Mon histoire est celle d’une jeune femme de 31 ans, en couple depuis 5 ans, qui décide de faire un enfant avec son compagnon. Une histoire banale, me direz-vous ? Eh bien, pas vraiment : les choses n’ont pas été aussi simples que ce que nous espérions.
Jusqu’ici, les enfants n’avaient jamais vraiment été mon truc mais après quelques temps avec mon compagnon, j’avais commencé à me sentir prête, et à avoir envie de cette nouvelle aventure. En janvier 2021, après plus de 10 ans de pilule, nous avons arrêté toute contraception.
Un changement de cycle, et des douleurs vives
Avec cet arrêt, mon cycle a changé. Mes règles habituellement longues et abondantes sont devenues courtes et éparses, jusqu’au mois de mars où j’ai commencé à saigner beaucoup, longtemps, et avec des douleurs à la limite du supportable. Après dix jours, j’ai fini par appeler mon médecin pour l’avertir que quelque chose me semblait anormal.
Pendant qu’elle m’auscultait, je lui ai parlé de nos tentatives de faire un enfant. Elle m’a prescrit une prise de sang et quelques analyses, en me disant qu’elle me rappellerait en cas de problème. Quelques jours plus tard, quand elle me laisse un message vocal, je ne l’écoute pas : stressée, je m’imagine le pire, et choisis plutôt de l’appeler directement. C’est là qu’elle m’annonce, toute enjouée, que je suis enceinte. Quoi ? Déjà ? Comment c’est possible ? Heuuu… Mais… Attendez vous êtes sûre ?
Les tests sont sans appel, mais elle me précise qu’il faut consulter en urgence, les douleurs et les saignements n’étant pas très bon signe. Mon compagnon et moi sommes néanmoins aux anges. Nous nous imaginons déjà parents, et rions en y pensant.
Trouver un rendez-vous gynécologique en urgence, mission (presque) impossible
Nous venions d’emménager dans cette ville où je n’avais pas de gynécologue attitré, et je me suis fait rembarrer par un nombre incalculable de médecins, toujours avec la même phrase :
« Désolé, on ne prend pas de nouvelles patientes. Revenez dans trois mois »
Le tout, malgré mon insistance à préciser mes symptômes et à leur dire qu’il y avait urgence. Dans cette situation, je me suis découvert un mental d’acier : après une trentaine d’appels et m’être fait rembarrer d’un hôpital, j’ai fini par trouver un gynécologue de garde qui prenait sans rendez-vous dans un autre hôpital. COVID oblige, je n’ai pas d’accompagnant autorisé et mon conjoint doit patienter à l’extérieur pendant de longues heures d’attente.
Quand je rencontre le médecin, je lui explique ce qui m’amène. Il me fait passer une échographie pelvienne, regarde son écran et ponctue son examen de « hm hm », « bizarre », « je ne le vois pas »… sans jamais me regarder.
Je ne comprends pas ce qui se passe, jusqu’à ce qu’il se tourne vers moi et me dise :
« Il n’est pas dans votre utérus ».
Je tombe des nues et ne comprend pas. Comment ça il n’est pas là ? C’est possible ça ? Il est où, alors ? Il me répond que je fais une grossesse extra-utérine, que l’embryon se trouve dans ma trompe de Fallope droite, et qu’il faut tout de suite arrêter cette grossesse.
Je ne saisis toujours pas. Une grossesse extra quoi ? Je lui demande ce que je peux faire, s’il n’y a aucune autre solution, ce qui se passera si je ne fais rien. Froidement, il me répond ces mots exacts :
« Si vous restez comme ça, vous allez crever ».
Le diagnostic de ma grossesse extra-utérine
Quand je l’ai regardé avec des yeux stupéfaits, il a fini par m’expliquer enfin de quoi il retournait. En gros, l’œuf fécondé n’était pas dans mon utérus mais dans une de mes trompes, et il y grandissait. Le risque, c’était que la trompe se rompe et que je fasse une hémorragie interne, un risque très grave. Il a ajouté qu’on ne pouvait rien y changer, qu’on allait me faire une injection pour éliminer l’œuf mal implanté, et que je serai tranquille.
Mon bonheur s’est envolé très vite. Je n’ai ressenti aucune compassion de sa part, seulement du mépris et de l’exaspération alors qu’il me demandait d’attendre dans le couloir qu’une infirmière vienne me faire une injection. C’est ce que j’ai fait, seule, entourée de femmes enceintes et souriantes.
Après la grossesse extra-utérine
L’infirmière a essayé de me rassurer avec gentillesse et compréhension, de me dire que tout allait bien se passer pour la suite, mais j’étais tout simplement livide. Le matin, on m’annonce que je suis enceinte, l’après-midi, tout est déjà fini avec une piqûre dans les fesses… Quand j’ai retrouvé mon conjoint, après tout ça, j’ai fondu en larmes dans ses bras. Lui non plus ne comprenait pas la situation, mais il a tenté de me soutenir du mieux possible.
Les douleurs ne se sont pas estompées du jour au lendemain. Pendant plusieurs jours, elles ont continué et ont été terribles à vivre pour moi, me rappelant constamment ce que je venais de subir.
Je me suis remise de tout ça peu à peu et après quelque temps, j’ai trouvé un boulot dans une autre ville. Nous avons déménagé encore une fois et suspendu l’idée de bébé pendant quelques mois, jusqu’en janvier 2022. Bien sûr, nous n’avions pas oublié ce qui c’était passé et cette fois-ci, nous avons été attentifs : j’ai suivi mon cycle à la lettre, et observé le moindre changement.
On m’avait précisé que ce que j’ai vécu arrive rarement deux fois. Selon le CNGOF, 60% des personnes ayant fait une grossesse extra-utérine sont à nouveau enceintes dans les deux ans suivant la guérison, et le taux de récidive oscille entre 10 et 30%. Il est tout à fait possible d’avoir un bébé après une grossesse extra-utérine, et j’ai eu plusieurs témoignages autour de moi pour l’attester.
Des symptômes inquiétants pour la seconde fois
Le temps est passé et en mars, après une dizaine de jours de retard de règles, je fais un test urinaire. Le résultat s’affiche : enceinte depuis deux / trois semaines. La joie m’envahit ! Mon chéri était dans le salon, et vous auriez dû voir son regard quand je suis arrivée avec mon grand sourire en revenant des toilettes, le test dans la main… J’en suis encore émue.
J’ai décidé de très vite prendre rendez-vous avec ma nouvelle médecin spécialiste en maternité. Elle est douce, adorable, et me propose un créneau le jour-même.
Mais après deux prises de sang, les résultats l’inquiètent. Pour couronner le tout, je commence à avoir des pertes étranges. Anxieuse et sur les conseils d’une amie, je prends rendez-vous avec une sage femme pour le premier contrôle le lundi suivant.
Cette fois-ci, mon compagnon peut m’accompagner et la sage-femme fait tout son possible pour nous rassurer. Elle lance l’échographie pelvienne et là… Elle cherche, cherche, cherche encore, mais il n’y a toujours rien dans mon utérus. Je la vois faire de son mieux, mais elle est contrainte d’arrêter l’examen pour ne pas me faire trop mal, et elle préfère m’envoyer aux urgences.
Une deuxième grossesse extra-utérine
Nous sortons du rendez-vous dépités, à nous dire que tout allait recommencer. Après avoir patienté dans un service de gynécologie débordé, une infirmière vient me faire une prise de sang de plus (mes veines n’en peuvent plus, d’ailleurs), et on m’installe dans une petite salle.
Je vois un interne, une gynécologue, puis la responsable de gynécologie qui arrive avec un air très professionnel. On sent qu’elle ne blague pas.
Elle prend l’appareil en main, et force un peu du côté où j’ai mal. Je serre les dents avec ces quatre personnes autour de moi dans la salle, les jambes écartées, à prier pour que tout ça se termine rapidement. Elle finit par trouver, et m’annoncer que l’embryon est bien dans ma trompe droite, comme la dernière fois.
Je réalise que je vais revivre une deuxième fois le même cauchemar, en pire. Cette fois-ci, au vu de la récidive, il va falloir retirer la trompe qui pose problème : mes antécédents montrent que c’est risqué, et qu’on ne peut pas mettre ma vie en danger tout le temps. On me laisse le choix en m’informant que c’est la meilleure chose à faire et j’accepte l’opération pour ne plus jamais avoir à revivre cette situation.
On m’annonce alors que je dois être opérée dans la journée. Je suis sous le choc — je ne m’attendais pas à passer sur la table d’opération aussi rapidement — et malgré leurs explications et leur bienveillance, je fond en larmes. Ça commence à faire beaucoup.
Je perds confiance en moi, et me sens profondément seule. Mon compagnon me rassure, me dit que je suis forte, que je vais me battre, et qu’on en sortira encore plus soudés. Il s’inquiète de me perdre, devant cette anesthésie générale qui m’attend. Finalement, l’opération est repoussée au lendemain. Je peux enfin manger, et je passe la nuit dans une chambre d’hôpital.
L’opération pour traiter ma grossesse extra-utérine
Le jour suivant, réveil à 7h30 et c’est parti pour la salpingectomie. J’ai à peine eu le temps de réaliser ce qui se passait, et c’est tant mieux.
Vers 11h30, je me suis réveillée complètement dans le gaz. Un infirmier m’a annoncé que tout s’était bien passé et que l’opération n’avait duré que vingt minutes. J’ai trois cicatrices : une sur le nombril, une sur l’aine, et une juste au dessus du pubis. Je suis rentrée chez moi dans l’après-midi, avec un rendez-vous de contrôle le mois suivant. Physiquement, je me suis remise très rapidement. Mentalement, les choses ont été plus difficiles mais je suis bien entourée, et je suis restée forte.
J’ai attendu le rendez-vous de contrôle avec impatience car quelques jours après l’opération, j’ai reçu un compte-rendu par courrier qui m’indiquait que ma trompe gauche était boudinée et que j’avais des lésions d‘endométriose, chose que j’ignorais…
À l’hôpital, la médecin face à moi m’a expliqué que le terme trompe boudinée signifiait que ma trompe restante était plus épaisse que la normale, ce qui pouvait peut-être poser problème pour tomber enceinte, sans que cela ne soit une certitude. Quant à l’endométriose, elle m’a expliqué que le traitement qu’elle pouvait me proposer n’était pas compatible avec notre envie de grossesse.
Mettre fin au tabou autour de la question
À l’heure actuelle, nous devons donc attendre quelques mois pour voir si je peux tomber enceinte sans aide médicale. Sinon, nous pourrons compter sur l’aide de la médecine, qui fait de très belles choses aujourd’hui ! Nous restons pleins d’espoir et après tout ce que nous avons vécu, nous sommes sûrs que nous pourrons connaître les joies de la parentalité un jour.
Si j’écris ce témoignage, c’est parce que le terme grossesse extra-utérine m’était complètement inconnu avant de le vivre. Et ensuite, j’avais l’impression d’être la seule au monde à vivre une telle situation. Pourtant, en questionnant mon entourage, j’ai découvert que nombre de personnes avaient vécu des drames sans jamais en dire un mot…
Ce sont des sujets tabous, mais il faut en parler ! J’aimerais que tout le monde sache que cela existe, au moins pour pouvoir réagir rapidement et ne pas attendre que sa vie soit en danger. Car en France, environ 16 000 cas de GEU sont dénombrés chaque année. Les causes sont variées, les symptômes également et il ne faut jamais hésiter à demander des examens si vous pensez que ça ne va pas.
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Crédit photo : Polina Zimmerman / Pexels
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