseil. À cet échelon très local, ce sont des gens comme toi et moi qui construisent une politique à dimension humaine, à plus ou moins long terme en fonction des problématiques. D’ailleurs, tout est prévu puisque les personnes élues ont un droit à la formation, en lien avec leurs sujets d’intérêt.

Tous les 2 ou 3 mois, le Conseil municipal se réunit et statue sur des enjeux très concrets comme le tri des déchets, les taux d’imposition locale, les emplois des agents communaux, la gestion des biens du village, les subventions aux associations, le stationnement… Le Conseil se réunit aussi en petits groupes dans des commissions thématiques comme la culture et le lien social, la communication ou la vie associative et numérique.

« Je suis vraiment contente d’y être allée, j’ai fait 3 conseils depuis le début et je m’y plais bien. C’est tellement varié que tu as forcément des sujets qui vont te parler plus que d’autres. Et tu rencontres des gens que t’aurais jamais rencontré, humainement c’est chouette ! »

Forcément, ces différences de génération et de pratiques demandent un peu d’ajustement : toutes les discussions ont lieu en réunion et si une boucle Whatsapp permet à la Commission communication d’être plus agile entre les rencontres, le seul autre outil numérique de travail consiste en des mails pour convoquer les conseillers.

D’ailleurs Emilie a beau être une pro de la communication, elle n’est pas venue pour bousculer les pratiques de sa commune.

« Je ne veux pas arriver en bulldozer et tout balayer ! »

Devenir conseillère municipale et se sentir utile à son échelle

« J’étais longtemps dans l’action et je suis de plus en plus dans la pédagogie, c’est un processus un peu long dans ma tête. Je me rends compte que plus je grandis, plus j’explique, plus je suis pédagogue. J’ai aussi l’impression d’ajouter une corde à mon arc d’engagement. C’est une autre façon d’être utile. »

Emilie est curieuse et optimiste. Sur son blog créé pendant le confinement, La théorie des petits pas, elle met en place ce travail de pédagogie pour amener vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement.

Pendant quelques minutes, elle m’explique tous les enseignements qu’elle tire de cet engagement au sein du conseil municipal de Fercé-sur-Sarthe. Inscrite à une commission communautaire sur les déchets et l’eau, elle veut comprendre comment marche le tri des déchets, comment les taxes sont gérées et comment les décisions collectives sont prises, dans l’intérêt des citoyens, avec des moyens souvent limités.

Si ce mandat est un temps de travail supplémentaire, il existe cependant quelques aménagements bien pratiques mais assez méconnus. Outre le droit à la formation, les élus et élues parents de jeunes ou moins jeunes enfants peuvent se faire rembourser les frais de babysitting par l’Etat. Emilie plaisante :

« Moi pour le moment, j’emmène ma fille : c’est la seizième conseillère haha ! »

Les employeurs de membres de conseils municipaux sont aussi tenus de faciliter leur exercice à travers des autorisations d’absence ou dans certains cas des crédits d’heures.

Mais tout ça n’empêche pas… que beaucoup de gens sont indifférents à cette partie de la vie politique.

« C’est cool de parler de tout ça, parce que mes copains, ils s’en foutent, haha ! »

Bien loin du cliché du maire bedonnant en écharpe qui serre des paluches sur le marché, Emilie vient créer à travers ses engagements une nouvelle représentation de la défense de l’intérêt public et elle ouvre sans doute la voie, sans le savoir, à des centaines d’autres femmes inspirantes.

Et toi, comment perçois-tu ton Conseil municipal ? Ça t’est déjà venu à l’idée de t’y faire élire ?


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

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