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Chronique

Illana Weizman : « rien ne change à minuit, le soir du 31 décembre »

Deux fois par mois, l’essayiste et militante féministe et antiraciste Illana Weizman signe une chronique pour Madmoizelle dans laquelle elle analyse un fait de société, parfois à partir de son expérience personnelle. Cette semaine, elle présente ses vœux pour la nouvelle année, mais pas en rétrospective sur Instagram, ni en listant tout un tas de « bonnes résolutions » parce qu’après tout, rares sont ceux et celles qui les tiennent.

Vous aussi, vous en avez plein le feed de vos contacts qui plombent vos écrans de bilans de l’année écoulée et de bonnes résolutions et objectifs pour l’année à venir ? La pote qui monte quatre Reels de son mariage, la petite cousine qui importe ses vidéos TikTok égrenant, au rythme d’une image par seconde, ses voyages et sorties dans les plus grands clubs européens, les connaissances qui listent leurs réussites professionnelles dans un grimage annuel d’Instagram en… LinkedIn ?

« Le miroir déformant des réseaux appuie là où ça fait mal »

Attention, je ne jette pas (tout à fait) la pierre, je comprends pleinement le besoin de regarder en arrière et de s’auto-satisfaire de ce qui a été accompli, nous le méritons, c’est même ce qui ouvre à une vision plus confiante de l’avenir. Ce qui me gêne, c’est l’accumulation sur les réseaux et les effets produits sur la santé mentale des individus. Nous ne sommes pas émotionnellement préparés à recevoir en boucle et sans fin les accomplissements de centaines de personnes que nous suivons et dont nous sommes plus ou moins proches, voire totalement étrangers. Le miroir déformant des réseaux appuie là où ça fait mal. Nous ne sommes pas égaux face aux « réussites » puisque nous ne partons pas avec les mêmes outils et privilèges, et les vitrines Instagram and co. gomment ces inégalités et créent une tambouille d’envie et de mésestime de soi.

Pour bon nombre d’entre nous, aucune réussite explosive ou spectaculaire, aucune montagne déplacée, job de rêve ou salaire gratifiant. Souvent, une année après l’autre, notre accomplissement premier, c’est d’avoir réussi tant bien que mal à maintenir à flot sa santé mentale et avoir survécu à un certain nombre d’épreuves. Et c’est déjà grand contrairement à ce que peuvent laisser penser les rétrospectives Instagram des uns et des autres. 

À lire aussi : Illana Weizman : « La rivalité féminine est une haine de soi qui ne passera plus par moi »

« Ne comptez pas sur une reconfiguration de votre cerveau aux douze coups de minuit ou à un quelconque changement fondamental »

Concernant les résolutions, cul et chemise avec les bilans de fin d’année, temps où l’on ne regarde plus derrière, mais devant (tout pour ne pas être dans le moment présent), je vous avoue que je peux encore moins les encadrer. S’il peut être motivant de se donner de grandes lignes et objectifs vers lesquels tendre pour l’année à venir, soyons honnêtes, le fait que la Terre ait achevé sa révolution autour du Soleil ne change rien à nos capacités et à nos réalités matérielles. Ne comptez pas sur une reconfiguration de votre cerveau aux douze coups de minuit ou à un quelconque changement fondamental. Selon une étude de l’Université de Scranton, 77% des personnes ont maintenu leurs engagements pendant une semaine, mais seulement 19% pendant deux ans. Selon une autre étude du Professeur Wiseman de l’université de d’Hertfordshire, seulement 12% d’entre nous tiennent leurs résolutions du nouvel an. À l’aune de ces chiffres, je perçois le fait de dresser une liste de bonnes résolutions comme une façon d’ajouter de la culpabilité à un fort probable échec. 

Apporter du changement dans nos vies, adopter de meilleures habitudes, est une mécanique du quotidien, pas un saut fictif que l’on fait entre le 31 décembre et le premier janvier. Et quand je parle de mécanique du quotidien, il convient en prérequis d’en avoir les moyens matériels, ce qui n’est pas le cas de tous et toutes.

De mon côté, je vous souhaite une (aussi) bonne année (que possible), sans résolution ni auto-flagellation, émaillée de beau et de touches de bonheur, avec la force ou la chance de laisser passer le sombre.

À lire aussi : Illana Weizman : « La domination masculine, c’est l’effacement des femmes au profit de la satisfaction des hommes »


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